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Exposition "Et 1917 devient Révolution"
(Hôtel des Invalides, Paris, France)
Heure locale





Lundi 11 décembre 2017

 

Le monde se souvient qu'il y a un siècle, débutaient la révolution russe de 1917, qui s'illustra d'abord par la révolution de février, laquelle provoquera en quelques jours l'abdication de l'empereur Nicolas II, la fin de l'empire russe et de la dynastie des Romanov. Cette révolution de février aura lieu du 23 février au 3 mars 1917 et éclatera dans l'improvisation la plus complète, à la suite de l'apparition de tensions qui firent de Petrograd l'épicentre de l'insurrection. Quelques mois plus tard, la révolution d'octobre prendra le relais et permettra l'arrivée au pouvoir des bolcheviks et la création de l'Union des républiques soviétiques (URSS).

Afin de marquer l'évènement, la Bibliothèque de documentation internationale contemporaine (Paris 7è) présente, jusqu'au 18 février 2018, une passionnante exposition consacrée justement à cette révolution russe, « Et 1917 devient Révolution ». Et de présenter au public des documents uniques (affiches, tracts, films, photographies, presse illustrée, objets collectés à chaud durant les évènements) qui permettent de comprendre comment cette année 1917 devient « révolution » en bouleversant l'univers politique, économique et social de millions d'hommes, de femmes et d'enfants en Russie, puis dans le reste du monde. Ces vingt dernières années ont revisité cette histoire russe en s'appuyant sur des recherches historiques inédites dont nous fait aussi profiter cette exposition.

 

Dès le début du parcours, nous sommes plongés dans le tourbillon politique des mouvements révolutionnaires de Février et d'Octobre qui laisse apparaître les images critiques d'un Ancien Régime jusque là sacralisé, puis les figures des nouveaux acteurs et des nouveaux pouvoirs. L'effervescence démocratique qui découle de la chute du tsarisme renouvelle la production graphique, avec des revues, des affiches électorales et des cartes postales...On verra ainsi apparaître des photos symboliques et des films rares qui donnaient la parole à tout un peuple. Désormais, tout est possible, le pire comme le meilleur. Le visiteur traverse rêves et espoirs mais aussi désillusions et violences. Et d'observer la manifestation des femmes, la formation du Gouvernement provisoire, l'avènement du Soviet de Petrograd, l'abdication du tsar, la multiplication des lieux de pouvoirs, la longue préparation de l'élection d'une Assemblée constituante au suffrage universel, autant d'évènements concourant à la révolution russe dans un climat instable ou crises et retournements de situation sont permanents. Certes, le désastre de l'offensive russe sur le front Est, puis le putsch raté de Kornilov, éloigneront une partie de la population du Gouvernement provisoire qui sera renversé au bout de quelques mois seulement par Lénine et les bolcheviks. Quant à l'Assemblée constituante, elle sera dissoute le jour même de son ouverture, le 5 janvier 1918, laissant le champ libre à la Révolution imposée par les bolcheviks. Le monde assistait alors à l'avènement du « siècle soviétique ».


 

La seconde partie de l'exposition s'intéresse à la révolution armée : les grandes crises de l'année 1917 seront toutes liées au conflit mondial dans lequel la Russie sera engagée à cette époque. En février, défaites et pénuries entraineront la chute d'une monarchie délégitimée. La faiblesse du gouvernement d'alors et l'impopularité grandissante de Nicolas II participent à l'ampleur des révoltes. L'hiver particulièrement froid cette année-là provoque une sérieuse austérité alimentaire sans toutefois conduire à la pénurie. La lassitude, face à la Première guerre mondiale, va crescendo alors que le Gouvernement provisoire ne parviendra jamais à trouver un équilibre entre les exigences militaires des Alliés et le rejet de ce conflit par le peuple russe. Les premières grèves naissent bientôt, tout comme les manifestations, à Petrograd, Moscou, Bakou et Nijni Novgorod. On pense déjà à une grève générale. Au départ, les exigences économiques (Du pain, du travail!) qui déclenchent ce mouvement revendicatif n'ont rien de révolutionnaire, mais les slogans se feront bientôt plus radicaux (A bas la guerre! A bas l'autocratie!) et les confrontations avec les forces de l'ordre laisseront de nombreux morts et blessés. Les rares dirigeants révolutionnaires présents à Petrograd restent prudents. Les jours suivants, tandis que le tsar Nicolas II envoie la troupe pour mater la rébellion, des soldats passent dans le camp des manifestants et le tsar, désemparé, de proclamer l'état de siège. La mutinerie de deux régiments d'élite ne fera qu'envenimer les choses et des milliers de fusils sont bientôt distribués à la foule. La guerre impérialiste va alors se transformer en guerre civile, et l'Armée rouge de se construire dans la foulée. Le rôle de l'image, fixe ou animée, jouera un rôle crucial dans la mobilisation d'une population très majoritairement analphabète.

