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Toconao
(Région d'Antofagasta, Chili)
Heure locale

 

 

Jeudi 21 février 2019

 

Nouvelle étape pour moi et mon compagnon de voyage, Jean-Sébastien, un jeune globe-trotteur et surtout le fils de Nathalie, une très grande amie ex-navigante. Jean-Sébastien venant d'arriver du Paraguay, nous avons décidé de faire un bout de chemin ensemble avant de reprendre chacun notre route. Les voyages ne forment-ils pas la jeunesse ? Cette fois, nous prenons la route en direction de Toconao, un petit village de quelques mille âmes situé à 33 km au sud de San Pedro de Atacama, d'où nous pourrons admirer la beauté du volcan Lincancabur (ci-dessous) culminant à plus de 5916 mètres. En regardant bien, on peut apercevoir de nombreuses ruines incas encore présentes sur les pentes du stratovolcan et jusqu'à son sommet, des vestiges de la dernière éruption du géant qui produisit d'importantes coulées de lave sur six kilomètres, le long des versants sud-ouest et nord-ouest. Ce charmant village profite du climat favorable à la culture des fruits, alors que ses ruelles sont bordées de petites maisons à un niveau construites en liparite, une pierre blanchâtre toujours extraite d'une carrière se trouvant dans la Quebrada de Jerez (Vallée du Paradis) où nous nous rendrons après nous être installés dans notre nouvel hostal.


La Quebrada de Jerez est une vallée encaissée à la sortie de la ville, qui se présente sous la forme d'un oasis garni de vergers. Elle est le résultat d'une formation volcanique faite de roches grise, rose et blanchâtre. On trouve des vallées similaires depuis les flancs de la cordillère jusqu'au Salar de Atacama.Ce petit défilé est irrigué par la rivière Jere, un filet d'eau où les touristes viennent se tremper les pieds. Le long de cette rivière qui est alimentée par l'eau provenant de vallées plus importantes et situées dans les montagnes, des habitants ont installé des vergers (ci-dessous) où l'on cultive vignes, figuiers, poiriers et pruniers. Sur notre chemin, nous rencontrerons quelques grottes sommaires (deuxième photo) qui servaient jadis de frigos aux indigènes pour conserver les aliments. Le modeste droit d'entrée qui nous sera demandé vaut largement la peine car cette attraction offre des panneaux d'information tout le long du parcours. Le fait est suffisamment rare ici pour être signalé. Près du parking, se trouve une habitation traditionnelle de la communauté atacamène lickanantay. Ces maisons, circulaires ou rectangulaires selon les époques, sont toujours bâties avec les matériaux offerts par le désert, comme cette fameuse pierre liparite qui se décline en trois couleurs (blanche, grise et rose) selon les endroits. On l'utilise pour élever des murs grâce à l’utilisation de techniques permettant de durcir le matériau afin de le rendre plus résistant dans le temps. Ces murs solides peuvent ensuite supporter la charpente faite de bois locaux comme le peuplier ou le cactus. Le toit repose sur cette charpente, et est constitué de roseaux puis d'un mélange de boue et de fibres végétales. Les différentes pièces de la charpente sont pour leur part liées à l'aide de lanières en cuir. Cette maison typique (troisième photo ci-dessous) ne comporte généralement qu'une ouverture donnant souvent sur un patio.


La population locale vit principalement de l'élevage de chameaux, d'ovins et de chèvres, mais aussi de l'agriculture à travers la culture des fruits et des légumes. De longue date, les chasseurs-cueilleurs vécurent ici jusqu'à ce que Toconao émerge enfin en tant que village, tel que nous le connaissons aujourd'hui. Jean-Sébastien et moi apercevrons quelques gravures rupestres à l'intérieur de cette vallée du Paradis (ci-dessous) : l'homme a toujours laissé la trace de son passage sous la forme de représentations d'animaux, de plantes ou d'objets. Il grava aussi des scènes du quotidien, des signes ou bien des figures géométriques...Des œuvres qui traduisaient parfois sa dextérité, sa pensée, et même son expérience et sa croyance. On reconnaît ici et là des représentations de chameau, animal mythique et indispensable à la survie de l'être humain dans un désert rude. L'animal était consommé pour sa viande, tandis que sa laine servait à confectionner des vêtements et sa peau était utilisée pour fabriquer manteaux et objets en cuir.

