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Balade à Trincomalee
(Province de l'Est, Sri Lanka)
Heure locale

 

Samedi 17 novembre 2018

 

Nous quittons cette fois le nord du Sri Lanka pour descendre sur la côte orientale et faire une halte à Trincomalee (ou Trinquemalay en français). Nous effectuerons ainsi un parcours de quatre heures sur une route encombrée de toutes sortes de véhicules et même de troupeaux d'animaux. D'abord plat, le relief deviendra plus accidenté à mi-parcours, avec tantôt la forêt, tantôt des lacs artificiels. La côte orientale a beaucoup souffert de l'isolement durant la guerre civile, puis du tsunami en 2004. Heureusement, des travaux de développement des infrastructures ont été mis en place et les touristes sont de plus en plus nombreux à fréquenter les plages splendides, à observer les baleines ou à faire de la plongée. Quant à Trincomalee, qui est l'une des principales villes de cette région avec Batticaloa, elle offre l'un des plus vastes mouillages naturels en eau profonde du monde (d'une surface de 80 km2) grâce à sa baie qui a fait sa réputation, et peut se prévaloir d'une riche histoire, avec notamment, un rôle-clef dans les échanges commerciaux avec l'extérieur, depuis le temps des royaumes d'Anuradhapura et de Polonnaruwa jusqu'à l'époque coloniale, tout au moins avant l'ouverture des ports de Galle et de Colombo qui participeront à son déclin.

 

Ici, la communauté musulmane cohabite avec bouddhistes et tamoules. La plupart des quelques deux millions de musulmans sri-lankais vivent en effet à proximité des côtes et dans les villes de l'Est. Très actifs dans le commerce et les affaires, ils travaillent aussi la terre et pratiquent la pêche, surtout sur la côte Est et dans la région de Mannar et de Puttalam. Leur langue est un tamoul mélangé de mots empruntés à l'arabe, ce qui n'empêche pas les particularismes locaux. Chaminda nous a trouvé un petit hôtel en bord de plage dans une zone habituellement envahie par les touristes en saison estivale. Si des travaux d'envergure sont annoncés, je dois avouer que sur le terrain, on est encore loin du compte et que cette zone encore sauvage est loin de ressembler à la Costa Brava. Ici et là, s'entassent les détritus et les petites cahutes en tôle sont légion.

L'ancienne cité de « Trinco » offrait déjà un port durant l'ère de Polonnaruwa et l'endroit portait alors le nom de Gokana. L'endroit attirera successivement Danois, Hollandais, Portugais, Français et Britanniques, sans parler de l'armée japonaise qui bombardera les installations portuaires en 1942. Je commence mon exploration par le Fort Frederick (ci-dessus), qui fut construit en 1623 par les Portugais et passera plus tard aux mains de l'armée hollandaise, puis des Britanniques (qui en garderont le contrôle jusqu'à indépendance du Sri Lanka en 1948). Ce fort, qui prit d'abord le nom de fort de Trinquemalay, sera ensuite nommé Fort Frederick en hommage au duc de York, fils cadet du roi Georges III. Ses bâtiments ont aujourd'hui été transformés en caserne mais nous pourrons malgré tout nous y promener à pied en suivant la route de Swami Rock. Le fort est formé d'une imposante enceinte de murs épais et l'on pénètre à l'intérieur en franchissant une porte en pierre (deuxième photo) datant de 1675, au-dessus de laquelle figure un blason britannique portant l'inscription « Dieu et mon droit ». L'enceinte abrite un joli parc où évoluent daims (troisième photo) et vaches tandis que plusieurs bâtiments de l'époque coloniale s'élèvent encore, dont une vaste résidence appelée Wellington House (que nous ne trouverons malheureusement pas et dont personne ici n'a entendu parler), dans laquelle séjourna le futur duc de Wellington (aussi surnommé duc de fer) en 1799. Sur place deux canons et un obusier rappellent enfin la vocation de l'endroit. Il est vrai que la grande majorité des anciens bâtiments a depuis été intégrée au camp militaire présent sur place.


