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Mahiyangana
(Province d'Uva, Sri Lanka)
Heure locale

 

Lundi 19 novembre 2018

 

Ce lundi est le dernier jour de mon circuit avec Chaminda (en photo avec moi, en bas de l'article), car celui-ci était déjà retenu par un autre groupe de touristes lorsque j'ai réservé en septembre. C'est Some qui va prendre le relais pour m'accompagner pour les deux semaines restantes. Egalement chauffeur-guide francophone, Some bénéficie d'une solide expérience en tant que guide et je suis persuadé que nous construirons ensemble le binôme parfait pour la continuation de mon long circuit à travers le Sri Lanka.


Notre escale du jour se nomme Mahiyangana, un terme Pali signifiant « terre plate ». Il est vrai que non loin de là se profilent les montagnes brumeuses (Knuckles Range ou Dumbara Hills), appelées aussi les montagnes de Jointures. Ce dernier terme est du aux Britanniques qui trouvaient à ces montagnes l'apparence d'un poing serré. Pourquoi pas ? La ville de Mahiyangana vit essentiellement de l'agriculture et de la culture du riz, mais ce n'est pas là sa spécificité puisque la cité doit sa renommée à une légende bouddhique qui veut que Mahiyangana ait été le premier des trois lieux visités lors de son passage au Sri Lanka, après son illumination. Au bout de quelques deux heures d'une route parfois exécrable, Chaminda m'indique Hela Bojun Hala, une sorte de restaurant communautaire développé à l'initiative du ministère de l'agriculture afin d'offrir aux locaux une alternative à la malbouffe des fast-food et permettre à des femmes sans ressources de travailler et de gagner leur vie. On trouve ces restaurants dans les grandes villes mais aussi dans les zones rurales, comme ici, à une trentaine de kilomètres de Mahiyangana. Je m'accorde une pause gustative en dégustant une crêpe fourrée à la noix de coco miellée, accompagnée d'une tisane digestive « Beli », la même que celle consommée à Minhintale. Et de participer à ma manière aux trois préoccupations du gouvernement sri-lankais, initiateur de cette initiative : accroitre le bien-être et le rôle des femmes dans l'agriculture, produire des mets à base de produits frais exempts de substances chimiques, et dynamiser l'économie locale. Opération réussie en ce qui nous concerne puisque tout le monde se joindra à la photo de famille (deuxième photo ci-dessus).

Situé à un kilomètre du centre-ville, l'imposant et ancien temple bouddhiste Rajamaha Dagoba (ci-dessous en photo) compte parmi les seize lieux religieux sacrés du pays, appelés Solosmasthana. Ces Solosmasthana sont ainsi répartis à travers l'île que Bouddha aurait visité à trois reprises. Ces trois visites sont décrites dans l'ancienne chronique Mahavamsa (poème épique en langue Pali, datant du 5è siècle, composé par un moine bouddhiste du temple Maha Vihara d'Anuradhapura) qui décrit les séjours de Bouddha dans onze des seize lieux mentionnés.


 

La première halte, Bouddha la fit à Mahiyangana, neuf mois exactement après qu'il eut atteint l'illumination. Il aurait ainsi conquis les yakshas, ces esprits de la nature généralement bienveillants, bien que pouvant se montrer parfois malicieux et capricieux. Ces yakshas sont cités dans les textes hindous, et dans les religions Jain et bouddhiste. Et ces esprits d'avoir une double personnalité, avec, d'un côté un comportement de fée nature complètement inoffensif. Dans ce cas, ces esprits sont associés aux forêts et aux montagnes. De l'autre, le yaksha peut se montrer sous la forme d'un fantôme (bhuta) qui dévore les voyageurs, une sorte de raksasas (cannibales mythologiques originaires de l'hindouisme puis incorporés plus tard au bouddhisme).

Bouddha ayant gagné la confiance de ces yakshas, les aurait envoyé sur l'île Giri, afin de purifier le Sri Lanka et de permettre l'accomplissement du bouddhisme. Sa seconde visite eut lieu à Nagadipa, au temple Nagadeepa Purana Vihara (dans le district de Jaffna, au nord du pays), cinq ans après son illumination, après avoir réglé un différend entre les rois Chulodara et Mahodara de la tribu Naga, concernant un trône orné de pierres précieuses. Huit années après son illumination, Bouddha effectua sa troisième visite à Kelaniya (à sept kilomètres de Colombo), accompagné de 500 bhikkhus (moines bouddhistes), et à l'invitation du roi Maniakkika.

