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Le Col Swartberg
(Province du Cap-Occidental, Afrique du Sud)
Heure locale

 

Samedi 16 novembre 2019

 

Rude journée que celle d'aujourd'hui. Parti de Prince Albert ce matin à 8h30, je ne rentrai à mon hébergement qu'à 15h00, après m'être rendu au col de Swartberg Pass, un passage routier du massif du Swartberg, reliant le village de Prince Albert (au nord) à Oudtshoorn (au sud).On qualifie l'endroit d'impressionnant et je confirme. Par contre, je vous conseille de compter une journée entière pour faire le tour de ce qu'il y a à voir et de prévoir cette excursion le jour de votre départ de Prince Albert pour, par exemple, le sud de la province, afin de ne pas vous contraindre à revenir sur vos pas en faisant le grand tour par la nationale pour rentrer au campement.

 

Le temps est au beau fixe et cela arrange bien mes affaires car je pars à l'assaut d'un col qui se mérite. Et encore, j'ai choisi de m'y rendre en voiture alors que d'autres font le même parcours à moto ou à vélo. On est ici dans la réserve naturelle du Swartberg, une aire protégée de 1210 km2 gérée par Cape Nature. Deux autres passages, le Meiringspoort et le Seweweeks Poort avaient été inaugurés en 1558 et 1862 respectivement, mais ces deux routes ne comportant pas de fondations adaptées étaient souvent endommagées par le flot parfois torrentueux des rivières du gigantesque massif. Et les habitats du Grand Karoo d'adresser une pétition aux autorités afin de demander qu'une route plus sûre soit construite entre Oudtshoorn et Prince Albert. Par la suite, en 1878, Thomas Bain alors ingénieur routier d'Afrique du Sud fut sollicité pour mener des investigations sur la faisabilité de ce projet. L'homme était expérimenté car il construira au total 24 routes et cols de montagne importants lors de la seconde moitié du 19è siècle. Un premier morceau de route sera rapidement construit pour 600£ et mis en service en juillet 1879, mais pour le reste, l'architecte se trouvait devant un mur. Et d'arpenter inlassablement le terrain deux années durant afin de trouver le bon endroit où faire passer la fichue route. Ses conclusions aboutiront à un cout total de 10418£ pour les 24 km de routes à construire, à condition toutefois d'utiliser des forçats comme main d'oeuvre (le même travail réalisé par des salariés aurait couté 24942£). Cet itinéraire promettait de gagner 54 km entre Oudtshoorn et Prince Albert, en comparaison avec la route du Meringspoort. Un appel d'offres eut lieu et ce fut un certain Jan Tassie qui arracha le contrat pour la somme de 18120£ à condition de réaliser le chantier en 18 mois.

 

Le recrutement des cent premiers travailleurs dans l'actuel Mozambique ne sera pas concluant car plusieurs d'entre eux déserteront le chantier. De plus, il s'avérait très difficile de recruter localement. Quant aux travaux démarrés en octobre 1881, ils ne permettront de réaliser que 5,5 km payés 4098£. Jan Tassie, lui, devint bientôt insolvable et l'on décida à ce moment-là d'utiliser le travail forcé pour achever l'ouvrage. Thomas Bain reprendra la construction de la route deux années plus tard avec l'aide de 200 à 240 forçats. Fin 1884, la route côté Prince Albert atteignit bien le sommet du col mais du côté d'Oudtshoorn, seuls 1,5 km d'un chemin d'à peine deux mètres de large avaient été réalisés. On dut également tenir compte des fortes pluies d'octobre 1885 qui emportèrent à l'époque certaines portions. La ténacité de notre architecte permettra toutefois l'ouverture du col au trafic léger en mars 1886, puis un service postal sera disponible par diligence et le passage des charriots tirés par les bœufs sera possible uniquement le vendredi. En fin de compte, la construction du col aura couté 14500£ (plus les couts des forçats, à savoir 17000£).

