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La Mine de Chuquicamata
(Calama, Province d'El Loa, Région d'Antofagasta, Chili)
Heure locale

 

Mardi 19 février 2019

 

L'attraction de Calama est sans aucun doute la mine de cuivre de Chuquicamata, déjà connue du temps des Incas. Située à une quinzaine de kilomètres de la ville, celle-ci possède à elle seule 13% des réserves de cuivre répertoriées dans le monde et se présente sous la forme d'un gigantesque trou ovale aux dimensions impressionnantes : 5 kilomètres de long, 4 kilomètres de large et 1,2 km kilomètre de profondeur. L'endroit est perché dans une région où il ne pleut pratiquement jamais, à une altitude de 2700 à 3000 mètres.

Cette mine fut exploitée bien avant l'arrivée des Espagnols sur le territoire, et le mot Chuquicamata provient de la langue aymara et désigne les premiers habitants de cette région. On ne dispose que de très peu d'information sur le peuple des Aymaras, sinon que celui-ci est originaire des abords du lac Titicaca, entre Bolivie, Pérou Argentine et Chili et qu'il fut lui-même précédé d'autre peuples encore plus anciens. Les Aymaras arrivèrent ici deux siècles avant notre ère et se trouvèrent face aux peuplades Uros qu'ils repousseront petit à petit vers les terres les moins riches du lac Titicaca. Leur développement était alors basé sur l'agriculture, l'élevage et le commerce avec les peuples alentour. Ce peuple connaitra son apogée vers l'an 900 avant notre ère, époque à partir de laquelle la domination impériale aymara déclinera pour laisser progressivement la place à divers royaumes et chefferies de même langue et de culture identique.


Ce n'est qu'en 1915 que le gigantesque gisement de cuivre sera exploité industriellement : entre temps, la région où se trouve la mine passera sous contrôle chilien à la suite de la Guerre du Pacifique (1879-1884), conflit qui fera perdre à la Bolivie voisine sa province de Litoral, seul accès à la mer pour ce pays. Et le Chili, expansionniste, d'attaquer à deux reprises le Pérou et la Bolivie pour accroitre son territoire vers le nord. La deuxième attaque (cette fameuse Guerre du Pacifique) visant à annexer une région riche en salpêtre, une substance qui servait à l'époque à la fabrication d'explosifs. Les veines minière de Zaragoza, Balmaceda, Angelica, Poderosa, Lerida et San Antonio seront quant à elles exploitées dès la fin du 19è siècle. Aucune exploitation rentable ne verra cependant le jour jusqu'au rachat des terrains de la mine de Chuquicamata par l'entreprise Guggenheim Bros en 1911. Et la Chile Exploration Company de débuter les travaux d'ouverture de la mine début 1912 avec un capital de départ d'un million de dollars. Des travaux essentiels puisqu'ils permettront d'évaluer alors les réserves minières à 154 millions de tonnes de minerai avec une teneur moyenne de 2,5% de cuivre. D'autres recherches montreront que le gisement sera en fait bien plus important puisqu'il garantit encore à ce jour….deux siècles d'exploitation.

L'exploitation à grande échelle de la mine de Chuquicamata débutera en mars 1915 sous la houlette de la famille américaine Guggenheim et la première barre de cuivre de l'histoire contemporaine de la mine sera produite le 18 mai de cette même année. La famille Guggenheim poursuivra l'exploitation de la mine sous divers noms, puis la Chile Copper Corporation sera bientôt créée pour reprendre les avoirs de la Chile Exploration Corporation. D'autres recherches débuteront alors pour tenter de trouver des solutions afin de contourner la mauvaise qualité du minerai (celui-ci était riche en nitrates, en chlorures et en sulfates). Le procédé Guggengheim entra alors en scène : ce procédé hydrométallurgique, mis au point par le chimiste Elias Anton Cappelen Smith et son équipe, permettra une avancée notable dans le développement de la production du cuivre, à travers l'invention du convertisseur Peirce-Smith dès 1908 (offrant un meilleur affinage du cuivre) et le procédé Guggenheim (extraction de produits solubles à l'aide de chlorure de fer).

