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Le Kauri, arbre magique
(Matakohe, Nouvelle-Zélande)
Heure locale

 

Mardi 30 avril 2019

 

Dargaville se situe sur ce qu'on appelle la côte du Kauri. Plusieurs forêts de kauris dominent en effet le paysage avec ces grands arbres rectilignes. Leur superficie s'est drastiquement réduite depuis les années 1790, même si le bois de kauri a constitué et constitue encore une précieuse matière première pour la sculpture, la confection d'objets et la construction navale.

C'est la forêt de Waipoua, dans le Northland, qui abrite les plus beaux spécimen de kauris en Nouvelle-Zélande. Il est vrai que le climat chaud local facilite la croissance de cet Agathis australis (aussi appelé kaori), conifère qui pousse au nord de la latitude 38°S dans le district septentrional de mon pays hôte. Loin d'être la plus haute des espèces, le kauri rencontré ici est celui qui fournit les plus gros troncs, et est facilement comparable par son diamètre au séquoia. L'arbre n'atteint sa taille maximale qu'au bout de...huit siècles. Et peut aussi vivre très longtemps (jusqu'à 2000 ans), pouvant même atteindre les 50 mètres de haut pour une circonférence de dix mètres. Malheureusement, la surexploitation de l'arbre ayant atteint son paroxysme entre 1870 et 1910, le kauri qui symbolise pourtant la région Nord du pays a pratiquement disparu. Il reste aux randonneurs le parc de la forêt Waipoua qui offre encore de beaux spécimens de cette arbre. Pas étonnant que les Maoris aient surnommé le plus grand kauri de Nouvelle-Zélande, Tane Mahuta (seigneur de la forêt), impressionnant qu'il est avec ses 51 mètres de haut et ses quatorze mètres de circonférence. Cet arbre exceptionnel ne se trouve qu'à cinq minutes de marche de la route et on estime son âge à 1500 ans. Ce géant-là n'est pas tout seul puisqu'on dénombre encore trois autres arbres semblables à l'intérieur de parc qui abrite par ailleurs de nombreux oiseaux dont des kiwis et près de 300 espèces d'arbres et de fougères.


 

A Dargaville, je rencontre Rick Taylor (ci-dessus), qui a à son actif quarante années de travail sur le bois de kauri. On peut facilement rencontrer « Monsieur Kauri » à son atelier-studio (dans l'office de tourisme) où il présente et vend ses réalisations. Cela fait une vingtaine d'années qu'il y possède un établi d'où il produit de superbes objets devant le public occasionnel venu pour l'observer. Alors que je le complimente sur son travail, Rick, qui ne se fait pas d'illusions sur le monde actuel me met en garde : les Chinois se mettent à plagier son travail artisanal en produisant des objets similaires à échelle industrielle. Rick, lui, ne s'en cache pas : il ne fabrique que des pièces uniques (stylos, bols anciens, plats, coffres à bijoux et sculptures. Un livre « Rick Taylor, the Kauri Man » est aussi disponible sur place et conte la fantastique existence de cet artiste de talent qui consacra une grande partie de sa vie à l'arbre magique.

Toujours à Dargaville, vécut Alfred Ernest Harding, bienfaiteur du parc du même nom qui abrite le musée de la ville. Son père, John Harding, s'en vint d'Hawkes Bay en 1877 et fit l'acquisition de 40000 acres de terres dont une partie renfermait des marécages peuplés de kauris, à une époque où nul ne se doutait encore de la valeur de ces trésors enfouis sous la vase. John confia d'abord à deux de ses fils, William et Edwin, le soin de mettre en valeur ces terres en y élevant des moutons, mais les deux jeunes hommes tombèrent malades. Alfred et son frère Maurice reprendront l'affaire, et Alfred, particulièrement doué pour le commerce saura tirer profit des opportunités qu'offrait la gomme de kauri en vendant à 300 prospecteurs des permis de creuser le sol pour y trouver la précieuse résine. En ce temps-là, cette source de revenus rapportait gros dans ce pays. Une fois remontée à la surface, la résine de kauri filait au magasin de Mangawhare pour y être vendue sous les bons auspices des Harding, puis les ouvriers (tantôt des jeunes hommes célibataires vivant jusqu'à huit dans des cabanes, tantôt des pères de famille qui vivaient sur place avec femmes et enfants) recevaient des vivres en échange.


 

Le musée de Dargaville consacre une galerie entière à l'arbre kauri et l'on peut voir sur place un moteur Blackstone, une cabane (unique lieu de vie des prospecteurs) et de nombreuses photos en noir et blanc retraçant l'exploitation forestière de l'Agathis australis.