Je quitte Prince Albert dans la bonne direction mais ne voit pas de panneaux routiers pour m'indiquer l'entrée de la piste. Ce n'est qu'après quelques kilomètres que je m'engagerai enfin sur la fameuse route du col. Celle-ci consiste en une piste caillouteuse qui n'a d'ailleurs bénéficié d'aucun aménagement depuis son inauguration, mais cette première partie est correcte pour une voiture comme la mienne. Çà ne sera que plus tard que la piste se rétrécira sérieusement, au moment où j'emprunterai la portion d'itinéraire renforcé par d'étonnants contreforts en pierre sèche.La circulation, d'abord rare, s'intensifiera au fil de la matinée. Et le croisement des véhicules de s'avérer de plus en plus hasardeux lorsque la piste se rétrécira. Je garde ainsi l'oeil rivé sur la route, d'autant plus que je n'ai pas droit à l'erreur car l'absence de glissières de sécurité ferait d'une sortie de route un accident fatal.

On m'avait pourtant conseillé de regarder autour de moi, pour repérer la faune locale cachée dans les rochers : babouins, chacals, caracals et léopards seront aux abonnés absents. Seuls deux oréotragues (en photo ci-dessous) me feront le cadeau de rester pour la photo. De petite taille, cette antilope porte des sabots très pointus adaptés aux parois rocheuses, ce qui la rend agile dans ses déplacements.

 

Après trois kilomètres, j'aperçois la face sud d'un rocher recouvert d'un inhabituel lichen de couleur jaune. Très vite, je suis cerné de hautes falaises rocheuses s'élevant jusqu'à 200 mètres au-dessus de la route. Je pense aux hommes qui ont du en baver pour percer cette portion d'itinéraire, d'autant plus qu'à l'époque, on ne disposait pas des machines performantes actuelles et que tout était fait manuellement. A Eerstewater, je traverse ma première rivière, à gué. En hauteur, un immense rocher étrangement froissé domine le paysage. Emporter avec soi une paire de jumelles (ce que j'ai omis de faire) lorsqu'on effectue ce genre de balade peut permettre d'apercevoir des choses de très loin, comme par exemple le rocher en forme d'horloge, visible semble t-il depuis Eerstewater. Ce n'est pas moi qui l'affirme mais le guide papier officiel de la réserve (voir infos pratiques) qui décrit avec force détails et photos à l'appui. Ouvrage qui m'a été gentiment prêté par ma logeuse.


 

Le panneau « Tweedewater » matérialise la seconde rivière qui fut apparemment un obstacle supplémentaire pour les forçats lors de la construction de cette route. On pense que bœufs et chevaux venaient se désaltérer à ce point d'eau, le dernier avant d'attaquer les choses sérieuses. Cent mètres plus loin, un rocher est à regarder avec attention car on peut y distinguer, en regardant bien, un point d'interrogation retourné (la tête en bas). Moi je n'ai rien remarqué, et vous ? 2,5 km plus loin, je remarque par contre les murs de pierre sèche patiemment érigés par les travailleurs forcés (ci-dessous en photo). Ces ouvrages ont parfaitement survécu à l'épreuve du temps et forment des zigzags en suivant la route qu'ils supportent. Certes, un siècle plus tard, la pierre semble avoir quelque peu changé de teinte, mais l'ouvrage est jusque là resté en bon état grâce aux ouvriers spécialisés dans cette tâche qui surveillent et entretiennent ces murs. Au-dessus du panneau indiquant Droëwaterval (ou chute d'eau asséchée), il suffit effectivement de lever les yeux pour observer le phénomène.