 

En 1914, la Russie des tsars était comparée à une prison des peuples, et renvoyait l'image d'un immense empire multinational et colonial à cheval sur l'Europe et l'Asie. Le pays entre bientôt en guerre contre l'Allemagne et l'Autriche-Hongrie pour venir en aide à la Serbie, son alliée, mais sera sévèrement battu sur le front de la Prusse orientale. Et les troupes russes de devoir alors abandonner la Pologne. Trois ans plus tard, la Révolution de Février ouvrira le flot des revendications sociales et nationales depuis l'Ukraine jusqu'au Caucase, et de la Finlande au Turkestan. De nombreuses régions de l'ancien Empire ne craignent plus de proclamer leur indépendance, notamment à travers la floraison de nouveaux symboles comme des billets de banque. La fin des discriminations par exemple à l'égard des Juifs , mais aussi la prise d'indépendance des Polonais semble augurer d'une refondation de la Russie comme nouvelle union des peuples. Mais le Gouvernement provisoire restera timide: dès la Révolution de Février 1917, l'autorité politique commence à se fissurer en deux institutions rivales, la Douma d'Etat de l'Empire russe et le Soviet de Petrograd. Après l'abdication de l'empereur Nicolas II, le 15 mars, un gouvernement provisoire avait été prévu pour diriger le pays jusqu'à ce qu'une Assemblée constituante ait déterminé la nouvelle forme de gouvernement en Russie. Et ce gouvernement provisoire d'être chargé d'organiser les élections pour cette assemblée, mais son autorité sera rapidement limitée par l'autorité croissante du Soviet de Petrograd. Ce dernier contrôlait en effet l'armée, les usines et les voies ferrées avec le concours des ouvriers. D'abord dirigé par le prince Gueorgui Lvov, puis par Aleksandr Kerenski, le gouvernement parviendra à organiser les élections mais pas à désengager le pays de la Première Guerre mondiale, d'où l'affaiblissement de sa popularité auprès du peuple qui en supportait le poids. Et notre homme de renâcler à prendre des décisions politiques d'envergure dans la mesure où ce gouvernement n'était justement que « provisoire ». Ici et là, et à la suite de la prise du pouvoir par les bolcheviks en Russie centrale, les autonomies et les indépendances se multiplieront, souvent au moyen des armes. C'est ainsi que l'occupation ennemie et la guerre civile entre bolcheviques et antibolcheviques contribueront à faire éclater les territoires.

 

Malgré les difficultés à correspondre et à voyager dans cette Europe en guerre, les Français vivant à l'époque en Russie, et les Russes présents en France réagiront à leur manière aux évènements extraordinaires que connaitra la Russie. Fascinés ou critiques, les témoins français présents sur place feront des choix opposés, tout comme les soldats du Corps expéditionnaire russe en France, cette force armée de l'armée impériale russe qui prendra part dans les combats de la Première Guerre mondiale sur le front français. Cet échange avait pour origine une demande du gouvernement français qui proposa à la Russie du matériel de guerre contre l'envoi de soldats russes en France. Ces derniers seront équipés et encadrés à la française, avec l'aide de corps de traducteurs et la participation des Alliés, puis répartis dans des régions où collaboraient Anglais, Français, Italiens, Albanais, Grecs et Portugais...Leur intervention sera précieuse pour maintenir le front de Champagne pendant que les Français se battaient à Verdun, mais subiront de lourdes pertes lors de l'offensive d'avril 1917 lors de la bataille du Chemin des Dames. Réaction aux évènements de la Révolution russe ou pas, certains de ces soldats russes se mutineront en septembre 1917 au camp de La Courtine, une rébellion qui sera d'ailleurs mâtée dans le sang.

Une première image polémique de ces révolutions s'élaborera peu à peu dans l'opinion publique malgré les difficultés à correspondre et à voyager. Dans le même temps, le baron de Baye Joseph Berthelot, archéologue et ethnologue, sera chargé d'une collecte documentaire à chaud, à l'origine des collections uniques de la BDIC. Notre homme participera pour la première fois à un congrès d'archéologie à Moscou en 1890, jusqu'à la déclaration de la Première Guerre mondiale, qui l'empêchera de rentrer en France lors de la survenue de la Révolution bolchévique trois ans plus tard. En Russie, il sera arrêté plusieurs fois, puis relâché. Avant finalement de pouvoir regagner son pays en 1920. De même, envoyés par le gouvernement français pour freiner le défaitisme russe, Eugène Petit et Charles Dumas seront parmi les premiers témoins oculaires de gauche critiques du bolchevisme. En sens inverse, Pierre Pascal et Jacques Sadoul feront le choix de se mettre au service de la Révolution d'Octobre.

 

D'abord Révolution, le mythe s'est substitué à la réalité. Et la Révolution d'Octobre de devenir une célébration et une succession de fêtes commémoratives.Ces célébrations d'Octobre participent ainsi à la construction d'un nouvel imaginaire qui offre à la fois un récit du moment fondateur de 1917, une vision révolutionnaire du monde et une promesse d'un avenir meilleur. Cet imaginaire s'articule autour de thèmes et de personnages clés de deux mondes qui s'opposent, les Rouges et les Blancs, la patrie du prolétariat et le monde capitaliste. L'exposition offre ainsi d'admirer défilés et spectacles de masse, affiches et cartes postales, timbres et porcelaines, photographies et films de fiction, et une ultime image, celle du défilé militaire de novembre 1977 sur la Place Rouge qui nous rappelle que cette histoire reste malgré tout très contemporaine et en relation avec le présent par bien des aspects.

INFOS PRATIQUES :

 

  • Exposition « Et 1917 devient Révolution », jusqu'au 18 février 2018, à l'Hôtel national des Invalides, Cour d'honneur, 129 rue de Grenelle à Paris (7è). Tél : 01 40 97 38 39. Accès : métro Tour-Maubourg (ligne 8), Varenne (ligne 13),RER C (station Invalides). Ouverte tous les jours de 10h00 à 17h00. Entrée : 5€. Visite guidée : 30€. Site internet : https://et1917devientrevolution.tumblr.com/
  • Un grand merci au Service de Presse (Pauline Teyssier) de la BDIC pour son aide précieuse.

  • Catalogue de l'exposition « Et 1917 devient Révolution », 240 pages et 200 illustrations, disponible au prix de 29€.







 



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