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Dargaville
(Nouvelle-Zélande)
Heure locale

Lundi 29 avril 2019

 

Il était une fois Dargaville, une cité d'exception dans la pointe nord de l'Île du Nord de la Nouvelle-Zélande, unique en son genre par le talent de ses habitants. Pêle-mêle, citons Rick Taylor, le Mr « Kauri » néo-zélandais, Emma Powell, la suffragette qui décrocha le droit de vote pour les femmes de ce pays, Jean Chitt, la collectionneuse de dés à coudre, Joseph McMullen, le fougueux fondateur de la petite ville, James Barbour le constructeur de bateaux ou plus récemment, le fameux Ernie, producteur de kumara et artiste à ses heures. Après cela, comment ne pas avoir la « patate (douce) » ?

 

C'est tôt que je prends la route ce matin en direction de Dargaville. J'ai bien fait d'ouvrir un compte sur internet pour le règlement des péages électroniques car j'emprunterai un tronçon d'autoroute sur mon chemin. Située le long de la rivière Wairoa, Dargaville, dont le nom me semblait d'origine française possède en fait de nombreux descendants originaires d'Irlande et de ...Croatie. Ce qui a retenu mon attention est le fait que la petite ville soit la capitale néo-zélandaise de la ...patate douce. Possiblement d'Amérique centrale, ce légume est chargé de bien des mystères et est souvent confondu avec la pomme de terre. Sa tubercule fut rapportée en Europe par Christophe Colomb alors qu'on la cultivait déjà en Amérique tropicale et en Polynésie, région du globe où les Maoris lui donnèrent le nom de Kumara, un terme provenant du mot quechua, langue du plateau andin d'Amérique de Sud (Kumar). Chose intéressante, les espèces de patates douces de couleur pourpre cultivées en Nouvelle-Zélande contiennent de fortes quantités d'anthocyanines qui leur donnent des couleurs, mais qui renferment également des antioxydants plus efficaces que la vitamine C2, le choux rouge, la baie de sureau, le maïs pourpre ou les extraits de pelure de raisin.

Je ne rencontrerai pas cette fois Ernie, l'heureux producteur de cette plante de jouvence (il cultive 95% de la production de ce légume dans ce pays!) mais pourrai quand même visiter Kumara Box : non seulement notre homme cultive la patate douce, mais il propose aussi des attractions dont un spectacle de soixante minutes (plus une promenade de 30 minutes en petit train à travers son exploitation). Je découvrirai au passage qu'Ernie accueille également de longue date les Backpackers du monde entier, planisphère à l'appui. Que voulez-vous, quand on aime les gens, on ne se refait pas. Ernie a aussi la passion des coquillages et présente sa collection dans une salle réservée à cet usage. Jamais à court d'imagination, Notre homme décida de bâtir, il y a neuf ans, la plus petite chapelle de Nouvelle-Zélande, à l'aide de bois de kauri des marais datant d'il y a ...38000 ans ! (datation au carbone 14 pour preuve). L'endroit ne possédant que deux bancs, inutile de rappliquer avec toute la famille, ça ne rentrera pas. Par contre les couples souhaitant s'y marier ou baptiser leur bébé y sont les bienvenus. La chapelle accueille enfin les personnes aimant méditer, prier ou tout simplement se recueillir. Un livre permet d'écrire quelques mots pour ceux qui le souhaitent. Pour rappel, l'endroit célébra son premier service le 17 octobre 2010, avec le concours des différentes églises de Dargaville.


 

J'étais loin de me douter qu'en me rendant à Dargaville, j'allais me trouver tout près du port de Kaipara, l'un des plus grands ports au monde avec ses 947 km2 de surface (à marée haute). Cette superficie inclut bien entendu la portion nord de la rivière Wairoa, un cours d'eau très cher aux Maoris locaux, les Ngati Whatua, qui y puisent à la fois nourriture et spiritualité. Ce port et les cours d'eau qu'il abrite permettaient le développement d'un commerce inter-tribal, bien avant que ce lieu ne devienne le port le plus actif du pays avec le commerce du bois de kauri et du lin, des ressources qui attirèrent pionniers et explorateurs du monde entier. Me voici au musée de Dargaville, une porte ouverte sur l'histoire locale et sur les récits de la côte du kauri.

