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Insolite Buenos Aires
(1) (Argentine)
Heure locale

 

Mercredi 25 janvier 2017

 

C'est un temps ensoleillé qui m'attend à Buenos Aires (Argentine) avec 28° pour cet été austral. Cette fois j'entame une visite de la capitale portégne sous ses aspects insolites, des endroits inattendus ou peu connus du public mais qui s'inscrivent directement dans l’histoire de la cité.

Je pars du centre-ville de Buenos Aires, à pied comme il se doit pour ce genre de promenade et en direction de la rue Callao. Au N° 450 se dressent les statues de la liberté de la ville (ci-dessous), à condition de bien lever la tête. Ces statues ressemblent étrangement à celle qui s'élève sur les Barrancas de Belgrano, du côté des rues du 11 septembre et de Pampa. Celle que vous apercevez sur cette photo est identique et est juchée sur le toit de la façade d'un collège actuellement en réfection, et, chose surprenante, fut inaugurée 25 jours avant sa célèbre jumelle nord-américaine de couleur rouge. Oeuvre de l'architecte italien Carlos Morra, qui fut aussi chargé de la conception de l'ancienne Bibliothèque nationale, le Collège normal Domingo Faustino Sarmiento qui ouvrit ses portes le 3 octobre 1886. 25 jours plus tard, on inaugurait le monument à la Liberté sur l'île homonyme du sud de Manhattan. Le sculpteur Frédéric-Auguste Bartholdi, lui, est l'auteur de notre statue, et il réalisera plusieurs essais avant d'obtenir le modèle à taille réelle qui sera ensuite utilisé pour monter le colossal cadeau, cadeau du peuple français pour le centenaire de l'Indépendance des Etats-Unis. C'est donc un de ces nombreux modèles qui finit par couronner le célèbre collège...Rien ne se perd. La statue constitue aussi un clin d'oeil destiné au maitre maçonnique Sarmiento, puisque l'oeuvre de Bartholdi représente la connaissance et le soleil dans la symbolique des Francs-maçons. Quant à la statue des Barrancas (mot signifiant terrains en pente) de Belgrano, elle fut commandée par la Municipalité de Buenos Aires à la France. Un secret se niche au pied de celle-ci, une inscription qui indique « Fondu par le Val d'Osne 68, 8, rue Voltaire, Paris. A.Bartholdi ».


 

Je rejoins bientôt l'Avenue Corrientes où m'attendent plusieurs surprises : Au N°1753, se trouvent les empreintes des mains d'Alberto Olmedo (ci-dessous), connu également sous le nom d' El Negro Olmedo. Célèbre humoriste et acteur argentin, notre homme était originaire de Mar del Plata, et sa mort tragique créa un certain émoi, puisqu'il mourra en tombant d'un balcon un soir de fête. Sa mémoire aura été respectée car il déclara un jour au journaliste qui lui demandait ce qu'il aimerait laisser à la postérité, qu'il aimerait laisser une statue de ses mains, Avenue Corrientes, pour que les gens puissent se rappeler de lui en passant devant. Sa mort soudaine donnera lieu à plusieurs hommages et son souhait fut exaucé. Désormais, les mains d'Alberto Olmedo s'affichent sur une plaque de bronze fixée sur une petite colonne de briques, mais la photographie de l'acteur semble avoir disparu. Le vandalisme fit en effet son œuvre rapidement puisque la plaque et la photo seront volées. Il faudra l’intervention de l'association des Amis de l'avenue Corrientes, en 2009, pour réinstaller l'hommage sur son emplacement actuel, sur le trottoir de l'ancien ciné-théâtre Alfil, où le comique avait joué sa dernière saison à Buenos Aires. Puis en novembre 2010, la municipalité installera au croisement de Corrientes/ Uruguay une statue du Negro Olmedo accompagné de Javier Portales, son fidèle complice de jeu. Alberto se lancera au théâtre La Comedia dès 1947, avant de se produire en duo avec Antonio Ruiz Vinas, en 1951, de se faire connaître puis de monter à la capitale fin 1954. Il se produira dans l'un des plus célèbres programmes TV, Operacion Ja-Ja.