 

Ma première récompense intervient au km 11,6, avec la vue panoramique offerte au lieu-dit Teeberg (Montagne à thé). Ce nom fut donné à cette montagne car autrefois, des habitants de Prince Albert venaient souvent cueillir des feuilles d'un buisson à thé très prolifique à cet endroit, feuilles à partir desquelles était préparée une tisane aromatique. Thé ou pas, rien ne vous empêche de vous attabler sur les bancs mis à disposition et de savourer le paysage en dégustant une bonne tasse de thé que vous aurez emporté avec vous. Il est en effet interdit de cueillir des plantes sur place. Qu'on se le dise !. Le panorama qui m'est offert permet d'observer au nord les lointaines montagnes bleues, appelées les Nuweveld Mountains. Quant au Swartberg (ou Montagne noire), on la reconnaît à ses profonds canyons. Enfin, sur ma droite, je peux remarquer la zone de plaines semi-arides insérées entre le Swartberg et les Nuweveld Mountains.


 

Au km 14,5, surgit une maison, qui marque la moitié du parcours. Là a été érigé, en 1938, un monument pour commémorer le centenaire du « Grand Trek »qui partit à l'époque de la colonie du Cap britannique au Transvaal. Les randonneurs peuvent faire une halte à cet endroit pour y dormir et/ou s'y restaurer. Quant à l'eau, elle provient d'une fontaine située de l'autre côté de la route.

Au Km 16,5, me voici en haut du col matérialisé par un panneau (ci-dessous). Une plaque sur laquelle est inscrit un texte expliquant que ce passage a été conçu et tracé par Thomas Bain et 240 prisonniers. Sont aussi mentionnés les couts de l'opération. J'admire la vue imprenable offerte depuis ce site et cette route qui descend de manière importante (12,5% de déclinaison) et que je vais devoir franchir avec mon véhicule. Çà sera la pire portion de route de tout cet itinéraire. Il est temps pour moi que cette traversée se termine car je trouve le temps infiniment long. Soudent, j'aperçois un long ruban de bitume noir. Retour à la civilisation ?


 

Ma prochaine étape : les grottes du Cango (ci-dessous), situées dans le massif calcaire précambrien logé au pied du versant sud des montagnes du Swartberg, à 29 kilomètres de la ville d'Oudtshoorn. La grotte principale est, parait-il, la plus belle d'Afrique du Sud et attire des touristes locaux et étrangers. A mon arrivée sur place, je me ferai violence pour affronter cette horde de visiteurs de toutes nationalités, tout droit descendue de dizaines de bus touristiques afin de profiter de l'attraction du moment, ou peut être tout simplement pour passer un instant au frais (il fait 18°C dans les grottes). Sur les seize kilomètres de galeries découverts à ce jour, seuls quatre sont ouverts à ce public désordonné et indiscipliné que les pauvres guides (du reste fort sympathiques) ont le plus grand mal à contenir.

Dès 1930, le professeur Goodwin, archéologue, entreprendra une exploration systématique de ces grottes découvertes en 1780 par Mr Van Zyl, un fermier des environs, qui prête désormais son nom à la salle que cet homme découvrit en premier, et dont la surface équivaut à celle d'un terrain de football. Douze ans plus tard, le même fermier découvrait une seconde salle. C'est toutefois en 1897 qu'eut lieu la première expédition d'exploration qui permit de cartographier 26 salles. D'autres recherches permirent de certifier que les grottes mesuraient 775 mètres de long et qu'il n'existait aucun dénivelé de plus de seize mètres.

 

INFOS PRATIQUES :

  • Col Swartberg, réserve naturelle du Swartberg, au départ de Prince Albert. 25 km de pistes.
  • Guide officiel « Discover & explore Swartberg Pass » (de Rudi Oberholzer)

  • Site internet de la réserve naturelle du Swartberg : https://www.capenature.co.za/reserves/swartberg-nature-reserve/

  • Grottes du Cango : https://www.cango-caves.co.za

    Entrée adulte : 150 rands. Je loue la patience et la gentillesse du personnel des grottes face à ce flot ininterrompu de touristes (environ quarante personnes par groupe). Si vous n'aimez pas la foule, abstenez-vous !

  • Merci à John Fred de s'être prêté au jeu de l'interview










 



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