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San José de Mayo
(Département de San José, Uruguay)
Heure locale


Dimanche 21 mai 2017

 

En de dimanche couvert et froid, qui marque le vrai début de l'hiver austral, je décide de partir pou San José de Mayo, capitale du département du même nom. La réceptionniste de mon hôtel m'assure que la Ruta 3 qui y mène est très bonne. Elle ne m'a pas menti, puisque je parcourrai les 98 kilomètres de trajet dans d'excellentes conditions, en une heure de temps.

San José de Mayo fut fondée par Eusebio Vidal en 1783. Notre homme, alors lieutenant de dragon quitta Montevideo le 28 mai de cette année-là sur ordre du Vice-roi Vertiz, emmenant avec lui 29 attelages, 204 Indiens et une quarantaine de familles destinées à former un premier noyau de population une fois sur place. Juan José de Vertiz y Salcedo était un conquistador et un bureaucrate, qui exercera la charge de vice-roi à partir de 1770 et jusqu'au moment de la création de la vice-royauté du Rio de La Plata, six ans plus tard. Le convoi, lui, atteindra le cours d'eau San José le 1er juin 1783, et c'est là qu'un premier camp de peuplement sera établi. Aux 46 premières familles, à l'origine prévues pour aller peupler la Patagonie, furent rajoutées six autres, un an plus tard, dont une (la seule) qui venait de la Province du Leon (Espagne). Les autres familles venaient des Asturies, de Castille, et d'Andalousie. Toutefois, les terres qui leur furent attribuées furent loin de suffire pour nourrir tout ce petit monde et, face à la voracité des propriétaires terriens alentours, la population n'aura de cesse de réclamer l'aide des autorités.

L'emplacement de la future ville était un point stratégique, situé sur les axes de communication naturels permettant de rejoindre facilement Montevideo. La proximité de San José de Mayo avec Colonia del Sacramento, poste militaire important ,renforçait encore sa position. En octobre 1811, le général Rondeau et José Artigas s'arrêteront pour camper près de San José. Après la ratification de l'armistice, Rondeau s'en retournera à Buenos Aires tandis que José Artigas rassemblera autour de lui les Orientaux, pour débuter « l'exode du peuple oriental » le 23 octobre. Exode ainsi surnommé pour décrire l'émigration collective de toute une population marchant derrière Artigas, jusqu'au Salto Chico du fleuve Uruguay (là où est sise la ville argentine de Concordia). Quelques années plus tard, en mai 1825, le pays assistera au débarquement des 33 Orientaux sous la conduite de leurs trois chefs, Lavalleja, Oribe et Rivera, lesquels occuperont alors la villa de San José (nom précédent de la ville actuelle).

 

C'est en 1856 que San José de Mayo prendra son statut actuel de ville et sa population atteindra 3224 habitants en 1867. Dès lors, cette population ne cessera d'augmenter, notamment grâce aux apports migratoires venus d'Espagne et d'Italie. 1852 avait vu l'arrivée en ville d'une première diligence. Puis on inaugura la ligne ferroviaire « Higueritas », laquelle calait les horaires de ses trains avec les diligences qui, elles, repartaient dans d'autres directions. Puis, quatre fabricants d’automobiles s'établirent sur place, employant au total plus d'une centaine d'ouvriers, mais aussi des tanneries, des moulins et une grande brasserie. C'est à la même époque que sera construite la « nouvelle église » (actuelle Basilique, en photo ci-dessus), construction qui dura de 1857 à 1874.

