Revoir le globe
Top


Lagune Inca Coya, Chiu Chiu et Lasana
(Région d'Antofagasta, Chili)
Heure locale

 

Mardi 26 février 2019

 

Toujours à la découverte de l'intérieur du nord chilien, nous partons ce matin pour visiter trois lieux d'intérêt culturel et touristique : la lagune Inca Coya, Chiu Chiu et Lasana.

Située au milieu de nulle part, la lagune Inca Coya (appelée aussi lagune de Chiu Chiu) est de forme ovale et a une superficie d' 1,30 hectare. Elle a la particularité de posséder une eau salée et d'abriter une faune et une flore habituées aux terrains secs. Personne n'est en mesure d'expliquer la présence de cette lagune, pas même les scientifiques, qui affirment que celle-ci est alimentée en eau souterraine provenant de la rivière Loa à travers des nappes d'eau présentes dans le sous-sol, elles-mêmes en contact avec un autre cours d'eau voisin, la rivière salée. Certains habitants prétendent même que cette lagune n'a pas de fond... une idée liée à une légende qui court à propos de cette lagune : il était une fois Colque-Coillur, la plus séduisante des princesses et des reines de l'empire inca, qui surprenait son entourage par sa douceur et sa candeur, au point de séduire un jour Atahualpa Yupanqui lors de son passage à Chiu Chiu. De cette rencontre naquit un enfant. Mais un jour, Atahualpa Yupanqui trahit la jeune femme et celle-ci s'enfonça dans les eaux de la lagune avec son enfant et personne n'entendit jamais plus parler d'elle. Des nageurs expérimentés tenteront de la retrouver, en vain, concluant que la lagune n'avait pas de fond. De cette histoire, fut plus tard tiré le nom de l'endroit : Inca Coya signifie en effet « l'épouse de l'Inca » ou « le bébé de l'Inca ». L'endroit fut aussi exploré à une époque par le Commandant Cousteau en personne et son équipe.

Cinq kilomètres seulement nous séparent de Chiu Chiu, la ville mythique dont les terres riches attirèrent très tôt les peuplades de chasseurs-cueilleurs qui finiront par s'installer sur place, mille ans avant l'ère chrétienne. Puis, le site sera fortifié et deviendra le lieu d'échanges intenses comme en témoignent des fouilles archéologiques. Celles-ci permirent de mettre à jour mollusques marins (qui étaient alors échangés avec les Changos, peuplades côtières) et plumes d'oiseaux brésiliens.

Le fameux chemin de l'Inca passait aussi par Chiu Chiu. Les Espagnols s'arrêteront ici en 1536, érigeront la cité d'Atacama la Chica, futur Chiu Chiu, puis élèveront une paroisse dépendant de Sucre (capitale actuelle de la Bolivie) en 1611. Plus tard, Chiu Chiu profitera également de sa proximité de la route reliant Potosi à Cobija, jusqu'à devenir à cette époque plus important que Calama avant que cette dernière ville ne détrône à son tour Chiu Chiu grâce à la production de salpêtre et à la présence du chemin de fer, entrainant l'exode progressif des habitants de Chiu Chiu vers Calama. Aujourd'hui, le village n'abrite que quelques 300 âmes mais a su conserver tout son charme, même si ses rues ressemblent davantage à de grossières pistes de terre.

Jean-Sébastien et moi nous garons près de l'église Saint François (ci-dessous), un véritable chef d'oeuvre qui est désormais la plus vieille église chilienne. Bâti en 1540 par les Indigènes avec des pierres récupérées d'une forteresse, cet édifice, devenu depuis monument national, est fait d'adobe, un mélange d'argile et de paille finement hachée, le tout mélangé à de l'eau. L'ensemble offre des murs épais (1m20) tandis que le toit, lui, est composé de bois de cactus, tout comme d'ailleurs le superbe portail de l'entrée, réalisé à l'aide de planches de bois de cactus reliées entre elles par des lanières de cuir. L'intérieur de l'église abrite divers objets dont des scènes du chemin de croix agrémentées de bougies (troisième photo). Autres curiosités : un tableau représentant la Passion du Christ et une croix avec bras repliables pour un meilleur transport. On célèbre ici Saint François d'Assise chaque 4 octobre à travers une fête paroissiale d'envergure.

Troisième et dernière étape de notre étape : la pucara de Lasana, petite localité nichée au creux de la vallée du même nom, vallée enclavée dans le canyon de la rivière Loa, à 40 km de Calama. Ce noyau de population millénaire, descendant de la culture lickanantaï, s'est consacré à l'élevage et à l'agriculture des siècles durant et conserve encore de nos jours ses propres traditions ancestrales. Le minuscule musée du site archéologique de la pukara offre de voir des trésors d'époques diverses et est presque un préalable à la visite des ruines dans la mesure où il explique comment vivaient les gens autrefois dans cette vallée encaissée.