 

Je serai impressionné par la richesse de ce musée qui se décompose en trois parties : les Maoris, l'histoire maritime locale et les pionniers qui firent de la région ce qu'elle est aujourd'hui. En guise d'introduction, j'aurai droit à la projection d'un film de 15 minutes abordant la coupe du bois de kauri et sa transformation ultérieure en une foule d'objets magnifiques. Puis je déambulerai dans la première grande salle abritant des scènes reconstituées de la vie quotidienne de cette petite ville qui fut fondée par Joseph McMullen (ci-dessus), un Irlandais aventurier et fougueux. Il y installera sa famille en 1874, puis contribuera à la création du premier chemin de fer local destiné au transport du bois de kauri. Actif en politique, l'homme sera ensuite élu au parlement d'Auckland entre 1871 et 1884.

Je fais bientôt connaissance avec l'épicier, Mate Maich et son épouse derrière leur comptoir à Victoria Street en 1908. Puis, celle de l'électricien, McKay Electrical installé ici depuis 1936, et le pharmacien Drummonds installé près du bureau de poste. A chaque fois, l'histoire de chacun de ses commerçants est narrée de telle manière qu'on croirait les connaître. Le premier hôpital de la portion nord de la rivière Wairoa fut quant à lui érigé à Te Kopura en 1903. Il était temps, compte tenu du nombre élevé d'accidents sur place (dans les scieries, les transports et l'agriculture). Quant au docteur Maurice Matich, enfant du pays, il aura à faire face aux nombreux accouchements (7000 bébés naitront ainsi, dont 340 sur la seule année de 1955). Dargaville, elle, n'aura son hôpital qu'en 1954. Le bureau de Poste, avait quant à lui été installé depuis 1871 dans le commerce de Mr Michelson, jusqu'à ce qu'un édifice soit construit en 1902 à l'heure des services postaux et télégraphiques, complétés dès 1906 par l'arrivée du téléphone.

 

Grâce à son sens des affaires, Joseph Dargaville comme on l'appelait ici, mettra la main sur 171 acres de terres pour une livre l'acre en juin 1872 afin d'y ériger sa propriété, possiblement la future ville de Dargaville. En 1907, la ville traversa une passe difficile, malgré l'existence de 200 maisons et de 300 contribuables. La ville n'avait alors ni gas, ni électricité, ni tout à l’égout, ni eau courante. Quant aux rues, elle étaient éclairées avec une dizaine de lampes à pétrole et ne disposaient pas d'un système d'évacuation des eaux. Un an plus tard, Fred Day, le nouveau maire allait être élu. Quelques années auparavant, en 1883, était aussi apparue la première gazette locale « The Northern Wairoa Gazette », bientôt suivi du « Northern Advertiser » en 1888 puis du « North Auckland Times » à partir de 1904. La population a alors soif de liberté d'expression et une jeune femme néo-zélandaise originaire d'une famille de notables, Emma Powell, sera celle qui rendra possible le vote des femmes dans ce pays dès 1893. Le couple Powell, qui tiendra une boucherie à Aratapu (ci-dessous) auront onze enfants en 25 ans, dont quatre mourront en bas-âge.

 

Dans une autre salle, le musée aborde le chapitre des transports et tout particulièrement celui des liaisons maritimes : faute de disposer de routes, les habitants de la région éprouvaient les pires difficultés pour se rendre à Auckland. Le bateau présentait l'avantage de pouvoir desservir la région de Kaipara en gommant toutes ces contraintes et ce, dès 1867. Qui dit navigation, implique l'existence de phares pour guider les embarcations. Celui de Pouto verra le jour à la suite d'une pétition signée par 23 armateurs voulant attirer l'attention du gouvernement sur le péril créé par un banc de sable situé à l'entrée de Kaipara. Début 1864, un premier poste d'observation sera érigé avant que bouées et balises ne voient enfin le jour vers 1876 et en attendant la construction du phare de Pouto, lequel verra se relayer jusqu'à 83 hommes, à partir de sa date d'entrée en fonction le 7 décembre 1884.

