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Il était une fois Darling
(Province du Cap-Occidental, Afrique du Sud)
Heure locale

 

Mercredi 6 novembre 2019

 

Le temps imprévisible qui s'annonce ce matin me pousse à me rendre au musée de Darling avant de partir pour Langebaan. A l'abri des pluies intermittentes qui tombent aujourd'hui, j'aurai au moins tout le loisir de me pencher sur l'histoire de ce petit village mais aussi de la région où il se trouve : celle-ci, porte alors le nom de Groenkloof depuis 1682, date à laquelle le porte-étendard Oloff Bergh, pionnier et explorateur, entreprend de partir à la découverte du nord du pays en traversant les immenses dunes de la côte ouest. Cet endroit avait été occupé par la Compagnie hollandaise des Indes orientales qui y faisait paitre ses troupeaux et se fournissait sur place en produits frais pour les équipages de sa flotte. Là se trouvaient également des salières qui fournissaient le meilleur sel, le plus propre et le plus fin du genre de toutes les colonies d'alors. Les habitants de Groenkloof étaient alors rattachés à la congrégation du Swartland, qui prendra forme en 1745. Un siècle plus tard, plus d'une centaine d'habitants du Groenkloof adressait une lettre à l'évêché du Swartland pour obtenir l'autorisation de créer leur propre église.

 

Au début du 18è, seuls 29 éleveurs de bétail occupaient des fermes dans cette région de Groenkloof, dont 19 étaient des bouchers sous contrat avec l'Etat. La ferme Langfontein était l'une de ces exploitations. Date historique pour Darling, celle du 12 février 1853, jour où des investisseurs rachetèrent la fameuse ferme pour en faire un village avec son église, au prix incroyable de ...1250£. Et le nouveau village de prendre aussitôt le nom de Charles-Henry Darling, devenu Lieutenant-gouverneur du Cap deux ans plus tôt. Déjà à cette époque, les vastes prairies recouvertes de fleurs sauvages au printemps faisaient leur effet, au point que Madame Suzanne Malan, femme du prédicateur, et Monsieur Frederick Duckitt, originaire de Waylands, créeront en 1915 la Darling Wildflowers Society, laquelle organisera son premier festival deux ans plus tard. Depuis lors, le succès de cette fête ne s'est jamais démenti.

On connaissait alors Darwing pour ses jeux populaires, ses fleurs, son sel et son beurre. Côté beurre, deux Suédois, Nils Georg Moller et G. Threnstrom comprirent très vite comment ils pourraient faire le leur et s'établirent au village pour y fonder leur propre crèmerie, en 1899. Sept ans plus tard, l'affaire avait pris tant d'importance que nos deux compères n'arrivèrent plus à gérer seuls une entreprise d'une telle envergure et confièrent celle-ci aux fermiers eux-mêmes qui créèrent pour l'occasion une corporation. Une nouvelle crèmerie sortira de terre en 1914, puis une usine moderne sera construite à Paarden Eiland en 1950. De là allait naitre l'actuel musée de la ville, qui, dans un premier temps, aura tout simplement pour mission de perpétuer la tradition crémière de Darling.

 

C'est à l'intérieur d'un bâtiment symbolique que le musée finira par s'installer, je veux bien sûr parler de l'ancienne mairie (en photo ci-dessous). J'étais loin de me douter que nous devions la construction de cet édifice à des dames habitant le village dans les années 1890, qui, ayant créé un atelier de lecture et un théâtre, déploraient l'absence d'un lieu décent de répétition. Et de former, avec l'appui des fermiers et autres entrepreneurs locaux, un comité réclamant la construction d'une mairie, laquelle verra le jour en 1899 grâce à un prêt de 600£ du conseil d'administration, prêt qui ne sera d'ailleurs remboursé que cinquante années plus tard par la municipalité. La mairie sera utilisée pour accueillir les comités littéraires et les concerts mais également les mariages et les spectacles scolaires...C'est là que se tiendra en 1917 l'ouverture de la première fête des fleurs sauvages, puis les bals annuels organisés par les investisseurs histoire de récupérer des fonds plus tard affectés au remboursement de la dette. Dans les années 1920- début 1930, l'endroit servira même de cinéma chaque samedi soir, pour y projeter Tarzan, Mickey Mouse, ou Popeye et Olive.