J'en apprendrai cependant davantage en me rendant au musée du kauri de Matakohe, à quarante kilomètres environ de Dargaville. C'est à Mervyn Sterling que l'on doit l'existence du Musée du pionnier & du kauri d'Otamatea, ou Musée du Kauri. En observant de plus près le plan qui m'est remis à l'entrée, je découvrirai que la vaste propriété abrite non seulement des salles consacrées au kauri (scierie, transport du bois, collections de gommes de kauri, exposition d'objets en bois de kauri...) mais aussi une maison de pionnier reconstituée, une pension de famille, sans parler du bureau de Poste, d'une église de pionniers, et d'une école néo-zélandaise authentique. Il est évident qu'on peut passer des heures à découvrir toujours plus de choses de galerie en galerie, tant ce musée est riche. Pour ma part, je me concentrerai cette fois sur ce qui touche au kauri et y apprendrai que ce conifère est l'arbre le plus grand et le plus célèbre originaire de Nouvelle-Zélande. Et le kauri de s'épanouir dans des sous-bois denses et luxuriants, entouré des sous-étages de petits arbres d'arbustes, de fougères, de mousses, de lichens et de lianes.

Les ancêtres du kauri sont apparus pour la première fois sur terre à l'époque jurassique, il y a 135 à 190 millions d'années. Et les forêts de kauris feuillus de compter parmi les plus anciennes au monde. Jeune, cet arbre a la forme d'un cône et ses branches poussent le long du tronc. Au fur et à mesure qu'il gagne en hauteur, il perd ses branches les plus basses pendant que les branches supérieures se développent pour se déployer sous la forme d'un houppier massif se détachant au-dessus des autres arbres pour dominer la forêt. Quant au tronc, il continue de grossir jusqu'à former une immense colonne sans branches. Avec le temps, il perd son écorce sous la forme de copeaux épais de différentes tailles. Un processus qui permet au kauri de se protéger contre les épiphytes. La reproduction a lieu entre cônes mâles et femelles du même arbre tandis que la fertilisation des graines peut être générée par le pollen du même arbre, mais aussi d'autres arbres. Quant aux cônes femelles, il leur faudra deux ans pour arriver à maturité.

 

le kauri fournit l'un des meilleurs bois au monde, donnant de longues planches superbes, larges et sans défauts, découpées directement sur des troncs splendides. Cette matière première de premier choix trouvera vite son usage dans la construction navale (mats et espars des voiliers), la construction immobilière (maisons), la fabrication d'objets décoratifs, de meubles, de ponts, de clôtures, de moules (pour le moulage des métaux), de cuves, réservoirs et tonneaux, de traverses de rails, d'étançons de mines et...dans la réalisation de sculptures. C'est un bois parfait, à grain et sans nœuds qui est ainsi extrait du tronc. Un bois facile à travailler et à sécher et extrêmement stable, durable et résistant. Techniquement, voici le kauri en quelques chiffres : sa densité est de 560 kg/m3 (à 12% d'humidité), le module de rupture est de 88 Mpa, et celui d'élasticité de 9,1 Gpa. Comprenne qui pourra !

Quant au kauri des marais, il s'agit de bois retrouvé sous terre, provenant de forêts ensevelies à la suite de cataclysmes ayant eu lieu il y a des millions d'années. Grâce à la datation au carbone radioactif, on sait que cette période d'ensevelissement peut aller jusqu'à 50000 ans. Les rondins qui sont retirés du sol sont de qualité variable et leur apparence a changé avec le temps(offrant des nuances verdâtres et un brun foncé intense qui met en exergue l'aspect magnifique du grain)

 

Terminons cet article en mettant la « gomme » sur la résine sécrétée par l'arbre, lorsque celui-ci est endommagé ou si l'une de ses branches est cassée par le vent. Dans un souci de protection, l'arbre sécrète alors une résine qui suinte en formant une cicatrice qui empêchera l'eau ou la pourriture de pénétrer dans l'arbre. La gomme du kauri (ou résine) peut aussi former une excroissance qui se met à durcir. Or, durant sa croissance, le kauri va laisser tomber des quantités importantes d'écorce, et ce, sur plusieurs millions d'années. Ce processus naturel va ainsi produire la gomme de kauri, l'ambre de Nouvelle-Zélande. Cette gomme provient d'une part du sol, et d'autre part directement de l'arbre (accumulation de vieilles gommes dures sur les branches). Mais à quoi cette gomme-là servait-elle donc ? Les Maoris l'utilisaient pour la cuisson et l'éclairage compte tenu de ses propriétés combustibles. Et d'attirer par exemple les poissons la nuit à l'aide de torches avec cette gomme. Cette résine servait également à pigmenter les couleurs des tatouages, et était même appréciée comme chewing-gum. Les Européens s'en serviront comme vernis de haute qualité, et comme ajout dans la peinture, les revêtements de sol de type linoléum, les matériaux dentaires (moulage), les essais sur les produits pétroliers, les cires à cacheter, les bougies, et les colles utilisées dans la construction navale. Le musée du Kauri détient ainsi la plus belle collection au mode de gommes de kauri (en photo ci-dessous) avec des pièces de toute beauté.

 

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