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Prince Albert
(Province du Cap-Occidental, Afrique du Sud)
Heure locale

 

Vendredi 15 novembre 2019

 

C'est tôt ce matin, vers 7h00, que je quitte Robertson pour rejoindre Prince Albert, 330 kilomètres plus loin. Ayant choisi la route N1 la plus au nord plutôt que la route des vins, plus belle mais moins rapide, je dois remonter vers Worcester, à une trentaine de kilomètres de là, pour rejoindre mon itinéraire. Je devrai m'arrêter à deux reprises à cause de la circulation alternée sur deux tronçons de route, autant de temps de perdu à chaque fois. A la sortie de Worcester, on me fait signe de m'arrêter. Un agent revêtu d'un gilet jaune souhaite vérifier mon permis de conduire. J'ai eu quelques secondes d'appréhension suite à ce qui m'est arrivé en début de semaine, mais la présence de quatre véhicules de police sur le bas-coté de la chaussée me rassure. Le temps d'échanger quelques mots et de vérifier mes documents et l'agent (féminin) de police me laissa repartir. Quelques minutes après, un panneau « Hijacking hotspots on next 30 km » est planté en bord de route et n'est pas fait pour me rendre serein... côté tentative d'enlèvement, j'ai déjà donné à Paarl, quant aux attaques de diligence, c'est une autre histoire. A partir de maintenant, je roule sans m'arrêter sur les aires de stationnement, en espérant ne pas faire de mauvaises rencontres.D'autres contrôles policiers auront lieu sur la N1 durant mon parcours et me rassureront. Quatre heures plus tard, j'atteignais Prince Albert.

 

Admirant le paysage durant mon voyage, je me disais que le pays manque d'eau, tant la végétation est sèche. Prince Albert se trouve à l'extrémité sud du Grand Karoo, au pied des montagnes du Swartberg. Mais qu'est-ce que ce Karoo  que l'on surnomme ici le pays de la soif ? Il s'agit d'un semi-désert sud-africain divisé en deux parties, le Grand Karoo au nord et le Petit Karoo au sud. Il y a 200 à 300 millions d'années, ce désert s'est formé à cet endroit qui subit il y a très longtemps une montée soudaine des eaux recouvrant une forêt tempérée alors présente à cet endroit. Après avoir été un marécage du temps des dinosaures, le Karoo est devenue de nos jours une zone désertique. Le Grand Karoo mesure quant à lui 400000 km2 et les première routes qui le traversèrent furent tracées en 1800, à une époque où l'on rencontrait antilopes, zèbres et quelques hommes, des Khoïs et aussi des Bushmen. Le chemin de fer y pénétrera aussi au milieu du 19è siècle pour relier la région au sud-ouest africain, au Bechuanaland et à la Rhodésie du Sud.


 

A mon entrée à Prince Albert, j'ai l'impression de me trouver en Australie, c'est à dire dans un îlot de vie au milieu de nulle part. Ma première intention est de trouver mon refuge et d'y déposer mes affaires. Cinq minutes plus tard, j'atteins Traveller's Rest (le repos du voyageur) et je suis très chaleureusement accueilli par Jude et Bryan, les propriétaires de l'endroit. Ce séjour sera donc placé sous le signe de la chaleur dans tous les sens du terme, car le soleil tape fort et la chaleur humide n'arrange rien à la fatigue accumulée durant mes quatre heures de route. Jude m'annonce 35°C ...et les moustiques en soirée ! Je resterai donc calfeutré dans ma chambre climatisée, pour rédiger le présent article.

Impatient de faire mes premiers pas dans ce village qui fut fondé en 1842, autour d'une ferme « Queekvalleij », prêtée à Zacharias et Dina de Beer dès 1762, j'apprends que l'endroit prendra son appellation actuelle en 1845, en l'honneur du Prince Albert de Saxe-Coburg, mari de la reine Victoria. A la fin du siècle, la trouvaille d'une pépite d'or dans une ferme non loin d'ici entrainera une ruée vers l'or temporaire. Puis, en 1899, le village changera de registre en devenant une ville de garnison pour les soldats britanniques lors de la deuxième Guerre des Boers. D'où de nombreux conflits entre Boers et Britanniques à cette période.

Désormais, Prince Albert vit de l'agriculture et du tourisme. Lors de ma promenade en ville, je remarquerai de nombreuses maisons bâties dans les styles architecturaux hollandais du Cap et victorien. Pas moins de treize édifices du village sont inscrits sur la liste des monuments nationaux, c'est dire ! Les amateurs de maisons à pignon de style hollandais du Cap se régaleront avec, encore aujourd'hui, pas moins de 18 édifices de ce type préservés dans le village. Un pasaage au musée Fransie Pienaar s'imposera pour se procurer la brochure adéquate, « Historical Walk », compagnon indispensable pour découvrir sans peine tous ces trésors architecturaux bâtis entre 1840 et 1860. Le village possède même un pignon unique en son genre baptisé bien entendu du nom de Prince Albert...

