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Le merveilleux Monde horloger d'Archibald
(Whangarei, Nouvelle-Zélande)
Heure locale

 



 

Mercredi 1er mai 2019

 

Pas de fête du Travail pour moi, ni pour les Néo-zélandais en ce premier mai. De passage à Whangarei, je décide de mettre les pendules à l'heure en visitant le musée national de l'horlogerie Claphams : notre collectionneur, Archibald Clapham, britannique de naissance, avait très tôt baigné dans le monde horloger et rêvait de créer un jour son propre musée. Ce rêve deviendra réalité une fois installé en Nouvelle-Zélande, où il possédera de son vivant jusqu'à 400 pendules avec leurs accessoires, avant de quitter ce monde et sa bonne ville de Whangarei en 1963. Soit un an après l'ouverture du musée actuel qui possède aujourd'hui près de...1400 horloges et accessoires. Etant tributaire du parcmètre, une course contre la montre m'est désormais imposée pour visiter ce lieu en un temps record !

 

Silke m'accueille à la caisse du musée alors que j'ai égaré mon stylo-bille. Difficile de prendre des notes sans stylo. Ma bienfaitrice m'en offrira un qui fera parfaitement l'affaire pour cette intrusion dans le monde du temps, constamment entrecoupé de carillons et de ding dong. Le musée n'est pas très grand mais offre un nombre impressionnant de pendules, d'horloges et de réveils variés, savamment classés par genre. Conscient que je me trouve ici devant l'une des plus riches collections d'horloges de l'hémisphère sud, je ne perds pas une minute pour m'intéresser à ce célèbre Archibald (en photo ci-dessus) qui sera si influencé par son grand-père et son pendelum oscillant. Le papa offrit un jour à son fils une boite à musique, celle-là même qui déclenchera la passion de l'enfant pour l'horlogerie. Pour Archibald, rien n'est impossible, à condition de le désirer très fort. Alors qu'il vivait encore en Angleterre, le jeune homme alors âgé de 16 ans caressait une passion pour tout ce qui était mécanique, au point de bientôt construire un moteur à vapeur qu'il installera sur un petit bateau à bord duquel il promènera ses amis sur la rivière Tees. A son 21ème anniversaire, notre homme part pour la Nouvelle-Zélande, en 1903. Il s'installera avec son épouse Eva et ses quatre fils dans une petite ferme à Whareora, tout près de Whangarei, jusqu'à ce qu'un héritage familiale lui offre les moyens de démarrer sa collection d'horloges et d'envisager de créer un jour son propre musée. Créatif, Archibald mettra son talent à l'oeuvre pour agrémenter les cheminées des maisons, en les ornant d'une maquette de bateau à vapeur d'où sortait la fumée. Généreux, notre homme rachètera dans les années 1930 les terrains jouxtant les chutes d'eau de Whangarei afin d'éviter toute exploitation commerciale du site. Drôle, il laissera toujours la porte de sa maison ouverte aux visiteurs qui venaient admirer sa collection d'horloges hébergée dans le salon. Ses pendules préférées comportaient des scènes animées (un moine sonnant les cloches, un footballeur tirant un but ou des oiseaux volants...) et « Archie » poussera même un jour son sens de l'humour (anglais) jusqu'à remplacer les photos d'origine de deux horloges miroirs japonaises par la sienne (à l'âge de 20 ans!) et celle de son épouse (beaucoup plus âgée). Footballeur invétéré, il jouera d'abord au sein de l'équipe du Yorkshire avant de représenter plus tard la Nouvelle-Zélande contre l'Australie en 1904 et 1905. Bref, un homme complet.


 

Peu à peu, la passion d'Archibald pour les horloges fut reconnue en Nouvelle-Zélande et même au-delà. On l'invitera à siéger à la Société horlogère néo-zélandaise puis à exposer ses pièces de collection à travers le pays. Des bus remplis de curieux s'arrêtaient devant chez lui pour déverser leurs flots de visiteurs venus admirer ses horloges, jouer au tennis, se baigner dans la rivière voisine et se joindre à une visite guidée par Archibald en personne, à qui le reste de la famille prêtait d'ailleurs main forte les jours de forte affluence. Et la bonne humeur légendaire d'Archie de transformer souvent ces visites en une partie de rigolade agrémentée de bonnes blagues et d'histoires horlogères.

