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Exposition "Patchworks du Japon"
(Meguro Gajoen, Tokyo, Japon)
Heure locale

 

Vendredi 15 juin 2018

 

De passage à Tokyo (Japon), je me rends à Meguro Gajoen afin d'admirer l'exposition consacrée au patchwork japonais pendant encore quelques jours. L'occasion pour moi est belle de me pencher sur cette technique de couture qui consiste à assembler différents morceaux de tissus de tailles, formes et couleurs variés dans le but de réaliser différents types d'ouvrages. Historiquement, le patchwork répondait avant tout à une préoccupation d'ordre pratique, celle de réutiliser des fragments de tissus issus de découpes. On retrouve des représentations très anciennes de cet art en Inde et en Egypte, et la tradition rapporte que les croisades rapportèrent de Palestine des travaux de patchwork en Italie et dans le sud de la France.

Cet art se développa plus tard, c'est à dire à partir du 18è siècle, en Grande-Bretagne, puis aux Etats-Unis (au moment de la forte immigration britannique vécue au début du 19è siècle). C'est au contact des femmes anglaises que les Amish furent à leur tour séduites par ce mode de récupération des morceaux de tissus, une pratique qui correspondait parfaitement au mode de vie de leur communauté.

 

En Asie, cette technique de couture semble s'être toujours pérennisée : il suffit de se pencher sur la technique du sashiko japonais, qui date de l'ère Edo, pour s'en apercevoir. Certaines gravures illustrent ainsi l'utilisation ancienne du rapiéçage et de la broderie pour prolonger l'utilisation des vêtements. De même, en Inde et au Pakistan, on trouve encore des artisans qui réalisent des patchworks de type mola ou en broderie perse avec un appliqué collé, le Ralli quilt des bords du désert du Thar.

Techniquement, il existe le patchwork piécé (les morceaux de tissus sont cousus les uns aux autres) et le patchwork appliqué (les morceaux de tissus sont superposés). Ces deux types d'ouvrage servant ensuite à recouvrir une couverture, un habit ou un panneau mural décoratif. Plusieurs étapes sont nécessaires à la réalisation d'un tel travail : on découpe les morceaux de tissus puis on les assemble avant de les coudre pour réaliser les ajustements indispensables et obtenir l'effet artistique désiré, à la taille souhaitée. On coud ensuite les morceaux les uns aux autres, puis on procède au matelassage qui consiste à coudre ensemble la surface du patchwork et une doublure entre lesquelles on insère une épaisseur de molleton. On utilise à cette occasion des points couturiers selon des tracés décoratifs afin de donner un relief à l'ensemble. C'est le nom de ce piquage (quilting en anglais) qui donna le nom anglo-américain de quilt à l'assemblage des tissus.

 

Il existe bien sûr plusieurs types de patchwork, comme décrits plus hauts, et certains types d'assemblage de porter des noms spécifiques : le mola (appelé aussi appliqué inversé), le sampler (composé de blocs tous différents), le crazy (qui utilise des pièces de formes irrégulières ne faisant aucune référence à des motifs traditionnels et avec des coutures souvent brodées entre les pièces de tissus), le seminole (utilisation de pièces de tissus obtenues en découpant un assemblage de bandes parallèles de tissus différents à 45 ou à 60°, afin d'obtenir un résultat similaire à l'habit d'Arlequin) et le sashiko (parfois simple broderie, parfois assemblage de pièces à motifs japonais et surtout avec une couleur de fil en contraste avec celle du tissu).

En japonais, sashiko signifie petits bâtons, ou petits points. Et constitue une technique de broderie nippone, utilisée historiquement pour rapiécer des vêtements ou pour les rendre plus solides, puis pour réaliser des œuvres à vocation décorative, ce qui est le cas aujourd'hui, pour les pièces présentées à cette exposition. Cette pratique du sashiko remonte à l'ère Edo, lorsqu'il fallait renforcer la solidité des vêtements de travail de la population japonaise rurale et des pompiers privés de Tokyo. Les pièces obtenues offraient alors aux paysans nippons des vêtements plus résistants et qui résistaient mieux au froid et au temps (le sashiko permettant d'utiliser les vêtements plus longtemps en les reprisant ou en les assemblant). A cette époque, des lois impériales régissaient en effet vêtements, textiles et couleurs portées par la population. Et les classes populaires de ne pas avoir le droit d'arborer des couleurs vives, de larges motifs ou des tissus riches (comme la soie par exemple). Au contraire, les textiles indigo sont alors répandus et les motifs utilisés sont nécessairement petits.

