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A la Découverte des Acadiens du Québec
(Musée Acadien du Québec, Bonaventure, Gaspésie, Québec, Canada)
Heure locale

 

Mardi 29 mai 2018

 

Au cours de mon séjour, j'ai entendu parler de l'Acadie et des Acadiens, mais où cette région se trouve t-elle et qui sont ces gens ? Mon court séjour à Bonaventure me donne l'occasion de répondre à ces questions en me rendant au Musée acadien du Québec (en photo ci-dessous). Celui-ci relate l'épopée d'un peuple hors du commun qui me sera contée par son guide Jean-Luc Roy, et met en valeur le riche héritage culturel des Acadiens qui choisirent le Québec comme terre d'accueil.

Sous le régime français, l'Acadie correspond géographiquement à la péninsule de la Nouvelle-Ecosse : fondée en 1604 sur des territoire amérindiens depuis 11000 ans, cette colonie de la Nouvelle-France sera peuplée de petites gens venus de l'Ouest de la France (Poitou, Saintonge...) et, même si on ne le dit pas souvent, deviendra le premier établissement français en Amérique du Nord, avant le Québec. Cette colonie changera sept fois de main entre la France et l'Angleterre jusqu'à la signature du traité d'Utrecht en 1713 (lors duquel la France cédera une grande partie de l'Acadie à l'Angleterre). En conséquence, en 1755, et alors qu'une nouvelle guerre opposant les Britanniques et les Français d'Amérique du Nord se profile, les Anglais présents en Nouvelle-Ecosse exigent que les Acadiens fassent allégeance au royaume britannique, ce à quoi ils se refuseront préférant choisir la neutralité. Et les Acadiens d'être chassés par 2000 troupes de la Nouvelle-Angleterre, aidées de 250 soldats britanniques stationnés en Nouvelle-Ecosse. C'est le Grand Dérangement, qui aboutit à la déportation des habitants vers les régions côtières de l'Amérique du Nord mais rien n'est alors prévu pour leur arrivée. Pire, dans les autres colonies, les familles sont dispersées en petits groupes et les enfants sont isolés de leurs parents, puis envoyés en apprentissage. Certaines colonies comme la Virginie les accueillera pour un laps de temps puis les renverra en Angleterre un an plus tard. Certains Acadiens choisiront de s'enfuir vers le Québec et seront plus tard rejoints par des réfugiés de la Nouvelle-Ecosse, de l'île Saint-Jean et des colonies anglo-américaines. Un certain nombre de déportés reviendront aussi de France au cours des années 1760 et 1770 puis s'installeront en Gaspésie, entre autres. A la fin du 18è siècle, près de 8000 Acadiens et Acadiennes vivront ainsi dans la belle province, soit le tiers d'une population acadienne qui se répartira au final en Acadie, au Québec, en Louisiane, aux Antilles et même aux Îles Malouines. Et le peuple acadien d'être traqué sans relâche puis exilés par les Anglais lors de la guerre de Conquête (1756 à 1763).


 