 

Au N° 1369, je m'arrête devant la pizzeria Los Inmortales, bien connue dans le quartier et qui fut jadis ornée d'une grande peinture murale extérieure, une publicité des années 1950 représentant Carlos Gardel (ci-dessous). La même peinture se trouve maintenant à l'intérieur de la pizzeria, une longue salle garnie de tables et dont les murs sont ornés de photographies de gens célèbres de la vie argentine. Sur cette peinture, le fameux chanteur de tango se tient debout, vêtu d'un pardessus noir et d'un haut-de-forme, d'une canne et de gants blancs. En arrière-plan, on aperçoit l'agitation de la rue qui ne dort jamais, avec ses bus, ses édifices, la pizzéria elle-même et l'Obélisque. Or, en se penchant attentivement sur la chronologie du développement du quartier, on note que Carlos Leonetti, l'auteur de la peinture, s'est permis d'insérer un véritable anachronisme dans son œuvre : Carlos Gardel mourut le 24 juin 1935 alors que l’Obélisque qui figure sur la peinture ne sera inauguré que onze mois plus tard, après seulement 60 jours de travaux. Autre erreur : le sens de la circulation de l'avenue a été inversé. L'oeuvre est directement inspirée d'une célèbre photographie de Gardel issue du film Tango Bar, dernier film dans lequel apparut le chanteur. La grande affiche aujourd'hui disparue mesurait 3,8 mètres de largeur sur 2,10 mètres de hauteur et fut inaugurée sur la terrasse du restaurant peu après son ouverture, pour célébrer les vingt ans de la disparition de Carlos Gardel.


 

A quelques pas de là, au N°1181 de l'Avenue Corrientes, se trouve toujours le célèbre glacier Vesuvio (ci-dessous). L'un des murs de l'établissement est orné d'une horloge et des figures les plus célèbres du tango argentin. Au premier étage, j'aperçois plusieurs statuettes (deuxième photo) représentant les musiciens Anibal Carmelo, Troilo, Roberto Goyeneche et Carlos Gardel. Malheureusement, plusieurs d'entre elles sont en cours de restauration. Il me faudra revenir d'ici quelque temps pour admirer l'oeuvre entière de Paula Franzi, une sculptrice issue de l'Ecole nationale des Beaux-Arts. Le tango occupe ici une place prépondérante car le glacier, installé à cet endroit depuis 1902, fit l'objet d'une chanson de tango, La Ultima Grela, créée par Astor Piazzolla et Horacio Ferrer, en sachant aussi que Carlos Gardel et Jorge Luis Borges étaient des habitués des lieux. Le Vesuvio sera l'un des tout premiers glaciers de Buenos Aires, grâce aux Cocitore, famille d'immigrants italiens qui furent les premiers importateurs d'une machine manuelle qui permettait de fabriquer des glaces. Deux employés étaient alors nécessaires au bon fonctionnement de cette machine pour actionner la poignée du grand cylindre métallique. Avec le temps, Vesuvio étendit son activité en développant la confiserie et la fabrication de churros. Les vitraux du glacier, eux, représentent un volcan fumant et reste une véritable œuvre d'art, au point que la boutique a été déclarée « site d'intérêt général de Buenos Aires ».

 

Tout au long de ma balade le long de la grande avenue Corrientes, je rencontrerai plusieurs statues représentant des scènes de vie (ci-dessous) qui donnent un cachet supplémentaire à cette célèbre artère de la capitale, intimement liée au tango et à l'âme de cette ville. Son nom rend hommage à la Province de Corrientes, une province argentine. Elle doit son surnom de rue qui ne dort jamais au fait qu'une quantité d'établissements restent ouverts dans cette avenue, dont le Théâtre General San Martin, ou de nombreuses librairies.


 