La première vitrine que je découvre (ci-dessus) représente une sélection d'horloges tirées des 400 objets de collection d'Archibald, dont certaines comptaient parmi ses horloges favorites. Comme par exemple ces horloges nouvelles qu'il aimait faire fonctionner en public. Le problème des collections, c'est que çà prend vite de la place. Et celle d'Archie avait vite envahi le salon familial à tel point que notre homme cédera le tout en 1961 à la ville de Whangarei pour une somme symbolique. Depuis, la collection initiale de 400 pièces compte désormais plus de 1300 objets, dont la plus grande partie fut apportée en Nouvelle-Zélande par des colons et des émigrants venus de Grande-Bretagne et d'Europe. Au cours des quarante dernière années, plusieurs de ces pièces furent offertes, tandis que d'autres furent rachetées à leurs propriétaires par la municipalité.


 

C'est à une visite guidée que je vous convie maintenant, en commençant par ces horloges ornementales et parfois inattendues, parmi lesquelles on trouve des pendules oscillantes. On trouve ainsi l'horloge de la dame mystérieuse, une horloge à la mode et très convoitée en Grande-Bretagne et en France, à l'époque de l'Art Nouveau (1890-1920), tout particulièrement si elle sortait de la Maison Cartier. Mon regard s'arrêtera surtout sur cette horloge miniature en laiton représentant une cathédrale (ci-dessus), œuvre de Joseph Stephens.

Viennent ensuite les boites à musique, savamment décrites dans leur mode de fonctionnement. Destinées à distraire et à amuser son détenteur, cet objet fut introduit en Europe en 1769 par Antoine Favre, un horloger suisse. Je craque personnellement sur cette boite décrivant une scène de ballet animée (ci-dessous) que Silke actionnera pour moi. Fabriquée en France dans les années 1820, cette pièce arrivera en Nouvelle-Zélande dans les bagages des tout premiers colons venus jusqu'ici. A l'origine simple boite à musique, Archibald y rajouta une horloge.


 

Le musée offre aussi d'admirer ces horloges « industrielles », des répliques de moteurs en modèle réduit, comprenant tout à la fois horloge, baromètre et thermomètre comme cette magnifique locomotive (deuxième photo ci-dessus) d'origine française et datant de 1887. Ce modèle a depuis été modifié par l'ajout d'un moteur électrique. A noter que les horlogers français étaient à l'époque considérés comme les meilleurs d'Europe. Autre curiosité : l'horloge à billes, inventée par Harley Mayenschein, aux Etats-Unis vers 1970. L'horloge est constituée de trois rampes (la plus basse symbolise les heures, celle du milieu les minutes par multiples de cinq, et celle du haut les minutes de un à quatre (https://youtu.be/A0XWvu5o6pg). Le mécanisme est fascinant.

La production d'horloges à échelle industrielle au début des années 1900 devint la règle en Europe et aux Etats-Unis, permettant ainsi au plus grand nombre l’accès à ce genre d'objet. Et les familles d'offrir une horloge aux jeunes mariés, ou lors d'un départ en retraite. Le design était alors à l'image des années d'austérité des années de guerre des peuples européens, et aussi influencé par la culture populaire et les matériaux bon marché. L'apparition du crystal à quartz en 1967 démocratisa encore davantage l'horloge sous toutes ses formes. Entre toutes, la pendule de cuisine (ci-dessous) deviendra incontournable au sein du foyer. Les timers digitaux des fours actuels remplacèrent malheureusement ce type d'horloges.


