Revoir le globe
Top


L'Histoire de Guangzhou
(2) (Guangzhou, Province du Guangdong, Chine)
Heure locale


Mercredi 8 juillet 2015

 

Il y a deux ans déjà, je me rendais au musée de Guangzhou et explorais l'histoire de cette ville, jusqu'à la dynastie des Song. Ce musée de la ville ouvrit ses portes il y a bientôt 90 ans, dans la Tour Zhenhaï (en photo ci-dessous), l'un des symboles de Canton et l'un des plus anciens musées chinois. Celle-ci fut bâtie au nord de la ville, sur un point haut. Le bâtiment porte également le nom de « Pagode à cinq étages » en raison de sa forme et deviendra d'ailleurs rapidement le rendez-vous favori des peintres sous la dynastie des Qing. Je poursuis aujourd'hui ma visite avec l'arrivée des Européens en Chine, et tout particulièrement en 1514, avec le débarquement des Portugais par la mer. Ceux-ci furent les premiers à arriver dans cette région et à y établir dès 1517 un monopole sur le commerce extérieur grâce à leur comptoir commercial, en s'installant dans le delta de la rivière des Perles. Canton avait vu, pour sa part, et presque deux siècles auparavant, Zhu Liangzu (marquis de Yongjia) fusionner trois villes situées au nord de la cité, durant la dynastie des Song. La province du Guangdong jouit d'un climat tropical de mousson et le riz, qui reste la grande culture, apporte deux récoltes annuelles. En ce qui me concerne, je supporte tant bien que mal ce temps chaud et humide. Le delta de la rivière des Perles est de nos jours l'un des plus grands centres producteurs de soie de la Chine. La pêche y est extrêmement active sur le littoral, soit le quart des prises chinoises. Outre le thé et le tabac, la province cultive alors les fruits tropicaux et la canne à sucre, mais on y trouve par contre peu de ressources minérales : un peu de charbon seulement au nord de la province, du tungstène, des schistes bitumineux...Le Zhu Jiang est le nom chinois de cette rivière des Perles qui alimente le fameux delta à Guangzhou. Ce cours d'eau mesure un peu moins de 2200 kilomètres et arrose la ville de Canton. Et tient son nom d'une île nommée « île de la perle de mer » qui existait autrefois au milieu du lit du fleuve. Cette île a aujourd'hui disparu, en raison du changement du cours du fleuve.


 

Les Portugais seront bientôt expulsés de Canton mais pourront conserver l'utilisation de Macao en tant que base commerciale pour y créer une colonie, puis une ville en 1557. Ils conserveront pendant un siècle un quasi-monopole sur le commerce extérieur de la région, jusqu'à l'arrivée des Hollandais, au début du XVII ème siècle. Le déclin portugais ouvrira des portes à d'autres nations européennes qui tenteront de s'établir dans la région pour commercer avec la Chine. Les Britanniques, puis les Français (à partir de 1685) s'établiront à Canton (Guangzhou) avec la Compagnie française des Indes orientales. Créée par Colbert en 1664, cette entreprise coloniale avait pour objet de naviguer et négocier depuis le cap de Bonne-Espérance jusqu'à presque dans toutes les Indes et mers orientales, avec monopole sur le commerce lointaine pour une durée de cinquante ans. Plus que sa rivale anglaise, celle-ci formera une véritable puissance dans l'océan indien entre 1720 et 1740, avant de devenir centrale dans les grandes spéculations boursières sous Louis XVI.

L'histoire de Guangzhou (Canton) est émaillée de noms célèbres, comme par exemple celui de Robert Morrisson, premier missionnaire écossais en Chine. Arrivé en 1807 à Canton, celui-ci, aidé de ses assistants chinois, traduira en chinois la Bible jusqu'en 1819. Il convertira également une dizaine de ressortissants chinois, et collaborera avec d'autres missionnaires contemporains dont Peter Parke (premier missionnaire médical en Chine, qui fondera le premier hôpital ophtalmologique à Canton, dans les années 1820). A cette époque, les efforts des premiers missionnaires étaient limités géographiquement à Guangzhou, voire Macao. Efforts consistant alors à distribuer des ouvrages entre les membres de la classe marchande, convertir certains ressortissants locaux, jeter les bases d'un travail plus éducatif ou développer la médecine occidentale qui jouera plus tard un rôle conséquent dans la nation la plus peuplée du monde. En 1828, Robert Morrisson parachèvera son œuvre en publiant quelques années avant sa mort (qui intervint à Canton en 1834) un dictionnaire de dialecte cantonais.