 

Saman, ou « soleil montant du matin », un des dieux vénérés à l'époque par les croyants indigènes sri-lankais, écouta avec attention le prêche de Bouddha et lui demanda une relique que les pèlerins pourraient vénérer après son départ. Et Bouddha de lui remettre une poignée de ses cheveux que Saman abritera ensuite dans un petit stupa de trois mètres de haut, le premier du genre au Sri Lanka. Après l'accession de Bouddha au nirvana après son décès en 543 avant JC, Sarabhu, qui avait compris le sens du nirvana, emporta la clavicule gauche de Bouddha, qui se consumait dans le bûcher funéraire. Et cette relique d'être également enchâssée à l'intérieur du même stupa que l'on agrandit pour l'occasion. Plusieurs rois (dont Dutthagamani) ont depuis eux aussi effectué des travaux d'agrandissement dans ce tout premier stupa sri-lankais (en photo ci-dessous), tandis que d'autres souverains (Voharika Tissa, Sena II, Vijayabahu I et Kirti Sri Rajasinha) maintiendront l'édifice en bon état. En 1942, D.S.Senanayake, le premier Premier ministre du Sri Lanka, initiera la création d'une fondation chargé de l'entretien du temple. Les premiers travaux commenceront en 1953 pour s'achever en 1980, avec la construction d'un nouveau sommet coiffant le célèbre stupa.

 

En règle générale, la religion joue un grand rôle chez les Sri Lankais qu'ils soient bouddhistes, hindouistes, chrétiens ou musulmans. Si le bouddhisme reste la religion dominante chez l'immense majorité des Cinghalais, les Tamouls sont dans l'ensemble hindous, mis à part une communauté significative de Chrétiens, notamment présente à Jaffna. Quant à l'islam, il est plutôt implanté le long des côtes, surtout à l'Est. La coexistence de ces quatre religions entre elles reste un exemple : certaines divinités hindoues trônent dans un temple bouddhique et les hindous reconnaissent le Bouddha comme un avatar (incarnation) de Vishnou. Quant aux saints catholiques, ils viennent compléter l'imposant panthéon des figures religieuses et restent vénérés par les autres croyances. Mieux ! Les adeptes de chaque religion se rendent volontiers aux fêtes et aux pèlerinages des trois autres.

De leur côté, les Cinghalais placent le bouddhisme au centre de leur vie. Et le culte de Bouddha de dépasser le cadre strictement religieux pour fonder leur identité. Certains affirment même que le Sri Lanka serait « la terre élue » du Bouddha, lequel aurait béni l'île sur son lit de mort et prédit son rôle de bastion de la foi. Le royaume sera effectivement l'un des premiers convertis avant de devenir l'un des plus vieux pays bouddhistes de la planète et de préserver la foi authentique (le theravada, ou voie des anciens) depuis que le bouddhisme a virtuellement disparu de l'Inde. C'est aussi au Lanka, à Aluvihara, que le tripitaka (plus important recueil de la tradition theravada) fut rédigé.

 

Et Bouddha dans tout cela ? Le futur Bouddha s'appelle en fait Siddharta et est le fils de Shuddhodana, roi de Kapilavastu et de la reine Maya. Né au 6è siècle avant JC, à Lumbini, dans les contreforts de l'Himalaya (l'actuel Népal), il portera le nom de famille de Gautama, appartiendra au clan Shakya (d'où son autre nom, Shakyamuni ou Shakyasimba) et se verra aussi attribuer d'autres surnoms comme Amitabha (lumière infinie) ou Tathagata (celui qui est parvenu à la perfection). Sa mère, la reine Maya, mourra une semaine après sa naissance et un astrologue prédit déjà que « Bouddha » se désintéressera un jour des plaisirs terrestres pour partir sur les routes en mendiant tout en recherchant sagesse et dépassement de la souffrance. Le jeune prince se transforme bientôt en beau jeune homme doux, compatissant et doué pour toutes sortes d'arts. Son père, qui se souvient des prophéties de l'astrologue, s'efforce de lui éviter le moindre spectacle désagréable en l'entourant de luxe et de fastes. Et de marier son fils à Yashodhara, princesse d'un royaume voisin, laquelle lui donnera bientôt un fils, que le futur Bouddha baptisera...Rahula (entrave) !