 

D'un autre style, les horloges ornementales et antiques sont de la fête et proviennent d'Allemagne, d'Autriche, de France et de Grande-Bretagne. J'ai retenu cette horloge allemande sur pied logée à l'intérieur d'un coffret viennois peint à la main (deuxième photo ci-dessus). La partie pivotante de l'horloge comporte 33 peintures émaillées, avec, pour base de l'onyx rose, une sorte de marbre. Ce chef d'oeuvre provient de Lenzkirch (Allemagne) et fut conçu vers 1860. Juste à côté s'affichent des horloges en porcelaine peinte à la main. Le corps et les mécanismes de ces pièces étaient souvent produits par plusieurs maisons et dans différents pays. Ci-dessous, une horloge Boulle (datant de 1940 et produite en Allemagne), réplique soignée de la véritable horloge du même nom, faite de laiton sur laque rouge. Cette horloge porte le nom d'André Charles Boulle, maitre en marqueterie sous Louis XIV, et fondateur de l'école Boulle de Paris spécialisée en marqueterie.


 

Avant la moitié du 18è siècle, c'est à dire le début de la Révolution industrielle, la perception du temps restait quelque peu confuse. Le milieu rural vivait au rythme de la Nature, d'après les lever et coucher du soleil. A l'exception des grands observatoires comme celui de Greenwich, les premières horloges ne disposaient que d'une aiguille indiquant les heures. Il faudra la Révolution industrielle pour que les gens changent de comportement avec l'apparition des usines (introduisant une nouvelle organisation du travail basée sur le respect des délais) qui imposèrent pour la première fois à leurs salariés les règles de la ponctualité via l'utilisation de la pointeuse. Ces mêmes règles s'imposeront également aux compagnies fluviales, au service postier et aux chemins de fer. On vit ainsi l'apparition des grilles horaires calées sur le temps universel, à savoir le méridien de Greenwich dès 1884.

Les pointeuses étaient des horloges chargées de mesurer le temps de travail des employés. Chaque salarié devait y introduire sa carte de pointage sur laquelle la machine inscrivait la date et l'heure d'arrivée. La première pendule de ce type fut mise au point par William Bundy à New-York en 1888. Suivra plus tard l'installation d'horloges sur les lieux de travail.

Et le « coucou » dans tout çà? Le musée en apporte une parfaite illustration en exposant un grand nombre de ces modèles d'horloges avec ou sans carillons, avec ou sans personnages animés. Les « horloges bouclier de la Forêt Noire » (en photo ci-dessous) occupent une place importante dans l'industrie horlogère de cette région allemande durant la période 1840-1860. Les premières horloges de ce type virent le jour au début des années 1700, et étaient d'abord fabriquées en bois, les pièces métalliques n'apparaissant que plus tard. Le format carré ne verra le jour qu'après 1770 et sera peint à la main selon la méthode traditionnelle Bauermalerei, une peinture laquée décorative avec motifs floraux.

 

L'exposition me permet d'admirer également plusieurs pendules en bronze doré (ormolu clocks). Le terme ormolu provenant du français « moulu » (or moulu). Ces pendules qui offrent en effet une jolie couleur dorée verdâtre restent très rares car la production de telles pièces fut stoppée après les années 1830, compte tenu des couts onéreux et des risques de toxicité sur la santé des ouvriers. Avant 1830, les horloges en bronze étaient cuites dans un four, en utilisant une solution de nitrate de mercure mélangée à un amalgame d'or et de mercure. Le tout était mis au four jusqu'à ce que le mercure ne brûle complètement en ne laissant que l'or recouvrant le métal. Là encore, les effluves de mercure qui se dégageaient lors de la combustion étaient hautement toxiques. La pendule en bronze ciselé (ci-dessous) fut réalisée par la maison française Japy Frères entre 1800 et 1810 selon le procédé de dorure avec mercure.


