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San Pedro de Atacama
(Province d'El Loa, Région d'Antofagasta, Chili)
Heure locale

 

Mercredi 20 février 2019

 

Une heure de route me sépare de Calama à ma prochaine étape, San Pedro de Atacama. La chaussée reliant les deux communes (qui était jadis un simple chemin de terre) est aujourd'hui parfaitement praticable et goudronnée. De plus, elle offre ici et là des arrêts d'où l'on peut admirer les somptueux paysages qui s'offrent aux visiteurs. La conduite sur cet axe se fait à vive allure puisqu'on peut conduire entre 90 et 100 km/heure et doubler, si besoin, en toute sécurité. Méfiance toutefois : il n'y a pas de station-service sur le parcours, et il est donc conseillé de faire le plein avant de partir, ou à son arrivée à San Pedro de Atacama.

C'est au détour d'un flanc montagneux que j'apercevrai celui qu'on appelle le village-oasien, situé dans le bassin du salar d'Atacama, sur le haut plateau de la Puna de Atacama, plateau localisé dans la partie centrale de la cordillère des Andes, dans la moitié méridionale de l'Altiplano, à la frontière entre l'Argentine et le Chili (un petit poste frontière se dresse d'ailleurs à 200 mètres de l'hébergement où je réside). Ce plateau culmine à 4500 mètres d'altitude et offre un climat aride sur sa superficie de 180 000 km2 (dont 15% seulement se trouve sur le sol chilien). Cette fichue altitude, qu'il faut gérer tant bien que mal, est peut être à l'origine de mes troubles de sommeil depuis mon arrivée le week-end dernier.

Bien avant d'atteindre San Pedro de Atacama, se détache le volcan du Licancabur qui s'élève à 5916 mètres (en photo ci-dessous à gauche) et n'est distant du village que d'une trentaine de kilomètres. Le nom de ce volcan endormi signifie »montagne du peuple » dans la langue kunza pratiquée jadis par les Indiens d'Atacama. Et le volcan de posséder un lac de cratère de 90 mètres de long (pour 70 de large et 8 de profondeur), l'un des lacs les plus élevés au monde. Un record de plongée en altitude fut d'ailleurs battu en 1982 par cinq plongeurs. En voilà qui ne manquent pas d'air...Dieu merci, ce stratovolcan n'est plus entré en éruption depuis mille ans et se laisse même escalader par les plus audacieux, comme Severo Titichoca, cet indien d'Atacama qui en effectua la première ascension moderne en novembre 1884.

Seules quelques rues sont goudronnées à San Pedro de Atacama. La plupart du temps,celles-ci sont faites de terre battue et les habitations se limitent à un seul niveau. Je suis aussi surpris par l'omniprésence d'agences de voyages, dont certaines s'évaporent parfois après réalisé les bénéfices escomptés. Il est vrai que ce petit village resta longtemps dans l'oubli. Les premiers habitants de la région arrivèrent pourtant sur place il y a 11000 ans et pratiquèrent la transhumance entre les Andes et le plateau. Puis, la sédentarisation apparut peu à peu et entraina l'apparition de quelques rares villages comme San Pedro de Atacama (qui fut fréquenté par les humains entre 500 ans avant JC et 300 ans après JC). Le village n'abrite aujourd'hui que quelques milliers d'âmes mais est l'un des sites touristiques les plus importants du Chili, mais est-ce encore le vrai pays avec son côté typique lorsqu'on croise à chaque instant des touristes en mal de dépaysement ? L'offre touristique y est généreuse et les agences de voyages pullulent, principalement dans deux ou trois rue du village. Je gare mon véhicule en face du marché artisanal, traverse celui-ci qui consiste en une sorte de rue couverte bordée de minuscules boutiques de souvenirs, puis débouche sur la place du village où se dresse l'église (en photo ci-dessous) qui date, dit-on, de 1744. Le prêtre Cristobal Diaz de los Santos y donna pourtant une messe le 5 mars 1557 en présence de Juan, maire du village et d'une assistance aborigène. Il est fortement conseillé de se rendre à l'intérieur pour admirer sa toiture et sa charpente faites de pièces de bois de caroubier reliées entre elles par des lanières de cuir (deuxième photo).


Une promenade s'impose rue Caracoles, une rue bruissant d'activités. Je m'arrête ici et là pour parler aux habitants et j'apprends bientôt l'existence d'une boulangerie, la Franchuteria (voir les infos pratiques), créée par un Français. Je ne tarde pas à m'y rendre pour saluer mon compatriote mais celui-ci est absent. Qu'à cela ne tienne, je suis reçu avec gentillesse par le personnel de l'établissement qui s'active auprès des nombreux clients.

Nous sommes ici en Amérique du Sud et chacun vit à son rythme. Je m'en souviendrai au moment où je me rendrai à l'office de tourisme local. Je trouve alors porte close avec un petit écriteau «Retour à 12h30 » alors qu'il est déjà 12h40...décidément, on n'est pas au Japon. De la même manière, il n'est pas toujours aisé de trouver telle ou telle attraction. Désirant me rendre au musée archéologique Gustavo le Paige, j'apprends que celui-ci a déménagé dans des locaux provisoires situés derrière le cimetière communal. Et de devoir interroger plusieurs personnes avant d'arriver à bon port, après avoir emprunté une piste scabreuse pour atteindre enfin ma destination.