Dans la marine, il y a ceux qui érigent des phares, et d'autres qui construisent des bateaux. C'est le cas de James Barbour qui s'installera ici vers 1875 et qui se fera très vite une réputation dans ce domaine. Décrit comme introverti et génial, notre homme construira sa première embarcation dans son propre chantier naval, une goélette baptisée « Torea ». Barbour partit un temps en Australie, puis construisit deux nouveaux bateaux à son retour en Nouvelle-Zélande en 1890 , une goélette et un bateau à vapeur, puis se lancera dans la construction de ketchs, avant de disparaître mystérieusement en mer lors de la livraison de l'un d'entre eux.


 

A Dargaville, on savait aussi s'amuser, et le Dalmatian Social Club vit le jour à la suite de l'arrivée massive d'immigrants à Auckland depuis les côtes de Dalmatie, à l'époque du boom de la gomme de kauri dans les années 1890 et 1920. Le Club des Yougoslaves de Dargaville vit d'abord le jour en 1932 et s'illustra dans la musique et dans les danses folkloriques de ce pays, suivi par le Club des Dalmatiens en 1954/55, qui affectionnait les parties de cartes et les soirées dansantes. Ce même club décidera de bâtir son propre édifice à Normandy Street grâce à des dons. Face au développement de tels clubs, Dargaville entreprit à son tour de mettre sur pied sa propre fanfare municipale en 1885. Cet ensemble, composé de 18 musiciens, élira domicile à Normandy Street dès 1922. L'orchestre cessera toutefois ses activités en 1989 face à la raréfaction de ses membres.

Cela n'empêchera pas Jean Chitty de collectionner ses dés à coudre : passionnée par cet objet, notre collectionneuse aimait à rappeler que le premier dé fut romain et était fait de bronze, au 1er siècle avant J.C. On trouva également d'autres dés en Angleterre dès le 10è siècle. Sa collection débuta le jour où un ami lui offrit trois dés, puis se poursuivit au fil des ans jusqu'à atteindre plus de 1500 dés. Il y en a de tous les types, en verre de Chine, en métal, en cuir, en caoutchouc, et en bois. On en trouve même fait avec de l'os de baleine, en corne ou en ivoire...Membre de la Guilde écossaise des dés à coudre, Jean Chitty fit don de sa collection à ce musée en 2012.

 

Au début du 19è siècle, probablement après la bataille de Te Ika a Ranguini, lors de laquelle Ngapuhi vengea la défaite de 1809 à Moremo-nui, Ngati Whatua cacha une pirogue (en photo ci-dessus) au fond d'un lac à North Head. Vers 1900, celle-ci sera retrouvée par un gardien de phare lors d'une opération de dragage mais l'homme, ne sachant qu'en faire, la laissera reposer au fond du lac. L'embarcation possédait encore une proue sculptée et une partie du poste arrière. L'ensemble recouvert de sable fut retrouvé en 1972 par la famille de Dargaville et celle de Gerald Ellott (Auckland). On découvrit alors qu'il s'agissait d'une coque de pirogue de guerre datant de l'époque bien antérieure à l'arrivée des premiers Européens dans la région, et creusée à l'aide d'outils en silex. Quand je vous disais que ce musée était exceptionnel, je ne vous menais pas en bateau...

 

INFOS PRATIQUES :

 

  • Kumara Box, 503 Pouto Road, RD1, Dargaville. Tél : 09 439 7018 et 021 109 1813. Site internet : http://kumarabox.co.nz/
  • Musée de Dargaville, Harding Park, 32 Mount Wesley Coast Road, à Dargaville. Tél : 09 439 7555. Ouvert toute l'année sauf à Noël. De novembre à mars de 9h00 à 17h00 et d'avril à octobre de 9h00 à 16h00. Entrée : 15 NZ$. Site internet : http://www.dargavillemuseum.co.nz

  • De passage à Dargaville, accordez-vous deux heures de promenade en ville pour y découvrir les secrets historiques de cette cité en 31 étapes. Procurez-vous le plan du circuit auprès de l'office du tourisme( 4, Murdoch Street, ouvert tous les jours de 9h00 à 17h00 – tél : 09 439 4975). http://www.kauriinfocentre.co.nz/











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