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Aukana, Raswehera et Yapahuwa
(Province Centrale, Sri Lanka)
Heure locale

 

Samedi 10 novembre 2018

 

Voici enfin le retour du beau temps, avec ce soleil franc qui arrose la région depuis ce matin. Chaminda a décidé de m'emmener aujourd'hui à la campagne pour y visiter deux temples et l'ancienne forteresse de Yapahuwa. Nous passerons ainsi le plus clair de notre temps en voiture car ces lieux sont distants les uns des autres et nécessitent de faire beaucoup de route.

Nous quittons Polonnaruwa vers 7h45 et nous partons en direction d'Aukana, une localité située à environ trente kilomètres de Dambulla, près du lac Kalawera. Un spectacle nouveau s'offre à moi, celui d'une vie rurale sri-lankaise remplie d'activités, du linge qui sèche sur le portail des maisons, des étals de fruits le long de la route et des troupeaux de buffles rencontrés sur notre chemin (ci-dessous). Nous empruntons une route certes goudronnée mais très détériorée sur une bonne partie de notre parcours. Celle-ci longe la digue immense qui, d'un côté retient les eaux du gigantesque lac Kala, et de l'autre débouche sur des paysages de rizières (deuxième photo).


 

Il a beaucoup plu ces derniers jours et le lac a fait le plein. Construit durant le règne de Dhathusena en 307 avant JC, cette réserve d'eau est en réalité formée d'un double réservoir (les lacs Kala et Balalu) d'une capacité de 123 millions de mètres cubes d'eau. Cette région nord fut occupée par les envahisseurs tamouls entre 429 et 455 avant JC, jusqu'à ce qu'ils se fassent chasser par le roi Dhathusena qui prendra le pouvoir et reconstruira l'ancien système d'irrigation, en érigeant canaux et réservoirs dans les environs d'Anuradhapura. Aujourd'hui, c'est la fête car l'eau, source de vie, est abondante, si abondante que le lac Kala déborde et qu'il a fallu ouvrir les vannes pour libérer du précieux liquide dans la rivière en contrebas (en photo ci-dessous). Et le cours d'eau d'attirer les gens du village venus admirer les pêcheurs occasionnels en train de se livrer à leur activité favorite.


 

En contrebas du grand lac, s'étirent de grandes étendues de terres, pour la plupart transformées en rizières où hommes et femmes s'activent pour préparer l'ensemencement de la prochaine récolte. De temps à autre, j'observerai aussi une cocoteraie (ci-dessous) dont les fruits sont ici utilisés de diverses manières. Comme dirait Chaminda, le Sri Lanka doit tout au fameux « coco » (il n'y a rien de politique là-dedans!), le fruit d'un palmier dont les Sri-Lankais se servent abondamment comme aliment (huile, lait, poudre de coco râpé, miel, vinaigre, sirop et alcool de coco, caramels...sans parler de l'eau contenue dans le fruit qui contient de nombreux nutriments et constitue une boisson rafraîchissante) et comme produit dérivé entrant dans la composition de balais (fibre de coco), de matelas, de brosses, de tapis et de cordes, autant d'objets fabriqués avec le précieux fruit. Bref, sans coco, point de salut ! Une heure trente après avoir quitté notre hôtel, nous atteignons enfin Aukana (surnommé « Mangeur de soleil ») qui abrite l'une des plus grandes statues de Bouddha au monde. Nous grimpons au sommet d'une petite colline, saluons au passage un groupe d'écoliers à qui je tente d'apprendre quelques mots de français, puis nous arrivons au temple. Après nous être déchaussés, nous ne tardons pas à apercevoir la statue du Bouddha bénissant (deuxième photo), taillée directement dans le roc et haute de 15 mètres. On dit de ce Bouddha qu'il se nourrit du soleil car la statue est exposée vers l'est, ce qui la rend encore plus visible en matinée. Celle-ci date du 5è siècle et repose sur un socle en forme de lotus. Le Bouddha lève sa lourde main droite en signe de bénédiction tandis que l'autre main effleure son épaule. Sans nul doute, Barana, le légendaire sculpteur de la statue en question était animé d'un souci de perfection lorsqu'il réalisa ce visage serein et presque sévère, et ce magnifique drapé de la robe aux plis si fins. Face à cette statue, se dresse l'arbre de bodhi, puis plus loin, un dagoba.