 

De l'autre côté de l'Atlantique, aux Etats-Unis, eut lieu une nouvelle révolution dès le début des années 1800, celle de la production de masse des pendules. Après la guerre d'Indépendance, le pays dut faire face simultanément à une pénurie de matière première et à une forte demande de petites horloges. Des horlogers du Connecticut, originaires d'Angleterre, d'Allemagne ou des Pays-Bas pour la plupart, mirent leur savoir-faire en commun pour répondre à cette demande en mettant au point des mouvements horlogers industriels, moins chers (4 US$) que leurs prédécesseurs faits main (40 US$). La révolution horlogère était en marche, et s'étendit à travers le monde, y compris en Nouvelle-Zélande où les premiers modèles de cette technologie ne tardèrent pas à débarquer avec les émigrants issus d'Angleterre et de France. Ann et Joseph Grant furent de ces émigrants anglais qui atteignirent ce pays à bord du bateau « Cadeceus » en 1864, avec une pendule américaine en pièces détachées dans leurs bagages. Maintenus plus de temps que prévu à bord du navire dans le port d'Auckland, un de leurs amis en profitera pour assembler le précieux objet que Joseph Grant avait préféré garder sur lui, jusqu'à Wharehine, leur destination finale. Un exemple de pendule américaine de ce type nous est présenté ci-dessous. Cette pendule fut créée dans le Connecticut (Etats-Unis) par Jerome & Co vers 1860.


 

Les horloges et instruments de marine occupent bien sûr une place prépondérante au musée Claphams. Ces horloges furent mises au point pour remplacer les coups sonnés manuellement toutes les demi-heures, à l'aide d'une cloche, afin de rythmer les tours de garde. L'horloge-baromètre ci-dessous fut fabriquée en Allemagne vers 1900. Logée dans un coffret en bois de chêne, l'objet fut trouvé sur une plage du Far North (Nouvelle-Zélande) en 1980 et semble avoir été récupéré sur une épave. Après avoir été nettoyée, polie et restaurée, cette horloge a encore fière allure.

Les chronomètres, aussi appelés « montres de bateau » sont des instruments de précision servant à déterminer la longitude à partir des astres. Certes, le GPS a aujourd'hui remplacé ces beaux objets mais le musée en présente un certain nombre comme celui ci-dessous (deuxième photo), un chronomètre de marin de la maison suisse Ulysse Jardine Locle, fabriqué vers 1900.


 

Me croirez-vous si je vous dis que je suis pris par le temps et qu'il faut écourter cette visite ? Le musée Claphams offre bien des surprises aux visiteurs curieux d'en apprendre plus sur le merveilleux monde horloger d'Archibald.

Il fait un temps magnifique et le port de Whangarei m'ouvre les bras (ci-dessous). Et le pont de la canopée m'offre une vue imprenable sur les bateaux mouillant à Town Basin. Ce quartier, qui se prête à la promenade et à la relaxation, offre cafés, restaurants et galeries d'art. De l'autre côté de la place, se dresse la Reyburn House (deuxième photo ci-dessous), demeure coloniale historique comptant parmi les plus anciennes maisons de la ville. Celle-ci, construite dans les années 1870, abrite aussi une galerie d'art.

Un petit tour par les chutes d'eau de Whangarei (troisième photo), qui, parait-il font la fierté des habitants, achèvera cette visite. Nichées dans le parc A H Reed Memorial, ces chutes tombent d'une large falaise de 26 mètres de haut, et sont considérées comme les cascades les plus photogéniques de Nouvelle-Zélande. Ce rideau d'eau est idéal pour s'y tremper lors des fortes chaleurs estivales. En contrebas, on trouve une petite plage où l'on peut pique-niquer à proximité d'une piscine naturelle. Les chutes sont alimentées par la rivière Hatea, au sein d'une région connue sous le nom de « Otuihau » par les Maoris, suggérant l'existence de tourbillons au pied des chutes. Ce cours d'eau abritait jadis anguilles et écrevisses d'eau douce qui étaient couramment pêchés par les locaux. Comme je l'écris plus haut, Archibald Chaphams fit l'acquisition des terres alentour à la fin des années 1920 afin d'empêcher l'installation d'un moulin à eau sur le site. En 1946, un homme d'affaire organisera une souscription qui permettra de récupérer ces terres tombées depuis dans le domaine public.


 

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