 

Sous l'ère Meiji, le sashiko constitue une précieuse occupation pendant les longs hivers, tout particulièrement parmi les communautés rurales du nord du Japon. Les jeunes filles apprennent alors les techniques traditionnelles de la main de leurs ainées, et rigueur et patience sont des qualités indispensables pour réussir ce type de broderie. Le sashiko va connaître enfin un entrain nouveau à la fin du 20è siècle, tant au Japon que dans les pays occidentaux.

Cette broderie est traditionnellement réalisée avec du fil blanc ou écru sur une toile indigo, bien qu'on retrouve aussi des échantillons brodés avec du fil rouge. Le fil utilisé est également plus épais que celui utilisé en broderie occidentale et il est composé de coton puis tordu d'une certaine manière afin de renforcer sa solidité et de présenter un rendu mat. Quant au support de la broderie, il s'agit en général d'une étoffe naturelle faite en coton, en lin, ou en chanvre et tissée assez lâchement afin de permettre un passage plus aisé de l'aiguille. Une aiguille d'ailleurs plus longue que les aiguilles à broder classiques pour pouvoir broder plusieurs points à la fois. Quant au chas, il est bien entendu adapté au fil.


Les motifs anciens, eux, disposent chacun d'un ordre dans lequel traiter les lignes de points pour faciliter et accélérer le travail. Ainsi existe t-il des nœuds traditionnels pour le début du travail ou le changement de fil en cours d'ouvrage (hatamusubi) afin de tirer le maximum de profit de l'aiguillée de fil. Les motifs reprennent dans leur grande majorité des éléments géométriques, parfois stylisés, comme des vagues, des montagnes, des bambous, des losanges, des éclairs, des hexagones ou des fleurs. Ils se classent en deux catégories : moyozashi (qui désigne des motifs dont les points ne se coupent pas) et hitomezashi (lorsque le motif est travaillé sur une grille avec des points verticaux et horizontaux qui peuvent se couper). Le patchwork offre aussi d'autres techniques comme les broderies Kogin et Nanbu hishizashi, variantes à points comptés d'hitomezashi.

Certains dessins sont pareillement privilégiés par les brodeurs pour leur valeur symbolique et protectrice : les étoiles à cinq branches takonomekura protègeraient ainsi les pêcheurs de Kyushu des naufrages tandis que les motifs de zig-zags éloigneraient les mauvais esprits. Quant aux points de riz komezashi (pour les fermiers) ou d'écailles de poisson urokozashi (pour les pêcheurs) apporteraient la prospérité. Les sources de ces motifs proviennent souvent de la Chine, et d'autres sont originaires du Japon. Les ouvrages d'Hokusai ont ainsi inspirés de nombreux brodeurs.

En ce qui me concerne, je découvrirai sur place des dizaines de modèles de patchworks rassemblés dans les sept salles du bâtiment. Cette exposition s'adressant en priorité à un public nippon n'offre malheureusement pas d'informations en anglais (tout est écrit en japonais!) et il me sera impossible de déchiffrer le nom des artistes et des œuvres. Le ciel m'enverra un guide en cours de visite puisqu'une dame m'abordera très gentiment et agrémentera le reste de ma visite de commentaires en langue anglaise. Il y a foule dans les différentes salles, des dames japonaises pour la plupart, armées de téléphones portables afin de prendre des photos (sans flash) des œuvres exposées. Les patchworks présentés sont de styles différents, et chaque salle rassemble des œuvres tournant autour d'un même thème. J'observerai également dans cet art textile des œuvres composites représentant parfois de vrais tableaux figuratifs (ou pas), mélangeant un fond d'éléments assemblés complétés par des pièces appliquées cousues ou même collées. Là intervient l'art de la finition qui réside aussi dans les motifs et les points utilisés pour le quilting qui doit mettre en valeur les œuvres assemblées.


INFOS PRATIQUES :

  • Exposition « Patchworks du Japon », jusqu'au 24 juin 2018, au Meguro Gajoen, 1-8-1 Simomeguro, Meguro-ku, à Tokyo. Tél : 03 5434 314O. Ouvert tous les jours, de 10h00 à 18h00. Entrée : 1500 yens. Prise de photos interdite. Boutique. Metro: Meguro. Site internet : http://www.hotelgajoen-tokyo.com/foreign/en/

  • Merci à Madame Mami Adachi pour son charmant accueil.









 



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