La visite de la Quebrada de Jerez se réalise en environ une heure de temps, à moins que vous décidiez d'y pique-niquer, bien sûr, à l'abri des rayons agressifs du soleil. L'endroit s'est doté depuis peu de six nouveaux sentiers qui raviront les promeneurs désireux d'admirer encore davantage les beautés naturelles du lieu. Cette promenade de plus d'un kilomètre est découpée en plusieurs étapes : la première d'entre elles s'intéresse à la géologie du site, à la majesté du désert, à l'Alta Puna, aux Andes toutes proches et à l'oasis de Toconao. On s'arrêtera ensuite à l'endroit même où le grain était moulu (étape 2, d'après le plan de la brochure remise à l'entrée) avant de passer par la carrière de liparite, encore en activité. Les pétroglifes rupestres (étape 4) s'affichent plus loin et retracent ce qu'était la vie ancestrale des habitants de la région. La cinquième étape nous présente ces petites grottes, anciens garde-manger des ancêtres, avant d'achever la visite par la maison traditionnelle présentée un peu plus haut dans cet article.

Le terme Toconao signifie « lieu de pierres » en langue kunza. D'après de récentes études, l'homme y aurait été aperçu pour la première fois il y a plus de 12000 ans, d'après des restes humains qui furent retrouvés sur place. De nos jours, le village compte près de mille habitants indigènes pour la plupart et principalement Atacamènes. L'originalité de Toconao, qui est par ailleurs rattaché administrativement à la commune de San Pedro de Atacama, est l'autogestion du village par la communauté elle-même. Je rends visite au siège de cette communauté locale pour en apprendre davantage et j'apprends que les communautés indigènes chiliennes (dont celle de Toconao) profitèrent de la promulgation de la loi indigène chilienne N°19.253 de 1993 pour s'organiser en communautés auto-gérées. Cette loi, qui donnera lieu à un long débat de deux ans, reconnaitra que les Indigènes chiliens sont les descendants de groupes vivant sur le territoire national depuis les époques précolombiennes et qu'à ce titre, ils ont le droit de conserver leurs caractéristiques ethniques et culturelles qui leur sont propres, à commencer par leurs terres.

L'employé rencontré au siège de l'association communautaire ouvre pour nous un registre fort instructif qui apporte de nombreuses informations sur la composition de cette communauté : la communauté de Toconao fut créée le 12 août 1995, par 497 habitants de l'époque (294 femmes et 203 hommes). Le village possédait alors 187 maisons. En 2002, un recensement montrait que 76% de la population était constituée par des indigènes (dont une majorité d'hommes). Ce même recensement nous enseigne que le taux d'analphabétisation s'élevait alors à 17% de la population âgée de plus de cinq ans, avec une majorité de femmes ne sachant pas lire ni écrire.

J'apprendrai lors de cette entrevue que la communauté villageoise tire ses ressources des recettes découlant du tourisme et de taxes versées par les entreprises privées. Les habitants disposent comme ailleurs d'une caserne de pompiers, et d'un cabinet médical disponible à tout moment (grâce à la présence de deux ambulanciers, dont un est rémunéré par le village lui-même). Les patients peuvent ainsi y effectuer soins dentaires et traitements médicaux divers avec l'aide d'une infirmière urgentiste. Le centre dispose enfin d'une salle de stérilisation et d'une salle d'opération.

Toconao dispose d'un excellent réseau d'eau potable, et d'un bon réseau électrique. La même communauté offre à ses habitants deux centres sportifs, dont un terrain de football. Ici, la plupart des habitants de plus de quinze ans occupent un emploi rémunéré alors que les femmes se consacrent dans leur grande majorité aux tâches ménagères. La population locale masculine travaille principalement dans les mines et dans la construction tandis que les femmes, elles, occupent des emplois hôteliers, dans le commerce ou dans l'enseignement.

Que de chemin parcouru par ce peuple depuis l'époque où les Indiens Atacamas (ou atacamènes pour le Chili) s'auto-dénommaient Lickan-antay dans la langue qui était la leur, le kunza (qui peut se traduire par « habitants du territoire »). Les indigènes d'aujourd'hui sont donc les descendants de cette ethnie indigène d'Amérique du Sud qui habita jadis l'intérieur du désert d'Atacama depuis les environs de la rivière Loa jusqu'à Copiapo, plus au sud.

A notre sortie de la communauté de Toconao, Jean-Sébastien et moi nous dirigeons vers la place du village : là se dresse la petite église de Saint Luc (ci-dessous) qui fut édifiée dans les années 1740. Il nous sera impossible d'y entrer car l'édifice religieux a beaucoup souffert des dernières pluies diluviennes avec la chute d'une partie de son toit. Il faut en effet savoir que cette région souffre directement du changement des conditions climatiques depuis trois ans environ car il y pleut intensément et cette pluie dissout la boue qui constitue le matériau principal des toitures dans une région où il ne pleuvait jamais jusqu'à présent. Juste en face, s'élève le clocher qui fut construit en 1750 (deuxième photo). Sur cette même place, sont installés des artisans qui tricotent pulls, bonnets et gants andins en se servant d'épines de cactus, comme le veut la tradition.Encore une histoire qui ne manque pas de piquant !


INFOS PRATIQUES :

  • Quebrada de Jerez, à la sortie de Toconao. Entrée : 1500 pesos par personne

 



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