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Le Cap Reinga
(Northland, Nouvelle-Zélande)
Heure locale

 

Vendredi 3 mai 2019

 

C'est dans un coin « d'enfers » que je vous emmène cette fois : en maori, le terme Reinga signifie en effet « les Enfers », mais aussi « le lieu du grand saut de départ des esprits ». Considéré comme l'extrême nord de l'Île du Nord, le cap Reinga est particulièrement remarquable pour les courants de marée qu'il abrite, résultat de la rencontre de la mer de Tasman et de l'océan Pacifique, mais aussi pour la vue imprenable qui est offerte sur les environs.

Je quitte mon camping à 7h30 ce matin en direction du cap Reinga. La météo se s'annonce pas forcément favorable aujourd'hui d'après ce qui a été annoncé et je ne voudrais pas arriver trop tard sur place. Je devrai parcourir une centaine de kilomètres sur une route la plupart du temps sinueuse, mais goudronnée et de bonne qualité. Je traverserai ains de bas en haut ce qu'on appelle ici la « Péninsule d'Aupouri », une longue bande de terre formant l'extrême nord de l'Île du Nord de la Nouvelle-Zélande (ou Northland) étant délimitée à l'ouest par la mer de Tasman et à l'est par l'océan Pacifique. Le terme « Aupouri » provient quant à lui du nom d'un des peuples Maori qui habitait jadis l'endroit.


 

La caractéristique la plus remarquable de cette péninsule se trouve sur la côte ouest : la plage qu'on surnomme ici celle des 90 miles (Ninety Mile Beach) ne mesure en fait (que) 88 kilomètres. Celle-ci commence au niveau de Reef Point (tout près de la baie d'Ahipara) pour finir à Scott Point (5 km avant le cap Maria Van Diemen). Sur ma route pour le cap Reinga, un panneau m'indique que la fameuse plage se trouve à dix kilomètres. Je m'engage donc sur une petite route qui se transformera un kilomètre plus tard en une piste plus rude. Au bout du chemin, j'arriverai quelques minutes plus tard au bord de la plage, ne sachant alors où garer mon encombrant véhicule. C'est alors que j'aperçois un homme, un vague sosie de l'acteur Jean-Pierre Marielle, qui vient vers moi, s'apprêtant de toute évidence à partir pour une promenade. Et de lui demander s'il était possible de se garer quelque part, et ailleurs que sur la plage (mon contrat d'assurance m'interdit de rouler sur cette plage avec le camping-car, car le sol, souvent dur, change de consistance et selon les marées selon les dires de Paul qui semble bien connaître le coin). Paul (c'est le nom de l'homme en question) m'invite à me garer chez lui, à savoir dans l'enceinte de son camping, Utea Park (voir les infos pratiques). Grâce à Tania, la femme de Paul, dont je ferai la connaissance à mon retour de la plage, j'apprendrai qu'Utea Park est un lieu d'hébergement particulièrement écologique car il tire son énergie du soleil et l'eau courante est distribuée par gravité. On vient avant tout ici pour se reposer et retrouver le contact avec la Nature.

 

En 1932, la plage en question était utilisée comme piste d'atterrissage pour les avions livrant le courrier entre l'Australie et la Nouvelle-Zélande. Malgré les risques d'enlisement, cette plage est apparemment répertoriée comme axe de circulation alternatif (en cas d'inondation ou de glissement de terrain sur la Highway 1 que j'emprunte aujourd'hui). Quant aux immenses dunes situées le long du littoral au niveau de Te Paki, elles sont populaires auprès des surfeurs qui viennent avec leurs planches pour faire de la glisse.

S'il y a un endroit sur terre où il y a des hauts et des bas, c'est bien ici, sur la péninsule d'Aupouri. La région est en effet parcourue d'innombrables collines. Je croiserai à plusieurs reprises des troupeaux de moutons et de bovins en train de paitre dans les champs. L'agriculture et les forêts couvrent la moitié de la surface de cette longue terre. De temps à autre, je franchirai un cous d'eau en empruntant un petit pont n'offrant qu'une voie de circulation, et imposant donc une circulation alternée. De toute façon, compte tenu de la sinuosité de la route, je dépasserai rarement la vitesse moyenne de 70 km/heure.

 

Le paysage qui défile sous mes yeux m'offre une succession de végétation qui varie selon les endroits : herbes de la pampa, forêts, prairies verdoyantes avec, parfois, des grandes dunes en arrière-plan. Et plus je monte vers le nord, plus la température augmente. Normal, puisqu'on se rapproche de l'équateur. Si j'ai du mal à me repérer par rapport à ma première visite il y a plus d'une dizaine d'années de cela, c'est parce que des aménagement ont été effectués entre temps : désormais, on gare son véhicule à bonne distance du phare et l'on emprunte un sentier aménagé offrant panneaux d'information et bancs sur toute sa longueur.