Un des traits les plus significatifs de l'Acadien est peut être sa façon bien typique de parler le français, en gardant les traces d'une langue d'une autre époque, des expressions et des accents issus de ses origines. La dispersion des Acadiens au milieu du 18è siècle répandra ce parler dans divers endroits, véritable marque de fabrique de ce peuple. On trouve bien sûr chez lui d'autres caractères culturels comme la religion catholique entretenue avec une ferveur particulière. Les Acadiens possèdent aussi de riches traditions orales et musicales qu'ils expriment dans un folklore bien vivant, en chanson, à travers le théâtre et la création littéraire. Leur cuisine offre pour sa part des traditions alimentaires issues du milieu agricole et maritime d'origine. Les salles d'exposition que je découvre au fur et à mesure de ma visite me surprennent par la richesse des objets exposés : je découvre ainsi la maquette d'un maison acadienne traditionnelle (ci-dessous). Cette maison autour de laquelle s'articule la vie quotidienne. Celle-ci est une modeste construction de bois où des familles nombreuses mènent une existence parfois précaire. Elle est formée de murs assemblés en pièces-sur-pièces et la toiture est couverte de bardeaux de cèdre. Selon les endroits, les parois sont isolées à l'aide de sciure de bois ou de zostère marine. Ses proportions sont très modestes au regard du nombre de personnes qu'elle abrite. Et il n'est pas rare de voir le rajout d'une annexe (rallonge) vers l'arrière ou le côté de la demeure. Les acadiens tiraient jadis leur autosuffisance alimentaire de la culture agricole et des ressources de la pêche. Et l'agriculture de procurer aussi lin, laine et cuir à partir desquels étaient confectionnés vêtements et chaussures. Ces modes de vie traditionnels seront implantés dans le sud de la Gaspésie avec l'arrivée de ce peuple, même si, de nos jours, rien (ou presque) ne subsiste désormais de ces traditions.


 

Nous l'avons vu plus haut, la pratique religieuse des Acadiens témoigne d'une grande ferveur. Sans doute ce peuple y trouvera t-il la force nécessaire pour faire face à l'adversité et se battre dans les moments de détresse. En Acadie, les catholiques vouent un culte particulier à la Vierge Marie, celle-ci faisant office de sainte patronne, avec pour fête principale, l'Assomption de la Vierge le 15 août. Cette date est d'ailleurs celle qui a été choisie en 1881 pour célébrer la fête nationale des Acadiens. Et l'Ave Maria Stella, cantique religieux à saveur mariale et maritime, d'être devenu en 1884 l'hymne de ce peuple. Quant à l'étoile qu'on retrouve sur le drapeau acadien, elle fait écho à cette hymne national, s'y trouvant associé aux couleurs du drapeau français, cette France à laquelle ils restèrent toujours fidèles. L'église, elle, reste le lieu de rassemblement communautaire par excellence. Celle-ci sera également un moteur de développement pour les réfugiés acadiens dans la baie des Chaleurs et ailleurs au Québec , grâce à l'appui du clergé. A Bonaventure, et à Tracadièche, l'église ne disposera pourtant que de deux prêtres pour desservir les deux communes et ce, jusqu'à la fin du 18è siècle.


 

Même si l'Acadie moderne est reconnaissable grâce à la concentration de populations spécifiques au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Ecosse, dans l'Île du Prince-Edouard et en Louisiane, il ne faut pas sous-estimer l'importance de cette immigration au Québec : cette présence est conséquente dans la baie des Chaleurs (autour de Bonaventure et de Carleton sur mer) et aux îles de la Madeleine. La Côte-Nord n'est pas en reste avec une présence similaire à Baie-Comeau, au Havre-Saint-Pierre et à Natashquan. Plus loin, du côté de Lanaudière et de Montérégie, de Mauricie et de Belle Chasse, on trouve également des familles pionnières de souche acadienne qui ont apporté avec elles un apport culturel intégré depuis dans la culture québécoise.

Lors de la venue des Acadiens au Québec, des terres leur seront concédées et plusieurs villages acadiens naitront (Saint-Gervais-de-Bellechasse, L'Acadie...) qui seront surnommés les « petites Cadies ». Les Acadiens s'installent aussi dans les grandes villes comme Québec, Montréal et surtout Trois-Rivières où les descendants des déportés de l'Acadie se comptent par centaines de milliers. On estime aujourd'hui à plus d'un million le nombre des descendants d'Acadiens au Québec (soit plus de 15% de la population).

 

Dans la région immédiate, un premier groupe d'Acadiens s'installera à Bonaventure dès 1760, puis, six années plus tard à Tracadièche (actuelle Carleton). Les nouveaux arrivants fondent des villages de souche acadienne qui essaiment petit à petit jusqu'à Maria, Caplan, St Omer, Cascapédia ou St Elzéar. D'autres vont s'installer aux Îles de la Madeleine et seront recrutés pour devenir des pêcheurs dans les entreprises locales. Certains d'entre eux, mal traités, quitteront ensuite ces îles pour rejoindre la Côte-Nord du Québec.