Canton sera le premier port chinois à s'ouvrir à la culture occidentale, en 1757, sous le règne de Qianlong. Ecoles et hôpitaux y fleuriront comme par exemple cette école de traduction fondée en 1864 par Tong Wen Guan. Cet établissement deviendra l'une des meilleures écoles de traduction impériales chinoises, procurant déjà à l'époque des documents en anglais, allemand, français, japonais et russe. Trois siècles auparavant, un autre personnage était arrivé à Canton : dès 1582, le prêtre jésuite italien Matteo Ricci avait choisi d'y diffuser sa foi, en développant largement les échanges culturels entre l'Occident et la Chine, tout en enseignant parallèlement les sciences et la technologie de notre monde. Passionné par la Chine, notre missionnaire dessinera des mappemondes afin de faire connaître aux Chinois le reste du monde. Le musée de Canton m'offre aussi d'admirer, en photo ci-dessous, la première carte du monde qu'il réalisera en Chine.


 

Le commerce et l'industrie prendront toute leur place à Guangzhou, dès le XVIII ème siècle, commerce trouvant son origine dès le milieu de la dynastie des Ming, lorsque l'autorisation fut donnée aux marchands Hong de la ville de développer le commerce avec l'étranger. Celui de la soie occupait une place prépondérante grâce aux marchands étrangers qui l'exportèrent largement vers l'Europe, en Amérique ou vers l'Asie du sud-est. Le thé, lui aussi, occupera une place de choix dans le commerce du port de Canton, au cours des XVIII et XIX ème siècles (comme sur cette deuxième photo ci-dessous, en 1820). Breuvage dont s'enticheront les Européens qui adopteront par la suite un grand nombre de chinoiseries, ces objets d'art dont l'esthétisme procèdera du courant orientaliste. Et l'Europe d'imiter la sophistication technique des céramiques chinoises d'alors, avec plus ou moins de succès. Les premiers signes de cette d'art rococo apparaitront au début du XVII ème siècle grâce à des pays comme la Hollande, l'Angleterre, ou la Suède (celle-ci importera ainsi cinquante millions de pièces de porcelaine depuis Canton, entre 1731 et 1836, grâce à la Swedish East Indian Company).

L'arrivée des Occidentaux en Chine sera accompagnée de l'arrivée de matériaux inconnus des Chinois : corne de rhinocéros, corail, ambre, bois de rose et ivoire. Ces matériaux permettront l'essor d'un nouvel artisanat cantonais. J'ai déjà eu l'occasion d'aborder ce sujet dans d'autres articles consacrés à Canton.


 

Autre étape importante dans l'histoire de Guangzhou : la signature du traité de Nankin, le 29 août 1842, à bord d'un vaisseau de guerre britannique. Cet accord mettra fin à la première guerre de l'opium qui sera remportée par le Royaume-Uni, aux côtés d'autres puissances occidentales colonisatrices, sur l'Empire chinois alors dirigé par la dynastie des Qing. Ce traité offrira de nouvelles opportunités commerciales aux Européens, dans ce pays auquel ils n'avaient encore qu'un accès restreint ou militaire, notamment avec l'accès à cinq nouveaux ports pour le commerce (dont celui de Shanghai). Le traité proclamera la cession de l'île de Hong-Kong au Royaume-Uni, et la Chine sera dans l'obligation de verser des indemnités d'un montant de 21 millions de dollars sur une durée de quatre ans, en dédommagement de la drogue détruite en 1839. Cet accord, qui fera partie des traités inégaux (c'est à dire des traités imposés militairement par les puissances colonisatrices occidentales aux pays d'Extrême-Orient), prévoira ainsi l'accès aux ports de Shanghai, Ningbo, Fuzhou, Amoy et...Canton (ce port-là était déjà ouvert aux Occidentaux avant la guerre). Les Anglais obtiendront aussi une représentation consulaire, des taxes fixes, l'abolition de la guilde, la légalité de traitement entre diplomates occidentaux et chinois, le libre commerce, la libre résidence consulaire, l'achat possible de terrains, l'ouverture d'écoles et l'extraterritorialité des Occidentaux. Par ailleurs, les sujets britanniques responsables de crimes de sang en Chine pouvaient désormais être jugés par une cour de justice au Royaume-Uni.


