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Peintures rupestres et Rochers sculptés
(Réserve naturelle de Matjiesrivier, Province du Cap-Occidental, Afrique du Sud)
Heure locale

 

Samedi 9 novembre 2019

 

C'est de la petite ville de Clanwilliam où je suis basé pour deux jours à l'intérieur de la luxueuse guest-house de Enid et de Peet, que je pars ce matin à l'assaut du massif du Cederberg. L'endroit a reçu en 1973 le statut de réserve naturelle et fait partie de la liste des parcs qui peuvent être visités librement avec la Wild card dont j'ai récemment fait l'acquisition. Le guide papier Hachette (collection VOIR) évoque bien sûr ce lieu remarquable pour ses rochers aux formes étranges, mais ne précise que partiellement qu'il faut marcher parfois de longues heures en montagne pour admirer ces merveilles. En ce qui me concerne, c'est mission impossible, car, pressé par le temps, je n'ai chaque jour que quelques heures pour visiter un endroit, en collecter le plus d'information possible puis boucler ensuite mon sujet pour le publier en ligne le lendemain matin.

 

Peet, heureux retraité depuis peu et grand voyageur comme moi se tient à la disposition des clients de la guest-house. Armé de toute une panoplie de cartes, brochures, livres et informations diverses, à en faire pâlir les offices de tourisme sud-africains, il m'apportera de précieux conseils et me proposera un itinéraire réalisable en simple berline et en quelques heures. Je me rendrai ainsi jusqu'à la réserve naturelle de Matjiesrivier, située à l'est du Cederberg pour y admirer peintures rupestres et sculptures rocheuses.

Maintenant que le programme de la journée est arrêté, le plus dur reste à faire. Il me faudra en effet parcourir en voiture 50 kilomètres de piste gravillonneuse, de plus ou moins bonne qualité selon les tronçons empruntés, en prenant bien garde de ne pas déraper car l'itinéraire comporte des portions hasardeuses, non protégées, où il est délicat de croiser un autre véhicule. La vidéo que j'ai tournée montre de jolis paysages au milieu d'une nature appartenant à l'écosystème de ce qu'on appelle le Royaume floral du Cap, aire protégée figurant sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO depuis quinze ans. Ce royaume-là, pourtant peu étendu offre pourtant une grande variété de microclimats. Ici, le temps est méditerranéen, chaud et sec en été, frais et humide en hiver. J'y observerai une végétation broussailleuse (de type fynbos, ou maquis sud-africain) plus ou moins dense selon la nature du sol. On a également relevé une richesse incroyable en ce qui concerne les espèces de plantes puisqu'on a compté 8700 espèces différentes sur place, dont 68% d'entre elles ne poussent qu'ici.


 

Je ne suis pas dérangé par les bouchons durant mon trajet car les visiteurs sont encore peu nombreux à cette heure. En revanche, et à mi-chemin de mon parcours, je rencontrerai de courageux cyclistes juchés sur des VTT qui parcourront la même piste accidentée. Chapeau ! Ce trajet me paraitra interminable, tandis que la chaleur se fera de plus en plus pesante en cours de matinée. Bientôt, j'arrive au bout de la première portion de piste et arrive à Algéria, village où se trouve le bureau de la réserve du Cederberg. Pour pouvoir pénétrer à l'intérieur de la zone protégée qui abrite peintures et grottes, il me faut un permis qui comportera entre autres le code du cadenas du portail d'entrée (à refermer impérativement derrière soi). Je présente mon laisser-passer Wild Card et on me remet un formulaire administratif. Cette réserve naturelle est gérée par l'organisme public de protection de la nature, Cap Nature. A Algéria, je profite d'un kilomètre de route étonnamment pavée, avant...de subir à nouveau la fichue piste accidentée et poussiéreuse. Mieux vaut dans ce cas être véhicule de tête que véhicule de queue, car le passage de la voiture soulève un important nuage de poussière qui réduit considérablement la visibilité. Quelques kilomètres plus loin, je franchis le col Uitkyk Pass avant de m'arrêter en bord de route pour admirer la vallée (ci-dessous). Sur ma route, je renoncerai à faire une halte à un vignoble réputé que Peet m'avait conseillé, car le temps m'était compté et de toute façon, participer à une dégustation de vins m'empêcherait ensuite de reprendre normalement le volant.


