Revoir le globe
Top


Mercedes
(Département de Soriano, Uruguay)
Heure locale


Mercredi 17 mai 2017

 

C'est encore une journée radieuse qui s'annonce sur la partie ouest de l'Uruguay, mais la radio argentine annonce un coup de vent pluvieux pour demain sur Buenos Aires, mauvais temps qui évacuera fatalement par ici. Un péage à l'entrée , et un péage à la sortie, c'est le prix de ma visite à Mercedes, capitale du département de Soriano, zone qui fut occupée par les Aborigènes durant des milliers d'années. A l'origine, c'est Villa Soriano qui donnera son nom à l'entité départementale lors de sa création en janvier 1816, par le général José Artigas.

On pense que cette première cité fut à l'époque fondée à partir d'un camp de peuplement franciscain en 1624, camp d'abord installé sur l'ile Vizcaino située à l'embouchure du Rio Negro. Un camp qui portera dans un premier temps le nom de Santo Domingo Soriano, et qui représentera la plus ancienne présence européenne sur le sol uruguayen, précédant même de cinquante ans la fondation de Colonia de Sacramento.

Aujourd'hui la ville principale est Mercedes avec plus de 40 000 habitants. Et comme souvent en Uruguay, pas de panneaux routiers pour m'indiquer le centre-ville. Fondée en 1788 par Manuel Antonio de Castro y Careaga, sous la dénomination Capilla Nueva de las Mercedes, l'endroit servira de camp de repli à l'argentin Manuel Belgrano lors des invasions anglaises dans le Rio de La Plata. Et c'est près de cette ville que sera lancé « l'appel d'Asencio » qui donnera naissance plus tard à la révolution orientale. Le chef militaire José Artigas y établira aussi un QG, à l'intérieur de l'actuel collège Nuestra Senora del Huerto. C'est de ce refuge, qui fait face à la Place de l'Indépendance (ci-dessous en photo) que l'homme lancera sa « proclamation de Mercedes » en 1911. Lors de cette déclaration solennelle, José Artigas invitera la population à se mettre au service du mouvement révolutionnaire en faisant preuve de patriotisme, de discipline et d'obéissance.

 

Il faudra attendre le 6 juillet 1857 pour que la ville devienne capitale départementale, en remplacement de Villa Soriano. Cette même année, ouvrit le premier théâtre de Mercedes tandis qu'un premier quotidien départemental faisait également son apparition. La cité subira plusieurs occupations lors des révolutions de 1863-65 et de 1870-72, avant de retrouver sa quiétude et de croitre à nouveau. Et d'accueillir, en 1890, une importante vague migratoire italienne, laquelle se consacrera principalement au commerce et à l'élevage. Ces immigrés italiens se regrouperont ainsi dans le quartier italien Italia Chico, autour de la Société italienne (ci-dessous), qui sera inaugurée en 1894 par cette nouvelle communauté de peuplement, et qui nous offre toujours aujourd'hui un superbe édifice de style néo-classique.


 

Dès 1867, Mercedes, située le long du Rio Negro, avait son port, et ce, grâce à Maximo Perez qui le construisit. De nombreux bateaux de transport de marchandises, principalement en provenance de Buenos Aires, venaient ainsi y accoster pour y débarquer fret et touristes. Le Rio Negro jouissait déjà d'une excellente réputation et offre encore de nos jours tous ses charmes aux promeneurs de la Rambla costanera (ci-dessous). Ce fleuve est en effet le plus important cours d'eau traversant l'Uruguay sur 750 kilomètres. Ses eaux possèderaient, dit-on, des vertus curatives, puisque les vice-rois de l'époque s'en faisaient acheminer des tonneaux pour leur usage personnel. Cette réputation aura au moins permis à Villa Soriano de développer ses premières activités touristiques.