Mon périple me conduit maintenant à la rue Bartolomé Mitre d'où part le passage Rivarola (ci-dessous en photo), un lieu parfaitement symétrique. En effet, ce passage, qui traverse le pâté de maisons des rues Talcahuano, Uruguay, Peron et Mitré possède la particularité d'offrir des façades parfaitement identiques : portes, balcons, coupoles et fenêtres des deux côtés de cette rue y ont été construits en parfaite symétrie. Ainsi, huit édifices, de cinq étages chacun, donnent sur ce passage, chaque édifice donnant aux deux extrémités de la rue, comportant des coupoles. Chaque bâtiment est également pourvu de terrasses et on peut « au passage » noter la grande qualité des matériaux employés pour l'érection de ces constructions, puisqu'on trouve ainsi bronze, ferronnerie fine et finitions classiques. A l'intérieur des habitations, les paliers sont en marbre et les roulements des vieux ascenseurs à grilles accompagnent encore de nos jours les entrées et sorties des riverains. L'endroit a un siècle mais on dirait qu'il est de construction récente compte tenu de son bon entretien. Et d'avoir d'ailleurs servi de décor pour le tournage de plusieurs films et spots publicitaires. Jusqu'à la fin des années 1950, la rue portait le nom de Passage La Rural, car le terrain sur lequel furent édifiées les bâtiments appartenaient jadis à la compagnie d'assurances du même nom. Il s'agissait alors d'une zone de bureaux qui fut peu à peu rachetée par des particuliers, jusqu'à aboutir, dans les années 1960, au nom de Passage Rivarola. Au début de la rue se trouve encore une horloge qui rappelle la présence autrefois d'une boutique Le Cimetières des Horloges, paradis de l'horlogerie disparu depuis.


 

Et cette bicoque (ci-dessous) juchée sur le toit d'un immeuble de l'Avenue 9 de Julio, que fait-elle à cet endroit ? Pourvu qu'on lève les yeux, on peut apercevoir cet étrange chalet dont l'homme (qui fut à l'origine de sa construction pour le moins inattendue, construction achevée en 1927) était un fabricant de meubles réputé, d'origine espagnole, Rafael Diaz, dont on dit qu'il ordonna que l'édifice soit bâti dans le même style que sa maison de Mar del Plata. Et lorsqu'il fit l'acquisition de l'immeuble pour y installer son magasin de meubles, d'exiger la construction de cette demeure dans laquelle il se réfugiera chaque jour de 14h00 à 16h00 pour y faire une sieste salvatrice. Durant les années 1930, Rafael Diaz se vantait de pouvoir apercevoir depuis son chalet la côte uruguayenne et la villa de Colonia. Il disposera également d'une vue imprenable sur la construction de l'Obélisque en 1936. L'homme créera aussi sa propre station de radio qui diffusait musique et publicités pour son entreprise, avant de refuser de payer une redevance lors de la réglementation des radios et de revendre sa fréquence. Désormais, la maison abrite les bureaux de l'administration de l'immeuble en-dessous. Son toit de tuiles, sa fenêtre en baie qui évoque les films anglais, sans parler des superbes arabesques ornant les carreaux du sol contribuent toujours à son originalité. Et le chalet d'être passé, en 1968, et à la mort de Rafael Diaz, aux mains des enfants, puis des petits-enfants de ce marchand de meubles pour le moins imaginatif.


 

Il existe une coupole qui se dresse comme un écrin au sommet d'un autre édifice, au N°2009 de l'Avenue Rivadavia. La coupole de l'immeuble « No Hi Ha Somnis Impossibles » est l'une des plus belles coupoles de Buenos Aires, mais aussi l'une des moins typiques. C'est l'ingénieur Rodriguez Ortega qui conçut le bâtiment, lui qui était un fervent admirateur de l'architecte catalan Antoni Gaudi. La construction qui fut inaugurée en 1914 comprend un rez-de-chaussée, une mezzanine, quatre étages d'appartements et une terrasse de 350 mètres carrés. Au sommet de l'édifice, culmine une petite coupole en forme d'oignon, qui se termine par une girouette en fer. En 1999, l'architecte Fernando Lorenzi, spécialiste de Gaudi, entreprit de restaurer l'endroit et, à la suite d'une minutieuse recherche historique, fit poser des structures métalliques sur les balustrades latérales, qui sont les répliques à l'échelle de celles de la célèbre Porte du Dragon du Palais Guëll à Barcelone. On y trouve également des ornements identiques à ceux de la maison Battlo, soit 952 pièces de verre poli utilisées pour couvrir la surface de la coupole. Sur la façade, on peut lire le message en catalan : No hi ha somnis impossibles (Il n'y a pas de rêves impossibles). Sur le même trottoir, au N°2031 de la même rue, se dresse le Palais des Iris (deuxième photo), autre oeuvre de Rodriguez Ortega. Ce palais tient son nom des moulures de fleurs qui recouvrent sa façade et qui évoquent des flammes. L'ensemble représente un bel exemple d'Art Nouveau. Sa terrasse offre une frise en écailles de poisson longeant la corniche, ornée en son centre d'une gargouille rappelant la figure d'un dieu grec.


 

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