 

J'atteins bientôt le fameux portail, au moment où un couple de retraités sort du domaine réservé. J'en profite pour entrer puis referme le cadenas. Il n'y aura pas foule durant cette visite je rencontrerai tout le temps quelqu'un avec qui échanger quelques mots.

Quelques centaines de mètres plus loin, je remarque un panneau mentionnant Rock Art, et gare mon véhicule. Au même moment surgit une autre voiture que j'interpelle pour savoir où se trouvent exactement les peintures rupestres en question. Et de tomber à nouveau sur deux couples de retraités, dont un monsieur m'affirme en français être géologue. Les responsables de cette réserve ont pris soin de poser sur place un vaste panneau comportant un long texte explicatif à propos de ces œuvres.Ces peintures, datées entre 300 et 6000 années, représentent l'histoire sociale et spirituelle des hommes de la fin de l'âge de pierre, ceux-là mêmes qu'on surnomme les San , population semi-nomade qui occupait déjà le territoire de l'actuelle Afrique du Sud à l'arrivée des Européens. Chasseurs-cueilleurs, ce peuple vivait déjà ici depuis plus de 500 000 ans et commencèrent à peindre sur des rochers il y a 5000 ans.C'est la religion des San qui inspira ces compositions car ces peintures étaient réalisées par des médecins (ou shamans) possédant des pouvoirs surnaturels (comme celui de faire pleuvoir, guérir les malades...). Et ce peuple d'avoir arrêté de peindre depuis deux siècles, sans doute traumatisé par l'arrivée (durable) des Européens sur leurs terres. Les fermiers blancs s'implanteront d'abord dans la vallée de la rivière aux éléphants dans les années 1720, puis des commandos Boers (pionniers blancs d'Afrique du Sud, pour la plupart originaire des Pays-Bas) supprimeront certains San à la suite de conflits apparus lors de l'occupation de leurs terres ancestrales par ces nouveaux venus. Et les descendants de ces San de s'être depuis convertis au travail de la ferme ou d'avoir fui vers les villes.


 

Les San (deuxième photo ci-dessus) obtenaient leurs couleur (rouge, marron ou jaune) à partir de l'oxyde de fer de la pierre locale, tandis que le noir était obtenu grâce au charbon de bois ou l'oxyde de manganèse, et le blanc, grâce à l'argile blanche. Des pinceaux étaient alors improvisés à l'aide de poils d'animaux, de plumes ou de roseaux. Quant aux personnages apparaissant sur ces peintures, ils n'ont pas de tête à proprement parler mais celle-ci est quad même matérialisée par une marque rouge. Les éléphants font également l'objet de bien des questions de la part des visiteurs. Certains se préoccupent par exemple de savoir si celui de droite a été retouché car ses couleurs apparaissent plus claires. Rien ne le garanti, d'autant plus qu'une photographie du même animal prise avant 1910 laisse apparaître la même teinte. Quid de la peinture (ci-dessus) ? Il est difficile d'interpréter les caractéristiques de ces dessins car aucun document écrit ne peut témoigner dans le temps des croyances du peuple San, celui-ci possédant alors une culture essentiellement orale. Restent les symboles. Le tableau montre trois rangées d'hommes faisant face à un troupeau d'éléphants. Cette scène est peu courante car ces êtres humains ne disposent pas d'armes assez puissantes pour attaquer ces mastodontes. Il ne s'agit donc pas d'une scène de chasse. Certaines personnes sont revêtues d'une longue cape. Les shamans en portaient habituellement pour se protéger des frissons ressentis lorsqu'ils étaient en transe. On peut donc imaginer que la peinture décrit une scène rituelle des San. L’éléphant, lui, semble être sur la défensive, le regard tourné vers l'extérieur d'un cercle. On sait que les faiseurs de pluie entraient en transe afin de permettre à leur âme de quitter momentanément leurs corps pour rejoindre un imaginaire pluie-animal (l'animal en question était gros et gras, un peu comme un pachyderme). Il est donc possible que cette scène soit l'illustration d'un procédé destiné à faire pleuvoir. Le même éléphant pouvait dit-on faire l'objet d'une prise de pouvoir par le shaman pour d'autres occasions. En effet, il arrivait que les humains en transe se prennent pour un animal imposant. Le mystère reste entier !