 

Mercedes connaitra aussi son lot de malheurs avec une épidémie de choléra dès 1868, qui fera disparaître un quart de la population de la cité. Une épidémie de variole surviendra également en 1883. A cette époque, la ville comptait quatre ateliers de salaison, ainsi que de nombreuses entreprises de sellerie, quatre brasseries, plusieurs scieries, des chantiers navals, des fabriques de bougies et de savons, plusieurs ferblantiers (spécialisés dans la fabrique ou la vente d'outils ou d'articles ménagers en fer blanc), des artisans en orfèvrerie et des forgerons. Un tel développement économique avait été rendu possible grâce à l'éloignement de cette ville de Montevideo (près de 300 kilomètres). La crise rattrapera cependant Mercedes en 1890, mais aussi le département tout entier, à cause notamment d'une dévaluation de 60% de la monnaie, d'un retard important dans le paiement des salaires et d'une perte importante de cheptel ovin qui paralysera durablement cette filière, sans compter l'arrêt de pratiquement toute l'activité industrielle locale. Heureusement, l'arrivée en ville du télégraphe, dès 1901, de l'électricité, du cinéma, puis du chemin de fer (qui permettra une liaison ferroviaire avec Montevideo) apportera à Mercedes les moyens d'une croissance nouvelle. Bientôt, on allait tracer la promenade de la rambla le long du Rio Negro, puis l'église (anciennement Capilla Nueva devenue depuis cathédrale) érigera ses deux tours (ci-dessous). C'est également à ce moment-là que plusieurs activités artisanales disparaitront pour laisser la place, à partir de 1940, à la fabrique de papier Pamer, à une entreprise de pasteurisation du lait, à une laiterie, à des moulins, des briqueteries, des scieries, des fonderies, des fabriques de charcuterie, toutes ces entreprises faisant la part belle à l'esprit d'initiative et à l'envie d'entreprendre. Dans le même temps, l'emploi repartit de plus belle chez les ouvriers et les travailleurs ruraux. La Ruta 2, elle, avait été ouverte depuis 1930, et autorisait la circulation des passagers par autobus, renforçant ainsi les liens avec la capitale uruguayenne.

 

Sur les conseils d'habitants attentionnés à mon égard, je stationnerai mon véhicule sur la Place de l'Indépendance. Pas de droit de parking, ni d'amende à payer, m'assure un garçon qui veille à trouver des places de stationnement aux automobilistes. Je lui donnerai la pièce à mon retour. Et sur les conseils de ce même homme, de me rendre au Gran Hotel Brisas del Hum pour me procurer l'indispensable plan de la ville. Je serai merveilleusement accueilli par la réception de cet établissement, qui me remettra non seulement un plan, mais aussi un dépliant mentionnant les quinze façades incontournables de Mercedes. C'est décidé, cette tournée des Grands Ducs constituera donc le but de ma promenade ce matin.

Face à la Place de l'Indépendance s'élève la Cathédrale Nuestra Senora de las Mercedes (sur l'escalier de laquelle je m'étalerai de tout mon long en glissant sur les marches de marbre!). Cet édifice, classé monument historique national, est une des cartes postales de la cité. C'est en 1860 que sera posée la première pierre de ce lieu de culte destiné à remplacer l'ancienne église. Sept ans plus tard, seront posées les deux cloches, chacune d'entre elles pesant 250 kg. M'étant relevé de ma chute sans autre dommage que l'émotion et un gros hématome, je poursuis ma promenade en direction de Casapuerta (ci-dessous) qui abrite désormais le centre culturel, artistique et artisanal du département de Soriano. Là des artistes divers exposent leurs œuvres, mêlés aux artisans locaux qui proposent au public des objets en céramique, en cuir ou en laine. De l'autre côté de la rue se dresse la Casa Cultural (Maison de la culture, sur la deuxième photo) qui fut bâtie en 1885 dans un style néo-classique et servit d'abord de siège à la loge maçonnique Armonia. De nombreux symboles de la façade en témoignent. De nos jours, le bâtiment accueille diverses activités culturelles de la ville (ateliers, cours et expositions) touchant à l'art.


 

Rue Cristobal Colon, au numéro 278, se trouve la pharmacie Sifredi qui a trouvé refuge dans un autre édifice de style Art-déco. Je poursuivrai ma balade en m'arrêtant devant la magnifique maison de l'ancienne Sociedad italiana, mentionnée plus haut, qui fut inaugurée le 20 septembre 1894. Nous avons ici l'une des constructions les plus emblématiques de la cité, avec son style néo-classique et son fronton singulier. Autre façade d'intérêt, celle du commissariat de police (ci-dessous) située à l'angle de 18 de Julio et de W.Ferreira Aldunate. Je passerai devant le Théâtre 28 de Febrero mais sa façade ne me marquera pas : inauguré pour la première fois en 1857, l'endroit portait alors le nom de Teatro del Progreso. Un incendie détruira l'ensemble en 1938, entrainant sa reconstruction dans le style Art-déco d'aujourd'hui. Le théâtre devint alors théâtre municipal jusqu'à ce que le département de Soriano, désormais propriétaire des lieux, ne décide de lui attribuer son nom actuel, en 2009, en souvenir de l'appel d'Asencio (Grito de Asencio). Ce théâtre servira de salle pour les manifestations les plus diverses (combats de boxe, pièces de théâtre, représentations de cirque...)