Une querelle de clocher a toujours cours pour savoir quel est l'endroit étant géographiquement le plus au nord de l'ile : le cap Reinga, le cap Maria von Diemen, Spirits Bay, ou North Cape. En fait, ce sont les falaises « Surville Cliffs », près de North Cape qui sont situées le plus au nord. Cela ne retire rien au charme du cap Reinga qui figure, depuis 2007, sur la liste des lieux éligibles au patrimoine mondial de l'UNESCO. Importante attraction touristique, l'endroit ne cesse de grimper en pourcentage de taux de fréquentation. A mon arrivée, la météo reste incertaine mais j'aurai finalement le temps de prendre mes photos avant qu'un grain ne déferle sur nous.

Plusieurs panneaux font référence aux croyances maories qui affirment que les âmes des morts vont au cap pour rejoindre l'Au-delà (ou l'eau d'ici?). En réfléchissant, on pourrait se poser la question, à cause des forts courants de marée qui se forment au point de rencontre entre la mer de Tasman et l'océan Pacifique. L'île qu'on peut apercevoir à l'horizon porte le nom de Manawa Tawhi (souffle haletant) depuis le jour où le chef local, Rauru, décida de nager jusqu'à l'Île du Nord, défiant au passage les puissants courants marins. On accordera à cet homme fort valeureux (et représentant d'un peuple maori qui occupa cet îlot jusqu'à il y a encore deux siècles) d'avoir bien mérité la dénomination de son île vu l'état de fatigue dans lequel il avait atteint l'autre rive. Quant à la croyance maorie, elle interprète les courants marins comme la rencontre de la mer « mâle » (Te Moana Tapokopoko a Tawhaki) avec la mer « femelle » (Te Tal o Whitirela). Les tourbillons, eux, symbolisant la danse du waka (canoë) et représentant l'arrivée du mâle et de la femelle ainsi que la création de la vie.

 

La mythologie maorie considère que les âmes des défunts voyagent jusqu'au cap Reinga pour se rendre ensuite dans l'Au-delà, Hawaiki : cette île mythique est le refuge de tous les peuples polynésiens qui y retrouvent leur origine. Des recherches effectuées en 2001 nous ont appris que Hawaiki était en réalité un ensemble d'îles comprenant Tonga, Samoa, Wallis et Futuna, un ensemble ayant formé la société polynésienne ancestrale durant près de sept siècles, au 1er millénaire avant J.C, en partageant une culture commune et une même langue. C'est seulement au cours des premiers siècles après J.C et avec le début des migrations polynésiennes vers l'est que les différentes îles feront jouer leur droit à la différence. Quant aux Maori de Nouvelle-Zélande, ils font remonter leurs origines à des personnes venues à bord de sept embarcations (waka).

Pour se rendre dans l'Au-delà, les âmes utilisent le « Te Ara Wairua » (chemin des esprits). Ils quittent l'Île du Nord en sautant d'un arbre appelé Pohutukawa âgé de 800 ans, tournent brièvement le regard vers la grande île avant de rebrousser chemin. Pour les Maoris, le pohutukawa, connu aussi sous le nom d'arbre de Noël de Nouvelle-Zélande (à cause de ses fleurs rouges en pointes qui brillent au moment de Noël) est sacré. L'arbre en question est vénéré notamment dans la forêt ancestrale et sacrée de Whaipoua.

 

Le phare, lui, brilla pour la première fois en mai 1941. Il fut à l'époque le premier ouvrage du genre à être érigé en Nouvelle-Zélande et remplaça le signal lumineux existant près de l'île de Motuopao, au sud-ouest du cap Reinga qui remplissait ses offices depuis 1879 et qui portait le nom de phare du cap Maria van Diemen. L'accès à ce dernier étant très difficile en raison de la mer agitée, c'est en 1938 qu'on décida de déplacer ce point lumineux au cap Reinga pour des raisons de sécurité. Le système optique à lentille de Fresnel de l'île Motuopao sera réutilisé sur le nouveau phare, générant alors un éclat qui pouvait être aperçu jusqu'à 48 km au large. Aujourd'hui, l'éclat du phare du cap Reinga est toujours le premier que les marins aperçoivent, qu'ils proviennent de la mer de Tasman ou de l'océan Pacifique nord. L'ouvrage, une tour octogonale en béton, mesure dix mètres de haut et se dresse à 165 mètres au-dessus du niveau de la mer. Il est surmonté d'un dôme de couleur noire qui abrite la lanterne. Son éclat est visible toutes les douze secondes et peut être observé jusqu'à 35 kilomètres. La lampe du phare, de 50 watt, est alimentée par une batterie elle-même fournie en électricité par des panneaux solaires installés sur l'ouvrage. Jusqu'à l'an 2000, on utilisait encore une lampe de mille watt alimentée par un moteur diesel. Le phare, lui, fut entièrement automatisé dès 1987 et le gardien qui y séjournait jusqu'alors fut retiré. Il est depuis géré à distance depuis une salle de contrôle de la Marine néo-zélandaise de Wellington.

INFOS PRATIQUES :

 

 



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