 

La visite de la ville s'effectue facilement car toutes les curiosités sont proches les unes des autres. Toujours à l'intérieur du fort, se dresse le temple Gokana (ci-dessous), temple bouddhiste où se trouve un bouddha sur une terrasse dominant un panorama sublime. Plus loin, c'est à dire sur le rocher de Swami, un autre temple, hindouiste celui-là, qui a reçu le joli nom de temple aux mille colonnes (Koneswaram) (deuxième photo ci-dessous) compte parmi les cinq demeures de Shiva au Sri Lanka. D'après la tradition hindoue, le Koneswaram Kovil existait déjà du temps du démon Ravana, l'ennemi de Rama dans le Ramayana. Les Portugais le détruisirent pourtant à leur arrivée puis en jetèrent débris et objets sacrés à la mer. L'édifice sera reconstruit durant les années 1950 et une grande statue bleue du dieu surveille l'entrée de ce temple très coloré, au cas où l'ennemi serait de retour. Plusieurs sculptures entourent l'édifice, dont une montre le démon dans sa représentation classique, à savoir avec dix têtes et vingt bras, faisant face à l'océan. Et les croyants de sacrifier au rite de la noix de coco qui consiste à briser une noix sur une pierre afin de chasser les mauvais esprits. Si le fruit ne se brise pas, c'est plutôt un signe de mauvais augure. A droite du temple hindouiste se trouve un arbre chargé de cages en bois (troisième photo) portant les vœux des couples en mal d'enfant. La plupart des gens gravissent le rocher de Swami à pied pour se rendre au temple mais des triporteurs sont à la disposition des éventuels promeneurs essoufflés. Qu'on soit pèlerin ou pas, il faut retirer ses chaussures à l'entrée.

Non loin de là , à flanc de falaise, s'accroche un autre arbre garni de drapeaux de prières, au lieu-dit nommé Lover's Leap (le saut de l'amoureuse), en hommage à Francina van Rhede, une Hollandaise qui se serait jetée à l'eau depuis la falaise en 1687 après que son fiancé eut pris la mer en l'abandonnant.


 

Les photos de Dutch Bay (baie hollandaise) sont à prendre depuis le fort Frédérick (rocher de Swami) qui offre un joli point de vue, mais n'y allez pas le matin car vous aurez le soleil face à vous. La magnifique plage en demi-lune (en photo ci-dessous) qui borde cette baie est un lieu de promenade idéal où les habitants de la ville viennent souvent se dégourdir les jambes en profitant de la brise maritime. Mais s'il est possible de s'y baigner, gare aux puissants courants !

Au cours de mes recherches, je découvrirai que Trinquemalay aura été française trois mois durant, lorsque l'amiral Jacob Blanquet de la Haye arrivera sur place en mars 1670. Issu d'une famille de petite noblesse, l'homme gagnera ses premiers galons sous les ordres du gouvernement du Cardinal Mazarin. Après avoir enlevé le fort aux Hollandais, dans la baie de « Trincomalée », la tentative française d'ouvrir un comptoir dans cette ville échouera faute d'avoir obtenu à l'époque l'appui du roi de Kandy, Rajasimba II. Et la flotte hollandaise, dirigée par Rijcklof van Goens, d'encercler nos compatriotes et de les affamer progressivement, jusqu'à leur départ pour le sud de l'Inde. Obstiné, Jacob Blanquet de la Haye se consolera avec la prise de San Tomé, ancienne ville portugaise située sur la côte du Coromandel (en Inde). Les Français n'en resteront pas là, puisqu'un siècle plus tard, aura lieu la bataille de Trinquemalay, de 25 août au 3 septembre 1782, entre la flotte française sous les ordres de Pierre André de Suffren, et la flotte britannique menée par l'amiral Edward Hughes., une bataille qui tournera à l'avantage des Anglais, plus ordonnés.


 

A l’extérieur du Fort Frédérick, mais non loin de cette forteresse se trouve le temple hindou de Kali (sur l'esplanade de Konesar Road), impressionnant par la beauté de son gopuram (en photo ci-dessous) et qui est dédié à la déesse Bhadrakali, très populaire dans l'Inde du Sud et représentée avec trois yeux, et quatre, seize ou dix-huit mains, portant des armes et coiffée d'une flamme. L'architecture, elle, de style dravidien, privilégie avant tout le gopuram, qui est ici extrêmement coloré, et orné de superbes statues. L'endroit, qui attire les pèlerins depuis le 11è siècle, fut agrandi sous le règne du roi Rajendra Chola I. La puja (offrande) de fin d'après-midi (vers 16 ou 17 heures) voit le déploiement des tambours et des tintements de cloche pour le plus grand plaisir des visiteurs. Un petit cimetière chrétien abrite, non loin de là, des tombes datant de l'époque coloniale, principalement des victimes de maladies tropicales (comme, par exemple, le frère de la romancière Jane Austen, l'amiral Charles John Austen, qui mourut du choléra en 1852).