Autres façades et autre style, dans la rue Castro y Careaga, avec les maisons de Francisco Matosas (deuxième et troisième photos). L'artiste catalan réalisa ici une œuvre de style Art Nouveau entre les années 1934 et 1936. Francisco Matosas quitta l’Espagne, son pays natal, entre 1909 et 1910 pour s'installer définitivement à Mercedes en 1917 après avoir passé quelques temps en Argentine, à Santiago del Estero. Né à Badalona (Catalogne, Espagne) en 1886, notre homme s'éprit des réalisations d'Antonio Gaudi, au point de s'inspirer de ce style moderniste catalan pour décorer ses maisons. Ainsi reconstitua t-il, entre autres, le faux bois, élément essentiel de l'Art Nouveau. On estime à une trentaine le nombre de maisons construites par Francisco dans cette ville, mais les plus représentatives de son style se trouvent sans aucun doute aux N° 327 et 337 de la Calle Castro y Careaga, sans oublier une autre maison, surnommée la marchande de fleurs (Vendedora de flores) qui, elle, se trouve dans la rue Mario Cassinoni, toute proche.


 

Après ma promenade urbaine, je regagne mon véhicule et me rends au Castillo « Baron de Maua » (ci-dessous). Cette propriété, qui se trouve à trois kilomètres du centre-ville, est une construction de style néo-classique qui appartint au banquier Irineu Evangelista de Sousa, Baron et vicomte de Maua en 1857. En bon Français, je m'imaginais découvrir un château tel que nous l'entendons, c'est à dire une forteresse. En fait, il s'agit d'un bâtiment rectangulaire à un étage, avec ses deux tours de garde. Sur la façade arrière de l'édifice, j'observerai un escalier en ferronnerie décoré d'azulejos (deuxième photo). Le second propriétaire, Buenaventura Caviglia, entreprendra quelques modifications architecturales, dont l'ajout de deux fontaines semi-circulaires sur l'arrière du bâtiment. L'ensemble a depuis été acquis par le département de Soriano qui y a aménagé le musée de paléontologie Alejandro Berro, au rez-de-chaussée, puis la galerie d'ateliers d'artistes, Posada del Arte, au premier étage.

Je m'adresse au musée en faisant part de mon désir d'en savoir davantage sur cette propriété et un charmant monsieur me servira de guide une heure durant, me racontant l'histoire du site et me faisant même visiter la cave de la propriété (troisième photo) d'où je rapporterai d'ailleurs une bouteille de vin rouge de cépage Tannat.

Un retour sur l'histoire du Baron de Maua me permet de découvrir un personnage extraordinaire : Irineu Evangelista de Sousa, vicomte de Maua, naquit à Yaguaron (Rio Grande del Sur, Brésil) en 1813, trois jours après Noël. Homme d'affaires, homme politique et banquier de l'empire du Brésil, mais aussi principal pourvoyeur de fonds de la politique de l'empereur d'alors, Pedro II, il effectuera d'importants investissements dans les secteur du ferroviaire, de la marine marchande, de la métallurgie, du gaz et de l'électricité. Et notre homme, d'origine pourtant modeste mais avec le sens inné des affaires, de devenir le premier industriel du Brésil, à une époque où l'économie de ce pays reposait surtout sur les exportations de café, de sucre et de caoutchouc. On peut dire que le rôle d'Irineu Evangelista de Sousa fut déterminant dans le changement de mentalité économique du Brésil, en cette fin du XIX ème siècle.


 

INFOS PRATIQUES :











 



Retour aux reportages







Qui Suis Je - Reportages - Médiathèque - Calendrier - Pays - La lettre - Contact
Site réalisé par Kevin LABECOT
Disclaimer - Version mobile