 

L'avenir appartient aux audacieux et Brent Phillips-White est de ceux-là. Qui aurait cru qu'un si petit village puisse offrir une si grande galerie d'art, j'ai nommé la Prince Albert Gallery, qui plus est, est entièrement dédiée au travail d'artistes sud-africains, et tout particulièrement originaires de Prince Albert. Ces artistes exposent des œuvres aussi variées que des peintures, des gravures, des photographies, des sculptures et des œuvres en céramique. Près de 70 artistes exposent sur les deux niveaux d'une vaste demeure située face à l'office du tourisme et au musée. Sur place, des expositions temporaires sont régulièrement offertes au public. Conquis par le talent de ces femmes et de ces hommes, ces mêmes visiteurs choisiront de diner dans le restaurant-galerie, entourés d'oeuvres-d'art qu'ils pourront acquérir s'ils le souhaitent. L'idée, pour le moins originale, consistant à nourrir le corps et l'esprit, et Brent Phillips-White, qui est installé ici depuis 2007, ne lésine pas sur les moyens. Au menu, carpaccio d'autruche et de springbok, figues locales, jarret d'agneau du Karoo, filet de koudou grillé, crème brûlée à l'amarula, un fruit de pays, et j'en passe.

 

Je n'ai que la rue à traverser pour me retrouver au Musée Fransie Pienaar, heureux possesseur de l'une des plus riches collections de fossiles (pas de faux cils!) du monde. L'endroit aborde aussi l'histoire de la commune et de ses alentours, à partir d'objets rassemblés pour leur majorité par la jeune collectionneuse Fransie Pienaar qui n'a encore que 18 ans lorsqu'elle se met à rassembler des tas d'objets jusqu'à se constituer ainsi une collection complète et hétéroclite. Parmi ses objets les plus précieux, le recueil des discours du célèbre Prince Albert, époux de la reine Victoria, un ouvrage dédicacé par la reine en personne en mai 1867 et offert à la bibliothèque du village. Ce que j'observe à cet instant me paraît bien d'un autre âge mais témoigne malgré tout d'une époque où les gens avaient le droit de se construire des souvenirs. Au passage, je croise un orgue à pédales, puis une panoplie du parfait médecin comme on en voyait jadis. Ce musée est l'héritage de Francina Elizabeth Harmse, devenue Pienaar un peu plus tard, fille unique d'Abraham Harmse et de sa seconde épouse Miemie, laquelle perdra son demi-frère le jour de sa naissance. Et la famille d'acquérir le fameux orgue à pédales en souvenir du petit garçon. La petite fille, surnommée Fransie recevra son éducation d'un précepteur, puis fréquentera l'école de Beaufort West. En 1921, elle obtiendra une licence de musique, cinq ans après s'être mariée avec Gideon Pienaar, professeur de son état, lors d'une cérémonie célébrée à deux pas d'ici, dans l'église réformée de Prince Albert. Les premiers pas de collectionneuse de Fransie la porteront à rassembler un bric-à-brac puis à garder de par vers elle une foule d'objets qui lui étaient confiés par les voisins ou les amis. L'âge de la retraite atteint, notre couple vécut dans la maison qu'ils avaient construite pour leurs vieux jours et dans laquelle une pièce avait bien sûr été réservée pour entreposer la collection de Fransie. Le surplus de sa collection allant rejoindre lorsque nécessaire un local de l'église. La collection ne cessant de prendre de l'ampleur, Frikkie Allers, beau fils de notre collectionneuse, et maire du village, réserva bientôt un local municipal à son intention. Local qui se transformera en musée le 17 avril 1972. Et Fransie de faire alors don de toute sa collection à la ville, en signe de reconnaissance. Après tout, elle avait réalisé l'ambition de toute une vie, celle de préserver à jamais le patrimoine local pour les générations futures. Au décès de son mari, Fransie consacrera ses dernières années à veiller sur ses objets et à en partager l'histoire avec les visiteurs venus du monde entier. Le musée a depuis trouvé refuge dans une demeure de style victorien construite en 1906 par Jan Haak, alors propriétaire du Haak's Inn. L'édifice (ci-dessous) servira d’hôpital en 1957 et vingt et une années durant. A bout de forces et à 88 ans, Fransie passera le relais à la Friends of the Museum Society à partir de 1982. Depuis l'aventure continue, et avec elle, se perpétue l'histoire de Prince Albert.

 

A force de m'activer, mon ventre crie famine et je meurs de soif. A cinq minutes du musée, se trouve l'école de cuisine African Relish où tout un chacun peut venir apprendre à confectionner un plat si le cœur lui en dit. En ce qui me concerne, je me contenterai d'une part de cheesecake et d'un coca cola glacé, histoire de me requinquer. Lisa et Philip Key, les propriétaire de cette école, à la fois passionnés de cuisine et amoureux du petit village, décidèrent un beau jour de créer un gite, un restaurant et une école de cuisine. Le Chef's Café où je me trouve ouvrit ses portes il y a tout juste un an, et propose depuis des repas simples constitués de produits frais de saison. L'ensemble de ces activités est logé à l'intérieur d'un édifice deux fois centenaire, le Langhuis, ainsi que dans d'autres bâtiments de construction plus récente. Encore une adresse à découvrir.


 

INFOS PRATIQUES :

  • Gallery Café, Seven Arches, 57 Church Street, à Prince Albert. Tél : +27 23 5411 197. Ouvert en soirée.
  • Prince Albert Gallery, à la même adresse que le restaurant. Tél : +27 23 541 1057. Site internet : http://www.princelbertgallery.co.za

  • Fransie Pienaar Museum 42 Church Street, à Prince Albert. Tél : +27 23 541 13 50. Entrée adulte : 20 rands. Boutique à l'intérieur avec plusieurs fascicules en vente, très utiles pour la découverte du petit village.

  • African Relish recreational Cooking School et Chef's Café, 34 Church Street, à Prince Albert. Tél : +27 23 541 1381 Site internet : http://www.africanrelish.com











 



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