 

Nous reprenons à présent la route en direction de Reswehera, où se trouve un monastère troglodytique qui fut abandonné dès le début de notre ère. A notre arrivée, nous nous adressons au moine qui détient les clefs de l'endroit, moine qui n'est autre qu'un garçon de ….onze ans (ci-dessous). Nous lui payons le droit d'entrée puis débutons l'ascension d'une longue volée de marches pour atteindre une statue de Bouddha (deuxième photo) elle aussi taillée dans le roc, de la même taille, dans la même posture et presque aussi haute que celle d'Aukana. Selon la légende, celle-ci serait l'oeuvre d'un disciple du maitre qui sculpta l'autre Bouddha. L'élève en question aurait ainsi laissé son œuvre en suspens, conscient qu'il n'atteindrait jamais la perfection. D'autres prétendent que notre homme aurait jeté l'éponge en raison de fissures apparues dans la pierre. La grotte abritant un Bouddha couché, elle, demeurera malheureusement close, mais notre moine nous ouvrira tout de même la porte d'une autre grotte contenant des peintures murales datant de la période kandyenne. L'ensemble de ce monastère est un endroit isolé de tout et rarement visité par les touristes. Il fut édifié successivement par les rois Dewanampiya Tissa, Valagamba et Mahasen. On estime que plus de 360 moines vécurent autrefois à l'intérieur de ce temple, dès le 3è siècle avant JC, et occupèrent l'endroit jusqu'au début de notre ère. Sur place, 99 grottes furent retrouvées, qui servaient de lieu de méditation aux moines, au milieu de la jungle.

Les postures de Bouddha visent à traduire et à exprimer les qualités transcendantes du maitre tout en symbolisant ses enseignements. Ces diverses représentations répondent à des règles détaillées que le sculpteur doit impérativement respecter. Qu'il soit debout, assis ou couché, Bouddha apparaît toujours dans une asana (posture) et avec une mudra (position des mains) déterminées. L'artiste sri-lankais utilise majoritairement les représentations suivantes : Abhayamudra (debout, la paume de la main droite levée et tournée vers l'extérieur symbolise un geste d'absence de crainte), Samadhimudra (assis en position de lotus, mains jointes sous le nombril, exprime un geste de méditation), Bhumisparshamudra (assis, Bouddha touche le sol des doigts de la main gauche, évoquant ainsi l'instant où le démon Mara tenta de rompre la concentration du maitre en ébranlant le sol sous lui. Il s'agit là du geste de la prise de la terre à témoin), Vitarkamudra (assis ou debout, Bouddha forme un cercle avec le pouce et l'index, symbole du cycle du dharma. C'est le geste de l'enseignement) et Parinirvanamudra (couché au moment de mourir). Malgré l'importance attachée à ces attitudes traditionnelles, les statues de Bouddha ne respectent pas toujours les postures prescrites. Ainsi la statue du célèbre Bouddha d'Aukana adopte le geste inhabituel de l'asisa (consistant à bénir le spectateur avec le tranchant de la main tourné vers lui). Et le Bouddha debout du Gal Vihara (à Polonnaruwa) de porter les bras croisés sur la poitrine, ce qui est un phénomène unique au Sri Lanka.


 

Infatigables, nous filons maintenant à Yapahuwa. Après la chute de Polonnaruwa, en 1236, les rois cinghalais durent affronter d'incessantes attaques des armées indiennes et furent obligés de se replier vers le sud. Durant leur retraite, ils fondèrent une série de capitales et de palais royaux provisoires, sur des sites reculés et parfois même inaccessibles, tout en transportant avec eux la relique de la Dent et des boutures du Sri Maha Bodho Bo, l'arbre de la bodhi originel. Ces rois s'établirent d'abord à Dambedeniya, puis à Yapahuwa où le roi Bhuvanekabhu 1er fonda une capitale éphémère. La citadelle royale a aujourd'hui disparu, excepté l'un des plus beaux vestiges du Triangle culturel, à savoir un spectaculaire et abrupt escalier en pierre (en photo ci-dessous), décoré par des frises de musiciens et de danseuses et gardé par une superbe paire de lions (dont l'un figura sur le billet de dix roupies). Ces marches conduisent en fait à un immense promontoire rocheux qui n'offre plus de trace de l'ancien palais royal ni du temple. Malgré ses imposantes fortifications, Yapahuwa ne servira de capitale que pendant 12 ans, puisque les rois repartiront momentanément à Polonnaruwa avant de s'établir à Kurunegala où ils resteront...48 ans. Mais çà, c'est une autre histoire !

 

INFOS PRATIQUES :

 

  • Temple d'Aukana, avec sa statue du Bouddha bénissant. Droit d'entrée : 1000 roupies.
  • Monastère troglodytique de Res Wehera (Sasseruwa), à environ 16 km d'Aukana. Entrée : 1000 roupies.

  • Site historique de l'ancien royaume de Yapahuwa. Droit d'entrée : 704 roupies.








 



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