L'histoire de Lasana débuta 2000 ans avant JC à une époque ou les chasseurs-cueilleurs et les gardiens de troupeaux passaient par la rivière Loa entre Kalina et Chiu Chiu. Alors que la construction de la pucara (forteresse) débutait vers 400 ans avant JC, les Atacamènes présents sur place menaient une vie sédentaire. Et Lasana d'atteindre son apogée huit siècles plus tard. Plus tard, l'influence inca s'imposera progressivement et le chemin de l'Inca passera juste devant la pucara, sur le versant ouest de la vallée de Lasana. Des fouilles plus tardives permettront aussi de retrouver des débris de céramiques et d'attester de la présence des Espagnols sur le site.

A partir de 1616, Lasana tiendra un registre civil mentionnant baptêmes, mariages et enterrements. Et le village de compter 103 habitants en 1952. Trois décennies plus tard, Lasana prendra conscience de sa valeur touristique mais la modernisation des infrastructures ne commencera réellement qu'en 2000. Et la pucara de Lasana d'être classée monument historique national en 1982. Cette forteresse précolombienne construite au 12è siècle sera une création du peuple atacamène (de langue lickanantaï, signifiant « habitants d'un territoire ») qui vivait déjà dans le désert d'Atacama. Ces Atacamènes abritaient leurs peuples derrière des murailles de pierre, de véritables forteresses appelées « pucaras », et excellaient dans l'art de la céramique et l'artisanat. Ils furent aussi les premiers à utiliser le cuivre (extrait à Chuquicamata) et l'or (d'Incahuasi). Les traces de leur passage sont encore nombreuses et leur population avait atteint les 4000 individus au moment de l'arrivée des Espagnols.

Des restes de poterie attestent d'un certain savoir-faire de cette population qui pratiquait l'agriculture en cultivant le maïs, la pomme de terre et le quinoa. Au 15è siècle, les Incas arriveront sur place en imposant à cette population de nouvelles traditions.

La pucara de Lasana comprenait plusieurs quartiers : des pièces étaient réservées au logement des occupants, d'autres servaient à entreposer les vivres ou à d'autres fonctions. Le Suisse Roberto Montandon Paillard, à la fois agronome, chercheur, archéologue, historien et photographe jouera un rôle important dans la mise en valeur de l'ancienne forteresse, en détaillant les détails architecturaux de la pucara. Notre homme reconnaissait que cette construction s'intégrait parfaitement au milieu naturel notamment par son absence de symbolisme et de monumentalité. Pour lui, ces ruines sont révélatrices d'un concept réfléchi de la cité, avec sos système organisationnel, fonctionnel et défensif. La pucara de Lasana est pour lui un lieu de vie défensif, avec ses maisons blotties les unes contre les autres, dont celle du chamane, que nous fera visiter notre guide. Le génie de conception de cette demeure se retrouve également dans les fenêtres, placées d'après les solstices d'été et d'hiver de manière à laisser entrer le soleil. La construction était enfin adaptée au terrain accidenté du relief. Pour conclure sur le concept d'une « architecture primitive », toujours selon Roberto Montandon Pailard. L'historien chilien, Eugenio Pereira Salas, considérait pour sa part cette pucara comme l'édifice le plus ancien du Chili.

En ce qui nous concerne, nous aurons droit à une visite privée avec Jonathan qui nous montrera plusieurs pétroglyphes (comme sur la photo ci-dessous) représentant tantôt le chamane, tantôt des chevaux ou des ânes. Un art rupestre qu'on retrouve tout au long de la vallée de Lasana.

INFOS PRATIQUES :

  • L'église Saint François de Chiu Chiu est ouverte au public du mardi au dimanche, de 9h00 à 13h00 et de 14h00 à 17h00. Il est interdit de prendre des photos avec flash dans l'église.
  • Restaurant Inka Coya (à deux minutes à pied de l'église). Tél : 997 397 931. Bonne cuisine, service rapide et spécialités de jus de fruits.

  • Pucara de Lasana, à Lasana. Ouverte tous les jours de 10h30 à 18h00. Entrée adulte : 2000 pesos. L'endroit offre de visiter un petit musée qui raconte la vie et l'histoire des habitants de Lasana, puis les ruines de la forteresse (pukara) en compagnie du guide Jonathan Galleguillos. La principale difficulté est de trouver la route menant jusqu'à Lasana. Le GPS TomTom n'indique pas la pucara et mieux vaut utiliser l'application Maps.me, plus précise. Lasana est desservi par la B175, minuscule route longeant la vallée de Lasana sur plusieurs kilomètres.

  • Absence de panneaux d'information dans la pucara de Lasana: la plupart du temps, les touristes visitent ce site en groupes, avec leur guide.

  • Communauté atacamène de Lasana, Valle de Lasana s/n- Calama. Tél : 9 75 32 65 04








Retour aux reportages







Qui Suis Je - Reportages - Médiathèque - Calendrier - Pays - La lettre - Contact
Site réalisé par Kevin LABECOT
Disclaimer - Version mobile