L'Anaconda Copper Company, société nord-américaine qui deviendra le premier producteur mondial de cuivre au début du 20è siècle succédera aux frères Guggenheim dans l'exploitation de la mine de Chuquicamata dès 1922. Un investissement de 77 millions de dollars qui représentera très vite les deux-tiers de la rentabilité de cette entreprise. Anaconda Copper Co. poursuivra l'exploitation du gisement jusqu'à la nationalisation de l'extraction du cuivre par le gouvernement de Salvador Allende cinquante années plus tard. On raconte que le Che, alors en visite à la mine avec son ami Alberto Granado, sera choqué par les conditions de travail inhumaines infligées aux mineurs et rapportera les faits à Salvador Allende, lequel nationalisera cette mine une fois arrivé au pouvoir. De nos jours, la mine de Chuquicamata est gérée par Codelco (Corporacion Nacional del Cobre), une entreprise détenue à 100% par l'Etat chilien et désormais devenue le plus grand producteur mondial de cuivre. Les chiffres de 2015 annonçaient une production de 11% du volume annuel mondial de minerai, soit 910000 tonnes. Et la production principale de cette entreprise d'être du cuivre raffiné sous la forme de cathodes dont la pureté est supérieure à 99,99%. A l'origine de Codelco, se trouve la création du « département du cuivre » du gouvernement chilien le 5 mai 1955. Ce département sera transformé onze ans plus tard en « Compagnie du cuivre du Chili », l'actuelle Codelco, qui prendra possession de toutes les mines du pays à la suite de la réforme institutionnelle de 1971 promulguée par le gouvernement de Salvador Allende. Suite aux cours élevés du cuivre, Codelco atteindra rapidement des profits élevés (9,2 milliards de dollars US en 2005, en hausse de 88% par rapport à 2004) offrant ainsi au pays d'importantes réserves financières. Parallèlement à son développement, Codelco investira en 2013 la somme de trois milliards de dollars afin de rendre plus écologique son exploitation minière. Et Suez Environnement de se voir confier la mission de réduire le taux de molybdène dans les eaux usagées de la mine. En effet, au fil du temps, le camp d'hébergement des 8500 ouvriers de Chuquicamata était devenue une véritable ville mais également un lieu invivable compte tenu de l'importante pollution environnante. Tous déménagèrent alors à Calama qui devint peu à peu la ville-dortoir des travailleurs de la gigantesque mine.

2019 doit être une année importante pour Codelco puisque la mine de Chuquicamata, après avoir été jusqu'à présent exploitée à ciel ouvert, va entamer pour la première fois son exploitation souterraine. Celle-ci impliquant, en plus de 180 km de tunnels initiaux, le creusement d'un tunnel de ventilation de 11 mètres de diamètre et de 918 mètres de profondeur, de deux tunnels d'injection d'air d'une longueur de 4,2 km sans parler des tunnels d'accès et de transport. A terme, on évalue à 1020 km la longueur totale des tunnels de la gigantesque mine, l'équivalent de la distance entre Santiago du Chili et Puerto Montt. Ce projet, d'une durée de vie de 40 ans au moins, devrait permettre l'extraction journalière de 140 000 tonnes de minerai de cuivre et de molybdène à horizon 2025, soit une production annuelle de 366000 tonnes de cuivre pur et plus de 18000 tonnes de molybdène. Pour sa part, Codelco évalue à près de 1700 millions de tonnes les réserves souterraines de cuivre. Pour mener à bien ce projet, c'est l'entreprise espagnole Acciona qui a été choisie pour son expérience centenaire en matière de développement durable. L'entreprise se vit ainsi confier le creusement de deux premiers tunnels en 2012, puis de six autres (avec cheminées).

De nos jours, une visite sur le site démontre la démesure de l'exploitation minière et les camions à eux seuls impressionnent par les chiffres : chacun de ces engins mesure entre 7 et 9 mètres de haut pour une douzaine de mètres de long et a une durée de vie de dix ans. Leur prix d'achat est de 4 millions de dollars l'unité. Leurs pneus mesurent près de quatre mètres de diamètre et coutent 20000 dollars pièce (leur remplacement est nécessaire tous les quatre mois). Chaque camion transporte jusqu'à 350 tonnes de minerai pour les plus gros d'entre eux et les moteurs de 3000 chevaux qui les équipent engloutissent 120 litres de diesel par jour. Vous avez dit gigantisme ? Plus de 8000 ouvriers travaillent sur place et la mine fonctionne 24 heures sur 24, avec trois tours de huit heures. Un rythme de travail certes contraignant mais qui fait de ces salariés les travailleurs les mieux payés et les mieux protégés du pays. Compte tenu du cours élevé du cuivre, l'argent qui en découle ne représente t-il pas la moitié des ressources fiscales du fisc chilien ? Sur place, la présentation de la mine est effectuée en anglais et en espagnol, avec chiffres et explications scientifiques à l'appui. On aborde ainsi les différents minerais extraits de la mine et leurs phases de transformation pour séparer les différents composants afin d'arriver au produit fini qui se présente sous la forme de lingots. Un tour dans la ville minière (désormais abandonnée) puis à l'intérieur de la mine à ciel ouvert pour admirer au passage et depuis un mirador le travail incessant des excavatrices géantes 1200 mètres plus bas.

 

INFOS PRATIQUES :

  • Codelco : la visite de la mine de Chuquicamata est possible sur réservation uniquement (visitas@codelco.cl). Elle dure environ trois heures et s'effectue dans de strictes conditions de sécurité. Elle débute au bureau de la Codelco (Avenida Granaderos, 4025) pour se poursuivre sur le terrain. Visite gratuite (à confirmer impérativement la veille) mais passeport obligatoire. Site internet : https://www.codelco.com/

 










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