 

Installé à l'ouest du Fort Frédérick, le centre marchand de la ville est formé de trois rues presque parallèles, à savoir Main Street, Central Road et North Coast Road. Au passage, nous admirons la Tour de l'horloge située au carrefour de ces deux dernières rues qui domine un marché aux poissons (ci-dessous) qu'il est préférable de visiter le matin, au retour des pêcheurs. Tout proche, un autre marché accueillent les fruits et légumes des maraichers de la région. Tout près du marché, nous observons la présence de boutiques vendant du poisson séché (deuxième photo) le long de la route.


 

A l'extérieur de Trincomalee, un cimetière militaire (en photo ci-dessous) abrite les tombes de 362 soldats, surtout des appelés du Commonwealth, morts durant la Seconde guerre mondiale, à une époque où le port naturel en eau profonde de la ville était revenu sur le devant de la scène : les Britanniques y avaient alors établi une base pour la Royal Navy et les sous-marins néerlandais, jusqu'au moment où l'aviation impériale japonaise bombarda l'endroit lors du raid aérien d'avril 1942 qui causera, entre autres, la perte du HMS Hermes. Le fameux porte-avions britannique se trouvait alors en pleine mer, accompagné du destroyer australien, le HMS Vampire. Les deux bâtiments sombrèrent corps et biens, avec plus de 300 marins à bord. L'épave du HMS Hermes repose toujours par 44 mètres de fond dans une zone de forts courants au large de Batticaloa. Des plongeurs expérimentés se risquent à plonger dans ces eaux claires habitées par une riche faune marine. Les stèles alignées du cimetière portent des symboles précisant à quelle arme chaque soldat appartenait et de quel pays il était originaire. La fougère argentée représente par exemple un ressortissant de Nouvelle-Zélande. Quant aux épitaphes, ils rappellent l'étonnante cruauté de la guerre, comme cette réflexion d'une infirmière, Joan Baker, qui dit avoir vécu « une vie courte mais terriblement utile ». L'employé chargé de l'entretien des lieux me confiera qu'il n'y a que deux soldats français enterrés sur place.

 

Un petit détour s'impose enfin par les puits d'eau chaude de Kanniyai (ci-dessous) : ceux-ci dépendaient autrefois d'un monastère bouddhiste et sont désormais placés sous la tutelle du département d'archéologie sri-lankais. A l'intérieur d'un espace dallé, des sources thermales alimentent sept puits aux margelles carrées. La température de l'eau varie de 30 à 45°, et ces eaux sont supposées posséder des vertus thérapeutiques contre les maladies de peau, l'arthrite et les rhumatismes, même s'il n'est pas possible de s'y plonger. Les Sri-Lankais se servent quant à eux de petits seaux pour s'asperger du précieux liquide, et les visiteurs sont invités à faire de même. A l'origine des puits, figurent deux légendes : l'une évoque l'apparition de Shiva à cet endroit face au démoniaque Ravana, roi de Lankapura, pour faire couler les sources en frappant son épée sur le sol. L'autre raconte que le même Ravana aurait créé ces sources lors des rites funéraires de sa mère pendant une période de sécheresse.

 

INFOS PRATIQUES :

  • Temple Koneswaram, Fort Frédérick, en haut du rocher de Swami, à Trincomalee. Ouvert tous les jours. Accès libre. Pensez à retirer vos chaussures avant d'arriver au temple (laisser un billet de 50 roupies est bienvenu). Ne pas tenter de prendre de photos du temple à l'intérieur, ni à travers les grilles du dehors. Ce temple est actuellement en cours de restauration.
  • Kali Kovil, Esplanade de Konesar Road, le long de la Dockyard Road à Trincomalee. La prise de photos est autorisée tant à l'intérieur du temple de Kali que dans celui de Ganesh (juste à côté). Ne pas manquer l'intérieur du temple de Kali, avec ses étonnantes statues.

  • Les photos de l'intérieur du temple de Kali ont été prises par Chaminda

  • Puits d'eau chaude de Kanniyai (à quelques kilomètres de Trincomalee), ouvert tous les jours. Parking : 50 roupies + 50 roupies de droit d'entrée (prévoir l'appoint)

  • Cimetière militaire du Commonwealth (à la sortie de la ville), ouvert tous les jours de 7h00 à 16h00. Tél : 01628 507 200.

 

 

 









 



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