Et les Micmacs dans tout cela ? Ces indiens habitent la région de la baie des Chaleurs de très longue date et vivent principalement de chasse et de pêche. Et de composer l'une des cultures autochtones les plus importantes de l'Est du continent. Malgré tout, l'arrivée des Acadiens donnera rapidement lieu à des échanges suivis avec les Micmacs (qui contribuèrent souvent à la survie des Acadiens lors de la Déportation). Des alliances auront même lieu entre Acadiens et autochtones pour le partage des ressources de la baie. Aujourd'hui, il existe deux communautés micmaques à Maria et à Restigouche.

Bien sûr, l'essaimage des Acadiens au Québec a laissé un nombre important de noms de familles d'ascendance acadienne. Et les historiens d'avoir déjà recensé plus de 400 patronymes parmi les pionniers de l'Acadie historique, dont une forte proportion au Québec. Les noms de familles acadiens représentent ainsi plus de 10% des patronymes québécois les plus fréquents (Gauthier, Bergeron, Leblanc, Poirier, Cyr, Landry, Hébert, Richard...). Tous les Acadiens d'ici ou d'ailleurs sont issus de familles pionnières ayant colonisé l'Acadie aux 17è et 18è siècles, et tous possèdent des ancêtres communs dans les quelques 13000 Acadiens qui vivaient en Acadie lors de la Déportation. Et tous ces êtres de former une grande famille de plus de quatre millions d'individus en Amérique du Nord. Des individus d'ailleurs parfois difficiles à suivre compte tenu des migrations successives vers des contrées diverses. Cela n'empêchera nullement les Acadiens de faire preuve de persistance et de fertilité puisqu'au cours des 19è et 20è siècles, ceux-ci afficheront des taux de natalité très élevés, grâce entre autres aux encouragements du clergé et des élites locales. Il n'est pas rare de compter des familles de huit à dix enfants, voir vingt ou plus. Dans le comté de Bonaventure, on note la présence de plusieurs familles ayant 22 à 23 progénitures en 1935. Cette fécondité fera même doubler la population de ce comté entre 1871 et 1931 de 16000 à 32000 âmes.


 

Bien entendu, ces générations d'Acadiens ont de nos jours leurs romanciers, poètes, auteurs de théâtre et cinéastes. On citera par exemple l'oeuvre de la poétesse gaspésienne Françoise Bujold, ou les textes plus récents d'Herménégilde Chiasson, qui incarnent l'âme acadienne dans toute sa créativité. La chanson acadienne n'est pas en reste avec Edith Butler ou Calixte Duguay, les groupes 1755 ou Beausoleil-Broussard, Marie-Jo Thério ou encore le Louisianais Zachary Richard. Autant d'artistes qui contribuent à leur façon à faire briller la francophonie dans le monde ! Souvent à l'insu du public, voire des intéressés eux-mêmes, les descendants d'Acadiens ont aussi très largement participé au développement du Québec moderne, sur les plans politique, sportif, financier ou scientifique. Loin de s'être appesantie sur elle-même suite aux malheurs qu'elle rencontra au fil des siècles, cette communauté a toujours su faire preuve d'une émotion empreinte d'une profonde humanité, d'espoir et de persévérance. Des valeurs transmises à travers l'imaginaire culturel collectif et un sens inné de la fête.

 

INFOS PRATIQUES :

  • Musée acadien du Québec, 95, Avenue Port-Royal, à Bonaventure. Tél:(418) 534 4000. Ouvert toute l'année. Tarif d'entrée : 12$. Site internet : http://www.museeacadien.com/
  • Un petit film d'une dizaine de minutes aborde la déportation des Acadiens et les conditions de celle-ci.










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