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Le Haut Plateau
(Ile de Madère, Portugal)
Heure locale

 

Jeudi 9 novembre 2017

 

De relâche hier à Funchal, j'ai vu le vent souffler en tempête. C'est impressionnant. Après une nuit d'accalmie, le soleil est de retour ce matin, alors que je m'apprête à prendre la route pour ce qu'on appelle ici le haut plateau, le cœur de l'ouest de l'île de Madère qui, dit-on, ne ressemble à rien d'autre. Je m'engage bientôt dans la vallée de Ribeira Brava (ci-dessous) en direction de Serra de Agua. Et le vent de s'engouffrer puissamment dans ce gigantesque corridor montagneux parcouru par une route qui longe la rivière. Les anciens vous diront que l'endroit était pourtant bien moins humide autrefois. Toutes les parcelles de terre disponibles étaient aussi ensemencées de blé, ce qui leur donnait cette belle couleur jaune les beaux jours venus. Et pour battre ce blé moissonné par les femmes, les hommes utilisaient le traditionnel fléau appelé manguais. Aujourd'hui, je découvre sur ma route un paysage balafré par des ouvrages en béton, des berges renforcées pour prévenir les crues dévastatrices, comme celles qui firent ici tant de dégâts en février 2010. Les glissements de terrain sont aussi monnaie courante sur cette partie du territoire. La faute au détournement de la rivière ? C'est possible, car la Nature n'aime pas les contrariétés.

 

Mon GPS délire totalement et ne trouve même pas le col de l'Encumeada (ci-dessous), qui culmine à 1007 mètres. Je me fierai donc aux bons vieux panneaux routiers qui m'y conduiront via la ER 228, une petite route qui grimpe, qui grimpe...L'habitat est très dispersé à cet endroit et étagé à flanc de coteau sur plus de cent mètres de dénivelé. Je laisse Serra de Agua (qui signifie « scierie à l'eau ») sur ma droite et pars vers ce col routier et pédestre. Il fut un temps ou l'on exploitait activement les forêts environnantes pour alimenter en bois les constructions navales de l'île. On débitait alors les tronc d'arbres en planches dans des scieries rudimentaires locales alimentées par l'eau. Cette merveilleuse force hydraulique des rivières qui produit maintenant de l'électricité depuis 1953. Plus on se rapproche du col de l'Encumeada et plus les coteaux recouverts de cerisiers, de châtaigniers et de palheiros laissent la place à de superbes paysages de montagne. Malheureusement, le mauvais temps sévit sur la région et bouche la visibilité....et les routes. Ce col constitue le point de jonction entre le nord-ouest et le sud-ouest de Madère. Et le regard d'embrasser les deux versants de l'île par beau temps. Ici, les habitations sont rares mais un magasin de souvenirs s'est étrangement installé près du carrefour routier. C'est près de cette boutique que se trouve le belvédère du col. L'endroit est également le point de départ de plusieurs sentiers pédestres dont le PR 12 qui file vers Boca da Corrida et Jardim do Mar. Ou le PR 13 qui part en direction de Curral das Freiras, à travers un parcours beaucoup plus éreintant.

 

Moi qui pensais pousser jusqu'à Paul da Serra, je devrai renoncer à ce projet car la route y conduisant est barrée à cent mètres du col. Des paysans locaux me parlent d'éboulements récents. Ce haut plateau serait pourtant, selon les vulcanologues, un banc de lave très compact de 20 km2 et d'une horizontalité si parfaite qu'il fut un temps question d'y construire l'aéroport de l'île, sauf que les voies d'accès auraient été trop compliquées à concevoir et que la piste aurait été trop souvent plongée dans le brouillard. Cette zone inhospitalière faillit aussi être distribuée en parcelles de terre pour que des fermiers y cultivent des céréales. Nous sommes alors en 1775 et les riverains déjà présents virent ce projet d'un mauvais œil et s'y opposèrent afin d'y laisser paitre leurs moutons. Ceci est désormais de l'histoire ancienne puisque les ovins ont depuis été remplacés par les bovins (vaches) et quelques 25 petite éoliennes qui produisent de quoi alimenter en électricité les 16000 foyers alentours. Vous avez dit écologie ?

Des habitants rencontrés sur le bord de la route m'affirment qu'il existe une autre route pour me rendre à Paul da Serra. Quelques kilomètres et plusieurs lacets plus loin, c'est à Rosario que je me retrouverai, et toujours pas la route promise. Cette bourgade n'a rien d'extraordinaire si ce n'est son église qui fut édifiée à partir d'une première chapelle datant du XVII ème siècle.

 

Je cherche à présent la levada de Faja do Rodrigues que je sais à proximité. On m'indique évasivement la route, et je me retrouverai un quart d'heure plus tard en pleine montagne sur un chemin étroit. Et me garerai près de la levada PR 16. Pour information, une levada est un canal d'irrigation ou aqueduc portugais et les plus connus se trouvent justement sur l'île de Madère. Ces levadas furent créées par le besoin d'alimenter en eau le versant sud-est de l'île, plus sec mais plus propice à l'habitat et à l'agriculture, depuis le versant nord-ouest, plus arrosé mais moins hospitalier. On confia alors cette difficile construction aux esclaves et aux forçats présents ici, dès le XVI ème siècle. La plus récente sera creusée dans les années 1940. Et ces ouvrages de souvent suivre les flancs de montagnes ou même de traverser des tunnels spécialement forés pour permettre le passage du précieux liquide. Certaines levadas peuvent aussi se succéder sur plusieurs niveaux et se croiser par des petits pont-canaux.

Cette géniale invention humaine ne permet pas seulement l'irrigation mais contribue à la production d'électricité d'origine hydraulique : le réseau madérien d'une longueur de 2150 km est géré par le gouvernement et les communes. Ces levadas sont enfin devenues une curiosité touristique puisque des chemins permettent de suivre les canaux d'irrigation tout en randonnant. Madère offre ainsi aux visiteurs 19 circuits de randonnée correspondant à 19 levadas différentes, classées par niveau de difficulté, distance à parcourir, niveau d'altitude et durée de l'excursion. Une brochure en français est gratuitement disponible auprès des offices de tourisme (voir infos pratiques).

 

Concernant la levada da Faja do Rodrigues, le parcours débute à Ginjas, situé sur la commune de Sao Vicente et suit le long de la levada en question, appelée aussi levada Faja da Ama. Les randonneurs apprécieront la forêt exotique croisée sur la première partie de la balade, avec pins maritimes et eucalyptus. La végétation devient ensuite plus dense. Chutes d'eau et cours d'eau permettent l'existence d'espèces vivaces comme les saules , les grands lauriers de Madère, les lauriers royaux et les arbres à muguet, autant d'espèces végétales qui bordent la levada. Vous rencontrerez également sur votre chemin des plantes à fleurs comme les chrysanthèmes sauvages, les géraniums madériens, les orchidées de Madère et des renoncules à grandes feuilles. Les oiseaux sont bien sûr de la partie et en prenant le temps d'observer, il vous sera possible d'apercevoir des pinsons des arbres, ou de plus petits oiseaux comme le roitelet à triple bandeau. Il n'y a pas de promenade plus rafraichissante !

 

INFOS PRATIQUES :

  • Si vous souhaitez randonner sur l'île de Madère en suivant les levadas, procurez-vous la brochure (photo ci-dessous) avant de partir. Elle contient toutes les informations détaillées dont vous aurez besoin.
  • Le site internet http://walkmeguide.com/fr/

    suggère une cinquantaine de randonnées longeant les levadas.

 



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