 

Au cour de la seconde guerre de l'opium, en 1858, la ville de Canton fut bombardée conjointement par les Britanniques et les Français. Cette guerre, qui opposa la Chine à la France et au Royaume-Uni de 1856 à 1860, peut être considérée comme le prolongement de la première guerre de l'opium. Ce deuxième conflit trouva ses origines dans le déficit de la balance commerciale des Occidentaux, et le désir de ces derniers d'étendre leur commerce vers le Nord et l'intérieur de ce gigantesque pays. De plus, le commerce de l'opium étant toujours resté illégal en Chine, le vice-roi de la ville de Canton le pratiquait tout de même tout en faisant condamner à mort les étrangers accusés de ce même commerce. La France et les Etats-Unis, puis le Royaume-Uni, lui demanderont ainsi, en 1854, de réviser le traité signé, citant les articles concernant le « traitement égalitaire » prévu dans le traité de Nankin. Les demandes des ministres européens réclamaient alors de pouvoir pénétrer sans hostilité dans Canton, de pouvoir étendre le commerce à la Chine du nord et le long du fleuve Yangzi, de légaliser le commerce de l'opium et de traiter directement avec la cour de Pékin. La cour impériale de la dynastie Qing rejettera en bloc ces demandes, d'où la déclaration de guerre des puissances occidentales. Toutefois, les Occidentaux attendirent qu'un événement déclencheur se présentât pour déclencher le conflit: cet événement survint le 8 octobre 1856, lorsque des officiers chinois abordèrent l'Arrow, un navire anglais enregistré à Hong Kong sous pavillon britannique et suspecté de piraterie et de trafic d'opium. L'incident de l'Arrow provoqua l'attaque de Canton par les Britanniques en 1857, depuis la rivière des Perles. Ye Mingchen, alors gouverneur du Guangdong, renonça à résister à cette attaque et l'armée britannique s'empara aisément du fort voisin de Canton, avant de s'en prendre à la ville elle-même, avec l'appui des bombardements américains. Cette fois, habitants et soldats résisteront à l'assaut et forceront les assaillants à battre en retraite vers Humen. Un comité mixte de l'Alliance sera bientôt formé à Canton, comité qui durera quatre ans. Ye Mingchen sera quant à lui exilé à Calcutta où il se laissera mourir de faim. Le traité de Tianjin, signé en 1858, permettra de mettre un terme à la première partie de cette seconde guerre de l'opium, en octroyant l'accès au commerce occidental à onze port supplémentaires, traité que les Chinois refuseront de ratifier dans un premier temps. Finalement signé, ce traité ne sera que partiellement respecté par la Chine et donnera lieu à la seconde partie de la guerre, conflit qui prendra fin avec la signature du traité par le frère de l'empereur Xiafeng, le Prince Gong, lors de la Convention de Pékin le 18 octobre 1860.


 

Revenons à Canton où les Missions étrangères de Paris établiront un vicariat apostolique, initié par Monseigneur Guillemin, lequel fera construire la Cathédrale du Sacré-Coeur, toujours visible aujourd'hui. Après la colonisation occidentale, la ville connaitra l'invasion japonaise, au cours de laquelle elle subira, dès l'automne 1937, de sévères bombardements stratégiques sur des objectifs civils. Et les Japonais d'installer à Canton une unité de recherche bactériologique 8604, filiale de l'unité 731, où des médecins japonais pratiqueront des expérimentations sur des cobayes humains.

Fidèle à sa réputation, celle qu'on appelle également Guangzhou sera l'une des premières villes chinoises à s'ouvrir aux investissements étrangers au début des années 1980. Il est évident que la proximité de Hong Kong favorisa l'émergence de la province du Guangdong. La foire de Canton, qui se tient deux fois par an (en avril et en octobre) est l'une des plus grandes foires commerciales de la planète, où se négocie aussi bien du textile que de l'électronique. Depuis les années 2000, la présence française s'est renforcée dans la ville et ses alentours, avec près de 300 sociétés françaises implantées principalement dans les secteurs industriels et des services, et presque 2000 Français expatriés. Le secteur des vins et spiritueux connait, lui aussi, un essor important avec la tenue du salon Interwine, en mai et en novembre, juste après la foire de Canton.

INFOS PRATIQUES:

  •  Musée de Guanzhou, Zhenhailou, Jardin Yue Xiu à Guangzhou. Tel: 020 835 50 627. Site internet: http://www.guangzhoumuseum.cn/ . le Pavillon de Zhenhailou est ouvert toute l'année de 9h00 à 17h30. Le Pavillon de Meishuguan est ouvert tous les jours de 9h00 à 17h30 (sauf le lundi). Droit d'entrée: 10 yuans. Brochure en anglais disponible au sas de sécurité.

 











Retour aux reportages







Qui Suis Je - Reportages - Médiathèque - Calendrier - Pays - La lettre - Contact
Site réalisé par Kevin LABECOT
Disclaimer - Version mobile