Vers 1900, le chemin de fer se prolongea vers l'ouest, avec la ligne San José-Puerto del Sauce, puis, en 1901, la ligne Rosario-Colonia, et un an plus tard, la ligne Mal Abrigo-Mercedes furent aussi ouvertes. Et San José de Mayo de profiter de l'essor de ces infrastructures pour augmenter encore son essor économique, au point de devenir bientôt l'une des plus grandes villes d'Uruguay. La ville avait déjà l'électricité, ouvrit son premier hôpital en 1885, et bâtit le premier monument en l'honneur de José Artigas (ci-dessous) en 1898 : cette construction fut initiée sous l'impulsion de José Bove, alors responsable politique local, et avec l'appui d'un groupe de voisins. L'idée était alors d'élever la première stèle du pays en l'honneur de José Gervasio Artigas. La première pierre de l'ouvrage fut posée le 19 juin 1894, et on chargea l'artiste uruguayen Juan Luis Blanes de réaliser son œuvre. Notre homme mourra prématurément et c'est son père, le peintre Juan Manuel Blanes qui achèvera le monument, bien que le socle porte la signature de son fils. Les croquis de Blanes seront adressés au sculpteur italien Dante Costa, lequel réalisera d'abord un moule en argile qui servira à couler le bronze de la future statue, dans ses ateliers de Florence (Italie). Cette statue représente Artigas debout, revêtu de l'uniforme du corps de Blandengues, avec un poncho sur l'épaule. De sa main droite, il salue avec son chapeau tandis que sa main gauche est portée à l'épée. L'ensemble mesure 14 mètres de haut (10,50 mètres pour le piédestal et 3,50 mètres pour la statue). L'oeuvre, inaugurée le 25 août 1898, sur l'actuelle Place de l'Indépendance, est classée monument historique national depuis 2004. A savoir que le seul piédestal nécessita sept tonnes de granit, des blocs de pierre qui furent acheminés ici par train, depuis une carrière de La Paz (département voisin de Canelones) .


 

En 1909 sera construit un pont routier qui enjambera le cours d'eau San José, et trois ans plus tard, la ville s'offrira le magnifique théâtre Bartolomé Maccio (ci-dessous) : ce théâtre, construit d'après le style architectural espagnol de la Province de Leon, est le plus important des alentours. Le gouvernement uruguayen le classa même comme monument historique national dès 1984. D'une capacité de 700 places, l'ouvrage offre une salle de spectacle construite en forme de fer à cheval, genre théâtre à l'italienne, et donnant sur une scène ornée d'épais rideaux (deuxième photo). Je me heurte souvent aux portes closes de bien des bâtiments mais, ce matin, j'ai eu la surprise d'être invité par le guide d'un groupe de touristes uruguayens à photographier l'intérieur du lieu. En levant la tête, j'ai pu apercevoir un monumental lustre (troisième photo) de cristal de Murano.

A la suite de la disparition du propriétaire italien Bartolomé Maccio en 1909, sa veuve et ses enfants décidèrent de construire ce théâtre pour lui rendre hommage. Trois projets furent soumis à la famille mais c'est celui de l'architecte Leopoldo Tossi qui fut retenu. A l'origine, le bâtiment devait non seulement accueillir le théâtre mais aussi des bureaux administratifs, les Télégraphes, une école de musique et un gymnase. Et l'édifice d'être bâti en face de la Place des 33 Orientaux. Au final, et probablement pour des raisons budgétaires, seul le théâtre vit le jour pour la coquette somme de 75800 pesos uruguayens de l'époque. Celui-ci sera inauguré le 5 juin 1912. Plus tard, l'endroit subira de plein fouet la concurrence du cinéma, en 1956, et devra fermé ses portes. Trois années plus tard, la famille Maccio se résoudra à vendre le bâtiment à la Banque San José, laquelle en fera don plus tard à la municipalité de la ville. Compte tenu de la dégradation de l'édifice, celui-ci restera fermé de 1965 à 1973, jusqu'à la fin des travaux de restauration. Sa ré-inauguration interviendra le 24 août 1973, et le théâtre de fonctionner depuis cette date en offrant au public des œuvres locales, nationales, voire internationales, au point de se classer parmi les théâtres uruguayens les plus actifs. L'endroit accueillit pendant plus d'un siècle de grands noms comme Carlos Gardel qui y fera son dernier spectacle uruguayen avant de périr dans un crash d'avion. Le poète nicaraguayen Ruben Dario, le ténor José Oxilia, la Comédie nationale d'Uruguay ou les Ballet et Orchestre symphonique du SODRE s'y produiront également. Une autre restauration interviendra à partir de 2009, sous la direction de l'architecte Diego Neri, afin de mettre aux normes actuelles les installations du théâtre, et ce, pour un montant de 3 millions de US$. Et notre théâtre d'avoir gaillardement fêté ses cent ans en 2012 lors d'un grand gala commémoratif qui mirent pas moins de 70 artistes sur scène.