 

Depuis les temps anciens, le Cederberg (montagne des cèdres) a pris un tout autre visage : ici-même poussait jadis un cèdre unique en son genre, surnommé le cèdre de Clanwilliam Widdringtonia cedarbergenis. L'arbre, au bois noueux, qui ne croissait que dans les zones rocheuses à une altitude variant entre 800 et 1200 mètres, semble appartenir définitivement au passé puisqu'il aurait disparu lors des nombreux incendies de forêts. Jusqu'en 1973, l'exploitation du bois de cèdre était interdite par la loi , mais l'arbre sauvage, lui, souffrait pourtant d'un grave danger d'extinction. D'où des campagnes annuelles de plantation de nouveaux cèdres d'être ici et là organisées afin de tenter de sauver ce qui peur encore l'être.

A moins d'un kilomètre des peintures rupestres se dressent d'étranges formations rocheuses, les grottes de Stadsaal. Le terme stadsaal signifiant mairie en africaans. Ces grottes se trouvent dans la réserve naturelle de Matjiesrivier, un site classé monument de l'UNESCO depuis 2015. Malheureusement, une fois sur place, je trouverai fort peu d'information concernant les rochers sculptés (le seul panneau présent tout au long de l'itinéraire fléché mentionnera « réhabilitation en cours ») ce qui est fort regrettable pour un site aussi remarquable que celui-ci. D'après mes premières constatations, ce pays souffre d'un fort déficit d'information touristique, véritable défi à relever pour les prochains responsables du tourisme dans la prochaine décennie.

 

En quelques mots, à l'ère primaire, et avant la formation du Karoo (semi-désert), il y a plusieurs centaines de millions d'années, un océan recouvrait de vastes surfaces de grès, de schiste et de quartzite, qui devinrent plus tard les Cape Folded Mountains. Les forces tectoniques les feront émerger en les plissant et pluies et vents débuteront leur lent travail d'érosion. Si le grès de Table Mountain s'avérera plus résistant, les roches du massif de Cederberg, elles, de caractéristique plus tendre, permettront aux éléments naturels de former avec le temps d'étranges silhouettes et de sublimer certaines sculptures grâce aux particules d'oxyde de fer contenues dans la matière. Pour avoir accès à certaines de ces sculptures naturelles, il faut marcher une journée entière pour apercevoir la croix maltaise haute de vingt mètres, ou bien effectuer 75 minutes de marche afin d'observer les Wolfberg Cracks (accessible depuis la même piste, à partir de Sanddrif). Non moins étonnante, l'arche de Wolfberg. Pour profiter de ces beautés naturelles, l'idéal est de partir en randonnée à travers le massif de Cederberg (entre deux et huit nuits, selon l'endroit à atteindre), accompagné d'un guide qui sera seul à même de vous livrer tous les secrets de l'endroit.

Toujours de bon conseil, Peet me suggérera d'emprunter une route alternative (par le col Nieuwoudt's Pass) au départ d'Algeria pour rejoindre ensuite la N7. D'autres paysages impressionnants vous attendent sur ce parcours moins scénique mais plus pratique.

 

INFOS PRATIQUES :

  • Cap Nature : https://www.capenature.co.za/reserves/cederberg-wilderness-area/
  • Cette excursion est à prévoir sur une journée complète. Prévoir de partir avec un véhicule ayant un plein réservoir de carburant et emporter nourriture et eau en quantité suffisante avec soi. Prévenir son entourage de l'endroit exact où vous vous rendez.

  • Peet Viljoen est co-auteur du guide gratuit « Essential Guide to the Cederberg », (en photo ci-dessous). Procurez-vous le avant votre départ car il contient une véritable mine d'informations.

 

 

 

 











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