 

Les astres ne s'étaient pas trompés et Siddharta découvrira alors les trois origines de la souffrance, à savoir la maladie, la vieillesse et la mort. Et le prince de se préparer au « grand renoncement » la nuit de pleine lune du mois de Vaisakha, en se levant tout en marquant un temps d'arrêt sur le seuil de sa chambre afin de jeter un dernier regard sur sa femme et son enfant endormis, puis en quittant définitivement le palais. Siddharta prend la route et va s'asseoir devant trois célèbres maitres, mais aucun ne parvient à lui expliquer la cause de la souffrance. Il rejoint alors un groupe d'ascètes et s'astreint aux plus sévères disciplines. Peu à peu, il prend conscience que la sagesse ne peut se gagner au moyen d'une mortification stérile. Et de méditer bientôt sous un pipal (figuier) près de Gaya et d'atteindre la bodhi (éveil). Le prince Siddhartha devint ainsi le Bouddha, l'Eveillé. A partir de cet instant, le Bouddha pourra se libérer des cycles de réincarnations et atteindre le nirvana, libération suprême. Notre homme délivrera son premier sermon dans le parc aux daims de Sarnath, près de la ville sainte de Varasani (Bénarès). Son message, qui s'adressait à tous les êtres vivants, aurait conquis un cerf qui l'aurait écouté avec ravissement. C'est que ce message s'adresse à tout ce qui vit et contient les quatre nobles vérités sur lesquelles reposent le bouddhisme : la vie est souffrance (ou insatisfaction) au-delà de la souffrance physique, la souffrance résulte du désir et de l'attachement, la fin de la souffrance et la libération sont le résultat de l'élimination du désir et de l'attachement, l'extinction du désir et de l'attachement peut être obtenu en suivant un chemin moral, le juste milieu entre ascétisme stérile et hédonisme méprisable. A méditer !

 

Avant de rebrousser chemin, nous nous arrêtons au musée du temple Rajamaha Dagoba qui est le fruit des nombreuses fouilles archéologiques effectuées à l'intérieur du stupa et sur tout le site. Ces fouilles permirent de mettre à jour une foule d'objets (lampes à huile, manuscrits précieux rédigés sur des feuilles de palmier, d'or, de cuivre et d'argent, des poteries, des bijoux et même une couronne royale garnie de pierres précieuses). Nous ne serons pas autorisés à photographier ces trésors mais l'autre partie du musée offre de voir des scènes de vie reconstituées dont la construction du célèbre stupa du temple, à différentes époques.

 

Autre curiosité de Mahiyangana : le lac Sorabora (ci-dessus en photo). Ce lac (jadis surnommé mer de Binthanne), qui borde les campements des Veddha de Dambana, est un ancien réservoir qui était destiné jadis à l'irrigation des terres alentours. D'une surface impressionnante, il fut creusé au 4è siècle avant JC, sous le règne du roi Dutugemunu, héros de la nation. Une légende prétend pour sa part que l'ouvrage aurait été construit par Bulata, un géant villageois aidé par sa femme qui aurait rejoint l'armée du souverain. L'écluse, toujours en état de marche malgré son grand âge, est faite de granit. Contrairement aux autres réservoirs, cette écluse ne se trouve pas dans la digue mais forme un profond canal de pierre (un matériau qui ne souffre pas de l'érosion sous l'action de la pression de l'eau, en photo ci-dessus) qui évacue le trop plein du lac. Le lac Sorabora, qui dispose toutefois d'une digue longue de 485 mètres, s'étend sur une surface de 4,5 km2 (soit 14,6 millions de m3 d'eau). Ce lac est l'unique ouvrage de ce type au monde à être équipé d'un tel canal creusé dans le rocher.

 

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