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La Lagune de Chaxa
(Réserve nationale "Los Flamencos", Salar de Atacama, Région d'Antofagasta, Chili)
Heure locale

 

Samedi 23 février 2019

 

Alors que l'accès à la lagune de Chaxa nous était encore interdit il y a deux jours pour cause de travaux, nous pouvons enfin accéder ce matin à la Réserve nationale « Los Flamencos », une immense réserve naturelle qui s'étend sur une superficie de 740 km2 dans l'écorégion Puna sèche des Andes centrales et qui fut créée en 1990. Cette réserve est divisée en sept sections et c'est dans le secteur de Soncor que Jean-Sébastien et moi venons observer les flamants roses.

Le Salar de Atacama occupe l'endroit tout comme cette lagune de Chaxa que nous nous apprêtons à découvrir cette fois. Ce salar (ou dépôt salin), résultat d'une dépression formée par l'élévation progressive de la cordillère des Andes et de cordillère de Domeyko, est le plus vaste du pays et son sel provient de la dissolution des sels du sol volcanique de la région environnante par les eaux apportées sur la chaine andine voisine. Ce dépôt de sel peut atteindre par endroit les 1450 mètres d'épaisseur. Dans un premier temps, ces eaux s'infiltrèrent et s'accumulèrent dans le sol, se chargeant au passage de sels. Puis, un affleurement de ces eaux souterraines se produisit dans la dépression du salar, laissant place à une croûte solide de minéraux (ci-dessous) après l'évaporation des eaux, une croûte qui cache un lac salin. D'une superficie de 320 000 hectares, le Salar d'Atacama mesure cent kilomètres de long et 80 km de large, à une altitude de 2300 mètres.

Le sel présent contient de l'halite et une saumure (contenant entre autres sodium,potassium,magnésium et lithium) utilisée par l'industrie afin de récupérer sulfate de potassium, chlorure de potassium et lithium. C'est de cette saumure que l'on tire le précieux lithium.

 

La lagune de Chaxa se trouve à une vingtaine de kilomètres du petit village de Toconao. Il suffit de suivre les panneaux routiers, prendre d'abord la direction de Socaire puis bifurquer à gauche à quelques encablures du village. La dernière portion de route est de mauvaise qualité et mieux vaut rouler au pas. C'est au bout de cette route que se trouve le bureau de la réserve nationale. Après s'être acquitté du traditionnel droit d'entrée, on est à deux pas de la petite salle d'exposition qui offre une information exhaustive sur la réserve nationale et sur ce qu'on y trouve. On nous explique que le secteur Soncor, qui s'étend sur environ 5000 hectares, est administré par la communauté atacamène de Toconoa, celle-là même dont je parle dans un précédent article. Je trouverai également sur place un parcours d'interprétation de cinq stations, qui nous offre d'en apprendre davantage sur le salar.

Nous entamons bientôt ce parcours de 400 mètres de long (et d'une durée de visite d'environ 45 minutes). La première halte nous invite à découvrir l'artémie, un petit crustacée de moins d'un centimètre qui vit dans les eaux salées, et est l'aliment favori des espèces d'oiseaux locales, dont les flamants roses. C'est lui qui procure au flamant rose cette couleur pigmentée appelée bêtacarotène et leur offre l'énergie indispensable lors de longs déplacements migratoires. Ce crustacé est capable de survivre dans des conditions extrêmes, au point de pondre des œufs eux-mêmes capables de résister longtemps à des conditions limites. Ces pontes ont lieu lorsque l'artémie sent une élévation de la salinité de la lagune et un risque accru d'évaporation de l'eau.

J'apprendrai aussi que le Chili fait partie des pays aux risques accrus de séismes les plus élevés dans le monde. Le pays se trouve en effet le long de la ceinture du feu ( soit plus de 150 volcans actifs, c'est à dire 10% des volcans de la planète). Dans le cas présent, le Chili subit l'activité tectonique entre les deux plaques Nazca et Sud-américaine, une activité qui entraina l'élévation de la cordillère il y a quelques 35 millions d'années. Face au deuxième arrêt sur ce sentier d'interprétation se dresse le grand « Lascar », un impressionnant volcan actif culminant à 5592 mètres. Celui-ci enregistra plus de trente éruptions explosives rien que ces 150 dernières années, ce qui en fait le volcan le plus actif du pays à ce jour. Sa dernière grande éruption date d'avril 1993.