La visite du musée permet de découvrir Gustavo Le Paige (ci-dessous en photo), ce missionnaire jésuite belge qui finira par poser ses valises dans la maison paroissiale un certain 26 mars 1955, après avoir oeuvré un temps au Congo puis en Belgique. Notre homme s'intéressera très vite au sous-sol chilien qui révèlera au fil des recherches les secrets d'une civilisation oubliée, celle de la culture atacamène. Et d'exhumer inlassablement, 27 années durant, près de 360 000 objets tout en réclamant dans le même temps aux autorités chiliennes davantage de moyens pour améliorer le quotidien de cette population isolée.

Ce prêtre, loin de disposer d'une formation archéologique, réalisera pourtant un travail titanesque jusqu'à son décès en 1980. Expédiant ses messes pour mieux se consacrer à sa passion, Gustavo Le Paige parcourra la région pour partir à la rencontre de ses habitants malgré les rudes conditions climatiques locales. Et les sites de Solor et de Tchecar de bientôt révéler leurs premiers trésors : céramiques, pointes de flèches, hache en bronze, couteaux de pierre... Et la frénésie archéologique de notre homme de ne plus connaître de limites. Il s'équipera bientôt de ses propres moyens d'investigations afin d'affiner ses recherches et d'assouvir son insatiable curiosité. Tout l'intéresse alors : tombes, crânes, momies peintures rupestres, céramiques, ruines, tablettes à hallucinogènes et restes humains. Un minimum de 262 sites archéologiques différents retiendront ainsi son attention, qui donneront lieu à des notes de fouilles, des plans, des croquis et des photographies.

La visite du musée est ponctuée de nombreux panneaux d'information (en espagnol) s'intéressant aux premiers habitants du désert d'Atacama, à l'apparition de la céramique préhispanique, et même au cosmopolitisme de San Pedro de Atacama, avec la présence de caravanes et d'échanges interculturels dans ce monde andin préhispanique. Les matières premières locales (bois, plantes locales poussant le long des cours d'eau, minéraux...) sont également abordées à travers la présentation d'objets en bois, de paniers tissés, d'instruments de musique, de couvre-chefs, de poteries, de céramiques, de tissus et de tablettes à hallucinogènes. On en apprend davantage sur la confection des premiers outils en pierre par les premier habitants du désert, puis sur la domestication des plantes et des animaux, la sylviculture et l'horticulture déjà présentes dans cet oasis du Salar d'Atacama. L'une des productions les plus marquantes reste sûrement la céramique raffinée fabriquée sur place. Quant à l'élevage des lamas, il permit l'accroissement de la population locale et l'apparition des premières communautés pastorales il y a 3850 ans de cela. Les premiers textiles, eux, datent d'il y a 2000 ans, à une époque où les chasseurs qui vivaient dans les vallées du Salar d'Atacama s'étaient déjà lancés dans la domestication de troupeaux de chameaux, ce qui permit de disposer de la laine nécessaire à la production des premières pièces de tissus.

Au fur et à mesure de ma visite, je m'interroge cependant : où sont passées les momies découvertes par le Père Gustavo Le Paige ? Notre homme en exhumera 378 au total, dont certaines seront d'abord exposées de façon sommaire dans son premier musée avant de disparaître purement et simplement, par respect pour less populations locales, d'après ce que m'expliquera le gardien du musée. En effet, ces exhumations ne plairont pas à tout le monde et certains n'hésiteront ps à prétendre que « c'est parce qu'il a dérangé les morts » que le prêtre a respiré les poussières des ancêtres, ce qui lui valut de tomber malade. L'une des momies les plus célèbres reste sans doute celle que les Chiliens surnommeront affectueusement « Miss Chili ». Mais point d'information à ce sujet dans ce musée provisoire. Je ne trouverai pas non plus de références sur les peintures du Gustavo Le Paige, qui fut aussi un féru des arts plastiques : son penchant pour la peinture se manifestera dès son enfance, et sa première exposition, « Hommage au Grand Nord », aura lieu à Calama en novembre 1974. Puis, à Santiago un an plus tard, à l'hiver 1975, le prêtre exposera pour la première fois à titre personnel une quinzaine de tableaux représentatifs des trois étapes majeures de son existence, ses périodes africaines, européennes et chiliennes. Décidément, Gustavo Le Paige vaut la peine d'être connu !

 

 

INFOS PRATIQUES :

  • Eglise de San Pedro, sur la place du village. Messes les lundi, mardi, mercredi, jeudi et vendredi à 19h30, le samedi à 20h00 et le dimanche à 12h00 et 20h00.
  • Accès WiFi gratuit sur la place du village : Zona ChileGo

  • Deux distributeurs de billets sont disponibles à deux minutes de marche auprès de la Banque BCI (rue Caracoles)

  • Boulangerie La Franchuteria, Gustavo Le Paige 527b, à San Pedro de Atacama. Tél : 56 9 6660 1122. Accès WiFi : la franchuteria (franchuteria1). Les portions servies sur place sont généreuses. A déguster, le croissant à la framboise et au chocolat blanc, le café et l'épais chocolat chaud.

  • L'office du tourisme se trouve sur la place de l'église.

  • Le commissariat des carabinieros (en face de l'église) vous aidera à trouver votre chemin en cas de besoin

  • Musée archéologique Gustavo Le Paige, installé provisoirement derrière le cimetière. Entrée adulte : 2500 pesos chiliens. Le musée définitif devrait ouvrir en 2021. L'ouvrage de Christian Du Brulle « Le dernier roi de l'Atacama » (éditions Mols) révèle le portrait du Père Gustavo Le Paige, devenu peu à peu une figure emblématique du Chili en retraçant son itinéraire. Ce père fit progresser à sa manière la cause de l'Homme dans un des endroits les plus inhospitaliers de la planète. Ce livre (ci-dessous) est encore disponible sur Amazon.


     










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