 

On ne le sait pas forcément mais le musée de Darling est une création de l'Association des agricultrices locales qui souhaitaient inscrire dans le temps l'histoire de l'industrie laitière et plus particulièrement la production du beurre. En 1978, le mot d'ordre de ladite association n'était-il pas « Observe and Preserve » (Observez et conservez) ? Et Madame Baby Basson de suggérer alors une collecte d'articles de journaux et une recherche historique approfondie de tout ce qui touchait à la crèmerie suédoise érigée en 1899. Et d'ouvrir le Musée du Beurre le 27 septembre 1978, d'abord à l'intérieur des bâtiments de la célèbre crèmerie, puis, dix ans plus tard, dans l'ancienne mairie. Il faut dire que cette crèmerie était l'une des trois plus grandes du genre dans la région ouest du Cap. Le beurre local était produit à partir du lait de vaches Friesland, et non des vaches Guernesey pourtant réputées comme plus productives. Cette production de beurre se poursuivra à Darling jusqu'en 1950, date à laquelle une usine de production laitière sera érigée à Paarden Eiland. Ce produit laitier ne datait pas d'hier puisqu'on produisait déjà du beurre au Cap dès 1754. Celui-ci constituera alors la première ressource financière des agriculteurs grâce aux exportations réalisées, avant d'être plus tard détrôné par la laine et les plumes d'autruches. L'importation dans ce pays des premiers séparateurs de crèmes en 1888 permettra enfin d'industrialiser cette production laitière, et de permettre l'ouverture de la première crèmerie sud-africaine, à Daggaboersnek (sur la côte Est) en 1890. Neuf années plus tard, nos deux Suédois se lançaient à leur tour dans l'aventure.

 

Ma visite matinale dans ce musée m'offre de découvrir plusieurs vitrines représentant des pièces à vivre (chambre d'enfant, cuisine, salon...) de la demeure d'antan, mais aussi les ateliers du barbier et du bottier. La famille Visser savait ce que chausser voulait dire puisqu'elle confectionnera les chaussures de plusieurs générations d'habitants du petit village. Andries Visser (aussi surnommé Bonnie) travailla avec son père qui portait le même prénom, à la ferme Kilindini, un peu en dehors de Darling, jusqu'à s'installer à Long Street en 1951 au cœur du village. Marié, il aura deux enfants, et rconsacrera une partie de la demeure familiale à son atelier et à la boutique. Le savoir-faire de Bonnie fera date, car il sera toujours présent au moment opportun pour parer aux situations les plus délicates ou pour confectionner des chaussures sur mesure. Reuben Baker, propriétaire de plusieurs hôtels à Darling, fera partie de ses meilleurs clients et expédiera régulièrement des paires de chaussures confectionnées pour sa famille vivant à l'étranger.

Une autre vitrine en impose, celle de l'épicerie (ci-dessous) General Dealers. Ce type d'établissement avait vu le jour aux 18è et 19è siècle, à un moment où l'on réclamait de plus en plus des biens importés. L'épicier, qui cernait au plus près les besoins de ses clients était en mesure de limiter ses stocks au maximum, et de maitriser ainsi ses couts pour mieux répondre aux demandes de chacun. Theodore Vollmer, toujours habillé impeccablement, sera non seulement un homme d'affaires influent de Darling mais aussi le propriétaire de l'épicerie générale du village en 1906. On trouvait de tout chez cet homme-là qui stockait un nombre important d'articles. Très aisé, Mr Vollmer possédait aussi le Oil & Plough Store (huile et outillage) et Grain Store (magasin à grains). Vingt ans plus tard, Darling comptait jusqu'à six magasins généraux pour cette seule commune. Plus modestement, Pieter Beziek sera colporteur de fruits et de légumes durant les années 1970 après avoir préalablement occupé un poste de contremaitre aux parcs et forêts sud-africains. Homme au grand cœur, il n 'hésitera jamais une seconde lorsqu'il s'agira d'aider les plus pauvres de la commune. La communauté juive, elle aussi, prendra toute sa place dans le développement économique du village durant le 20è siècle. De nombreuse familles, issues pour la plupart de Lituanie, s'illustreront dans le petit commerce, mais également comme hôteliers (Mr Barney Levy possédera le Royal Salt Pans, puis le Royal Hotel), ou comme tenanciers de magasins généraux.

 

INFOS PRATIQUES :

  • Musée de Darling, à l'angle des rues Pastorie et Hill. Tél : 022 492 3361 http://www.darlingmuseum.co.za Entrée adulte : 10 rands.
  • Merci à Dianne Le Roux pour son charmant accueil



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