Revoir le globe
Top


L'autruche, un drôle d'oiseau
(Ferme à autruches Chandelier, Oudtshoorn, Province du Cap-Occidental, Afrique du Sud)
Heure locale

 

Vendredi 22 novembre 2019

 

De passage à Oudtshoorn, je m'arrête dans l'une des 180 fermes d'autruches que compte la région. Cet oiseau m'interpelle. Son regard curieux de tout me laisse perplexe. S'intéresse t-il vraiment à ce qu'il voit ou son esprit de convoitise lui ordonne t-il de chaparder ce que je transporte ? Durant la visite, une autruche donnera un coup de bec à mon appareil-photos. Voulait -elle un selfie ? Je lui répondis que c'était du matériel japonais, et du costaud. Peu lui importe car cet animal a un estomac d'autruche qui peut tout digérer, ou presque. Je ne me cacherai pas la tête dans le sable comme l'autruche, cette phrase connue qui, d'après ma guide, s'apparente davantage à une légende qu'à la réalité. Ce qui est vrai, c'est que cet oiseau n'a pas de mémoire et que le mâle n'est pas (forcément) plus fidèle que (certains) hommes, draguant tour à tour plusieurs femelles. Tiens donc …

 

Mes guides papier me proposent plusieurs fermes à autruches avec visites guidées sur le dos de l'animal (je trouve cela stupide et dégradant pour la pauvre bête!) et courses organisées sur le dos de l'oiseau (pas mon truc !). A une dizaine de kilomètres d'Oudtshoorn, j'aperçois en quelques secondes un panneau annonçant la présence d'une ferme de ce type. Je poursuis ma route jusqu'à pouvoir revenir sur mes pas, puis franchis une entrée de hacienda argentine ornée de drapeaux étrangers (dont celui de la France). Bienvenue au centre de loisirs Chandelier, qui propose, outre des visites guidées à la découverte des autruches, des promenades à la poursuite du buffle (lorsque le troupeau est présent dans la zone), de participer au repas de la girafe du parc, ou de partir explorer le territoire qui fut autrefois habité par le peuple khoï.

 

Une fois le portail d'entrée franchi, il me faudra conduire pendant un kilomètre, sur une piste, avant d'accéder à l'établissement. Je suis le seul candidat à une visite de cette ferme et ma guide acceptera très gentiment de se prêter elle aussi au jeu de l'interview.

Mais pourquoi autant d'autruches à Oudtshoorn, ici, plutôt qu'ailleurs ? A l'origine terre des Bushmen, la région située sur la route des Jardins sera explorée par les Européens à la fin du 17è siècle, peu de temps après le passage au Cap de Jan van Riebeek. Les fermiers attendront cependant près d'un siècle avant de s'y installer et Oudtshoorn de se construire peu à peu autour d'une église réformée hollandaise, elle qui tient son nom d'un ancien gouverneur de la colonie du Cap, le baron Pieter van Rheeder van Oudtshoorn. Situé en plein cœur du pays des Boers (pionniers blancs originaires d'Europe), la petite ville sera également surnommée « la Jérusalem de l'Afrique du Sud » en raison de l'arrivée massive de Juifs lituaniens dans les années 1880. Ici, le climat est rude, et très sec, d'où de graves périodes de sécheresse ayant longtemps entravé le développement agricole en affamant le village. Et l'élevage de l'autruche, cet oiseau « à tout faire » qui s'adapte parfaitement aux conditions désertiques locales, d'apparaitre à Oudtshoorn en 1869.

 

C'est en effet durant les années 1865 – 1900 que la demande de plumes d'autruche explosera dans la société anglaise et que le comté d'Oudtshoorn deviendra progressivement la capitale mondiale de ce volatile. L'autruche devient alors une vraie industrie locale apportant richesse et prospérité à la petite ville qui atteindra même son apogée en 1913. La première Guerre mondiale aboutira momentanément à la chute de la demande de plumes des élégantes anglaises, et contraindra les habitants à retourner, pour un temps, à des cultures moins profitables et plus traditionnelles. Devenue depuis la capitale économique et touristique du petit Karoo, Oudtshoorn est désormais l'un des plus importants centres d'élevage d'autruches au monde. Ainsi fournissait-elle au début du 20è siècle 85% des plumes d'autruches à l'industrie de la couture et du spectacle. De nos jours, la ville compte près de 200000 oiseau répartis dans 180 fermes d'élevage.