 

Je n'ai qu'à traverser la route pour me rendre sur la Place des 33 Orientaux qui offre un joli monument en leur honneur (ci-dessous). Quelques instants avant, j'avais garé mon véhicule sur place et deux SDF venaient me réclamer une pièce. Il paraît que c'est « monnaie courante » ici, d'après certains habitants du quartier auxquels je fis part de ma surprise. Il fait froid et quelques gouttes de pluie tombent de temps à autre. Après m'être arrêté un instant devant la Chapelle N.D du Verger (deuxième photo), je ne tarde pas à regagner mon véhicule, non sans m'être rendu au Musée départemental de la ville, malheureusement fermé aujourd'hui dimanche. Ce lieu culturel qui fut inauguré en août 1947 a trouvé refuge dans l'ancienne demeure de la famille Ortuno, première maison de San José à avoir été bâtie en dur, 23 ans seulement après la fondation de la ville. L'endroit a bien sûr été classé depuis comme monument historique national.


 

A la sortie de la ville, en direction de la Ruta 11, se trouve le parc Rodo, créé en 1903 par le docteur italien Francisco Giampietro qui le baptisera Parc Mario, du nom de son fils né un an plus tard et futur ingénieur à l'origine de la première transmission télévisée d'Amérique Latine. Puis le parc entrera dans le domaine public et prendra le nom de parc du 18 de Julio en 1915, puis, son nom actuel deux ans plus tard. Ce qui m'attire ici est son monument dédié au maté (ci-dessous). En effet, il existe à San José deux grandes fêtes annuelles, qui ont d'ailleurs lieu le même jour : la journée du Gaucho et la Fête du Maté, à l'occasion de laquelle il fut un jour décidé d'élever une œuvre symbolisant cette boisson énergisante (deuxième photo) et curative : l'herbe de maté, surnommée aussi herbe des Jésuites, ou herbe du Paraguay (dont elle est d'ailleurs originaire) se rencontre sur les plateaux du Haut Parana, dans la partie haute de l'Uruguay et le long de certains affluents du fleuve Paraguay. C'est avec les feuilles et les branches séchées du maté, hachées menu, qu'est préparée l'infusion que l'on consomme non seulement en Uruguay, mais aussi en Argentine, au Paraguay, au sud du Brésil, en Bolivie et au Chili. On doit le nom de maté à la calebasse qui reçoit l'herbe finement coupée contenue dans le breuvage. Les Indiens Guaranis consommaient déjà cette plante dans les temps anciens et s'en servaient pour sa caféine et ses propriétés stimulantes naturelles qui agissent favorablement sur le système nerveux central, les tissus musculaires et le cœur. Lors de leur arrivée, les Espagnols qualifieront l'usage de maté de « dangereux vice » et en interdiront parfois même l'usage. Loin de décourager les adeptes de ce breuvage, cette interdiction encouragera les peuples à en consommer et ce seront près de 500 kilos d'herbe de maté qui seront ainsi consommés chaque jour vers 1600, rien qu'à Asuncion, consommation pourtant punie à l'époque de cent coups de fouet pour les Indigènes, ou d'une amende pour les Espagnols.

Pour terminer cette visite non exhaustive, permettez-moi de vous parler du Stade Centenario de la ville où se dresse un monument du football mondial. Autre lieu intéressant: le Palacio Salvo, endroit où le musicien uruguayen Gerardo Matos Rodriguez interpréta pour la première fois le célèbre tango Cumparsita, en 1917. Cela fait déjà un siècle!


 

INFOS PRATIQUES :

 

  • Site de l’Intendance municipale de San José de Mayo : http://www2.sanjose.gub.uy/
  • Musée départemental de San José de Mayo, dans la rue située derrière le théâtre Maccio, ouvert du mardi au vendredi de 15h00 à 18h00 et le samedi de 18h00 à 20h00 : http://www.museosanjose.com/

  • Fête du maté à San José de Mayo : https://youtu.be/dSb5uTR2nZM

  • Pour se rendre à San José de Mayo depuis Trinidad, une heure de route suffit en empruntant la Ruta 3, sur 98 km.








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