On enregistre ici jusqu'à 50 espèces d'oiseaux, dont la moitié sont des oiseaux migrateurs qui s'arrêtent un temps au Salar de Atacama, au printemps et en été, histoire d'échapper aux rigueurs de l'hiver de l'hémisphère nord. Ils s'alimentent ainsi dans la lagune de Chaxa, et reprennent des forces avant d'entamer leur voyage retour de 12000 km en direction du Canada et de l'Alaska, leurs lieux de nidification.

D'autres oiseaux vivent dans le salar ad vitam aeternam malgré la diminution des ressources alimentaires durant l'hiver. En effet, de nombreux organismes constituant le réseau trophique sont alors en état de latence à cette période de l'année, un moment où la demande alimentaire est moindre suite au retour des espèces migratoires vers l'hémisphère nord. En observant bien la lagune, on pourra voir avocettes des Andes, sarcelles tachetées, pluviers de la Puna,bécasseaux de Baird...et bien sûr les fameux flamants roses.

On dénombre quatre espèces de flamants roses en Amérique du Sud, don trois sont visibles sur la lagune de Chaxa : le flamant chilien, le flamant andin et le flamant de James. Ces flamants roses de belle taille (en photo ci-dessous) sont ici visibles toute l'année, et leurs zones d'habitat se limitent exclusivement aux zones humides des plateaux andins d'Argentine, de Bolivie, du Chili et du Pérou. Bien que ces oiseaux nidifient dans d'autres lagunes, c'est dans cette réserve nationale que ces échassiers se reproduisent le plus (on compte ainsi des milliers de poussins qui naissent et qui grandissent dans la lagune de Chaxa chaque année).


Les flamants roses comptent parmi les espèces d'oiseaux les plus anciennes de notre planète Terre. Les fossiles de ces oiseaux ont permis d'évaluer leurs origines à la période crétacique (il y a 130 millions d'années). Et si l'on chassa longtemps l'animal pour sa viande, ses plumes et ses œufs, cette pratique n'est désormais plus de mise car l'oiseau est protégé depuis le siècle dernier. Au Chili, celui-ci est protégé à l'intérieur de zones spécialement aménagées, mais ce n'est malheureusement pas encore le cas partout. Et les migrations continuelles des flamants roses entre Argentine, Bolivie, Chili et Pérou ne facilitent pas la tâche des anges gardiens de la CONAF (Eaux et Forêts chiliennes). Depuis les années 1990, on peut cependant compter sur le Chili et ses voisins pour effectuer des recensements internationaux à l'intérieur de quelques 220 zones humides andines pour surveiller l'espèce. Un travail de titan !


Les flamants roses ont une alimentation riche composée de petit crustacées, mollusques, insectes et micro-algues particulièrement nombreuses dans les lagunes. D'où leur bec adapté qui plonge dans l'eau à la recherche des victuailles. Les trois espèces de flamants roses cohabitent ainsi souvent dans le même garde-manger malgré leurs différences de régimes alimentaires. Le flamand andin et celui de James avancent lentement la tête baissée, en la bougeant toutefois d'un côté à l'autre, pour filtrer l'eau avec leur bec tandis que le flamant chilien aime se retrouver seul dans un même endroit pour arpenter inlassablement la lagune dans un mouvement circulaire, tout en remuant l'eau et en maintenant son bec plongé.

La période de nidification se déroule au début de l'été et les deux parents se partagent les tâches de surveillance des œufs et des poussins une fois nés. La femelle ne couvre qu'un seul œuf par an dans un nid en forme de cône. A défaut, ce nid, sera construit à même le sol. Les œufs, de couleur blanche, sont de forme elliptique. Leur incubation demande entre 27 et 31 jours. Les trois espèces de flamants roses peuvent nicher ensemble, mais la nidification est par contre très sensible à la diminution des niveaux d'eau et aux perturbations causées par les être humains. Dans ce cas, les oiseaux abandonnent purement et simplement leurs nids, entrainant la perte des œufs partiellement incubés ou même des poussins déjà nés. D'où l'importance primordiale de respecter la quiétude de ces oiseaux lors des visites.

La plus petite des trois espèces observables à la lagune Chaxa est le flamand rose de James : elle est aussi l'espèce la moins abondante et on l'a rencontre de préférence à 4000 mètres d'altitude. Son nom provient de l'anglais philanthrope Berkeley James, qui finança en 1850 l'expédition de Charles Rahmer, lors de laquelle fut capturé le premier spécimen de cet oiseau. Faute d'avoir répertorié l'animal, on pensa un temps que celui-ci avait disparu jusqu'à ce que l’ornithologue Alfred Johnson ne le redécouvre en 1957 dans la laguna Colorada (Bolivie), principale colonie de cette espèce de flamant rose. Ce dernier fréquente la lagune de Chaxa en hiver.

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