 

Avec ses 2,50 mètres de haut et ses 130 à 150 kg, l'autruche mâle est le plus grand et le plus lourd des oiseaux sur cette terre. Individu au corps massif, l'autruche possède des pattes longues et puissantes, avec seulement deux doigts par patte (photo ci-dessus), le doigt extérieur, plus petit, étant dépourvu de griffe. L'oiseau porte deux yeux de taille un peu démesurée par rapport à la taille de sa tête (ci-dessous) qui est portée par un long cou, mais ces yeux sont ornés de longs cils.

Ma guide a eu la bonne idée d'emporter avec elle un sachet de grains de maïs pour attirer les animaux du premier enclos auquel nous nous arrêtons. C'est aussitôt l'afflux d'autruches au pied du grillage, mais sans bousculade. Et l'oiseau de donner des coups de bec pour grappiller quelques grains de maïs. Aucun danger de morsure car l'autruche n'a pas de dents. Plus timides, les autruchons (bébés autruches, en deuxxième photo ci-dessous) venus au monde il y a juste huit semaines, s'approchent timidement. Dès quatre semaines, les jeunes présentent un duvet épineux chamois à pinceaux blancs avec des taches noires au cou, puis ressemblent ensuite à une autruche femelle. Le mâle, lui, a un plumage noir avec les extrémités des ailes et de la queue marquées de plumes blanches. Quant à la femelle, elle possède un plumage gris-brun et le dessous clair, allant du beige au blanc.


 

Inaptes au vol, les autruches se rattrapent à la course, pouvant ainsi atteindre 70 km/heure, en ne s'appuyant que sur le doigt intérieur de leurs pattes, c'est à dire le plus développé. Et quand elles ne courent pas, ces créatures s'alimentent. Dans la série « Chéri, devine qui vient diner ce soir ? », sachez que l'oiseau en question a un régime surtout végétarien et très varié. Offrez-lui des jeunes pousses, des graines, des fruits mais aussi de petits animaux (mammifères et vers notamment). A ma question : l'autruche craint-elle les serpents ? Que nenni. Elle les dévorent et adore tout particulièrement leur peau tendre.

Sociable, l'autruche vit habituellement en groupes de cinq à six individus (avec toutefois une majorité de femelles pour distraire le mâle) mais on peut aussi trouver de vieux mâles isolés (comme chez l'homme, suivez mon regard!) ou au contraire des bandes entières de cinquante individus, surtout dans la savane. Grâce à leur grande taille, ces autruches rendent service aux zèbres et aux antilopes en jouant le rôle de sentinelle à l'intérieur des troupeaux. Et lorsque l'oiseau cesse soudainement de s'alimenter, et se met à courir au quart de tour, l'alerte est donnée aux autres animaux qui font de même.

Comme je l'écrivais plus haut, l'autruche mâle se constitue en général (et comme certains hommes) un harem de trois à cinq femelles. Et c'est la femelle favorite (dominante) qui décide alors de la formation du couple. La parade nuptiale, elle, donne lieu à tout un cérémonial (déploiement des plumes, mouvements du cou...). Toutes les femelles du harem déposent leurs œufs à l'intérieur d'un même nid constitué d'un simple trou On peut ainsi compter jusqu'à trente œufs, voire soixante (chez l'autruche maïas), des œufs très résistants puisqu'ils résistent jusqu'à un certain point au poids d'un homme. L'incubation, d'une durée de 40 à 50 jours, est presque entièrement assurée par le mâle, qui défendra bec et ongles ses petits avec l'aide des femelles, en cas de danger.

Comme la vie n'est pas toujours un long fleuve tranquille, l'autruche a aussi ses prédateurs : les hyènes, les lions, les chacals, les percnoptères (oiseau rapace) et l'homme !

L'espèce, trop chassée dans les années 1920, puis durant la période des années 1960, avait totalement disparu du Néguev, jusqu'à sa réintroduction en 2005. L'autruche est aussi très menacée dans d'autres pays africains. L'homme n'est pas en reste dans la disparition de l'oiseau qu'il élève non seulement pour ses plumes mais aussi pour en faire des...steaks !

 

INFOS PRATIQUES :

  • Chandelier Game Lodge & Ostrich show Farm sur la R62, entre George et Oudtshoorn. Tél : +27 72 742 4405. Visite guidée (45 minutes) : 110 rands. Site internet : www.chandelier.co.za








 



Retour aux reportages







Qui Suis Je - Reportages - Médiathèque - Calendrier - Pays - La lettre - Contact
Site réalisé par Kevin LABECOT
Disclaimer - Version mobile