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Exposition "Médecines d'Asie. L'art de l'équilibre"
(Musée national des Arts asiatiques-Guimet, Paris, France)
Heure locale

 

Lundi 17 juillet 2023

 

Pas de relâche pour le Musée Guimet qui, cet été, nous offre à nouveau une intéressante exposition : « Médecines d’Asie, L’art de l’équilibre » est le premier événement majeur consacré en France aux trois grandes traditions médicales asiatiques, indienne, chinoise et tibétaine. Le parcours scénographique emporte le visiteur vers un univers conjuguant pratiques médicales millénaires et œuvres d’art de référence qui évoquent la méditation, le chamanisme, l’équilibre des énergies, la pharmacopée, le massage, l’acupuncture, l’astrologie et l’exorcisme.

 

A l’heure où le bien-être prend une place de plus en plus significative dans notre société, les médecines d’Asie sont largement plébiscitées. Incluses de plus en plus souvent dans les parcours hospitaliers et thérapeutiques conventionnels, elles paraissent de nos jours comme des médecines « de bonne santé ».

Bien que préventives, ces médecines ont pourtant développé diagnostics, traitements et approche globale dite holistique, qui tient compte à la fois du corps et de l’esprit. Et nombre de représentations, d’objets de médecine ou de culte relèvent des créations les plus remarquables de l‘art asiatique, sans doute grâce à l’équilibre des énergies vitales, principe de base de toutes les médecines orientales, qui a donné naissance à un nombre important d’oeuvres d’une grande force esthétique et d’une haute portée spirituelle.

 

C’est ce dialogue entre l’art et le soin qui constitue la ligne conductrice de cette exposition, laquelle s’articule autour de quatre thèmes dans un saisissant face à face avec 300 œuvres dont la grande majorité est pour la première fois exposées au public, des œuvres provenant des collections nationales et de grandes institutions patrimoniales européennes.

 

La première partie présente les fondements des trois grandes traditions de médecine, à travers des œuvres d’une grande force esthétique et spirituelle, et un système vidéo décrivant la circulation des flux énergétiques et vitaux dans le corps humain, point commun de ces thérapies.

 

Au fil de la visite, on découvre la mythologie, l’histoire et le développement de traditions médicales basées sur les équivalences entre infiniment grand et infiniment petit. Et le voyage de se poursuivre par la présentation du panthéon des divinités liées à la médecine en lesquelles s’incarnent les concepts de maladie ou de guérison, rappelant les liens entre santé et spiritualité.

 

Attardons-nous sur les trois médecines abordées :

 

- La médecine indienne.

 

L’ayurveda(signifiant «le savoir » en sanskrit) est plus qu’une médecine, puisqu’elle apparaît aussi comme une science religieuse dont les premières prescriptions thérapeutiques étaient dès le début, basées sur le recours aux puissances divines.

La doctrine classique de l’ayurveda repose sur la « théorie des humeurs » (le vent-vata-, la bile -pitta- et le phlegme – kapha). Ces humeurs, respectivement commandées par les divinités Vayu, Agi et Varuna, sont responsables de la bonne santé du patient. Elles varient selon le régime alimentaire, le métabolisme ou les influences extérieures (naturelles ou surnaturelles). Ainsi, une bonne alimentation, l’absence d’excès et la pratique d’activités physiques garantissent-elles une bonne santé au patient, voilà pourquoi on parle de médecine préventive concernant l’ayurveda.

 

- La médecine tibétaine.

 

Celle que l’on désigne comme sowa rigpa (science des soins) entre tardivement dans l’histoire, vers le 7ème siècle, avec l’introduction dans le pays d’un système d’écriture qui en est d’ailleurs le vecteur principal.Cette médecine comporte de nombreux emprunts étrangers, surtout indiens (comme la théorie ayurvédique des humeurs) et aussi chinois (certaines techniques de diagnostics, dont la prise de pouls).

L’acquisition et la transmission du savoir médical s’inscrivaient dans une formation religieuse tandis que le thérapeute exerçait son art sur la base de traités médicaux dont « les Quatre Tantra » (considéré comme la mise au propre des enseignements du Bouddha de médecine, Bhaishajyaguru), traité abordant tous les domaines théoriques et pratiques de la médecine (anatomie, physiologie, pathologie, diagnostic et thérapeutique).

Dans la culture tibétaine, rester en bonne santé ou guérir relevait autant de la religion que de la science médicale.

 

- La médecine extrême-orientale.

 

En Chine, en Corée et au Japon, on dit qu’un bon médecin est celui qui vous évite de tomber malade, grâce à un équilibre harmonieux entre fonctions organiques, processus de renouvellement du corps et mode de vie du patient.

L’illustration de cette harmonie se manifeste sous la forme de « souffle vital » (le qi, insufflant dans le corps la force de vie en circulant dans douze canaux- méridiens – inter-connectés, qui correspondent aux douze principaux organes) entretenu par la stimulation et par la chaleur (moxibustion), la mise en place de fines aiguilles (acupuncture) et l’ingestion de préparations médicamenteuses (pharmacopée).

Les premiers témoignages écrits de la médecine chinoise remontent à la fin du 2ème millénaire avant notre ère. Les bases de cet enseignement sont contenues dans l’ouvrage « Classique interne de l’empereur jaune ».

 

La deuxième partie nous ouvre une ambiance plus intime et chaleureuse pour poursuivre la visite. Le point central est un espace conçu comme une apothicairerie idéale qui présente la pharmacopée, l’acupuncture et la moxibustion. L’endroit ressemble à la fois à une officine de pharmacie et à un cabinet de curiosité, entre mannequins d’acupuncture, plantes médicinales et précieuses boites de médicaments.

 

En Asie, le soin s’articule autour de trois axes fondamentaux : le diagnostic, les traitements thérapeutiques et la prise en charge du patient dans sa globalité (états physique, organique et spirituel).

Le diagnostic comporte l’observation du patient, l’interrogatoire, le sentir et l’écoute, et la prise de pouls. A l’issue de cette première étape, plusieurs traitements thérapeutiques sont proposés comme l’acupuncture, la moxibustion et l’ingestion de préparations médicamenteuses.

 

Et si l’acupuncture consiste à traiter les déséquilibres à l’aide de fines aiguilles savamment plantées sur le corps, la moxibustion, elle, consiste à appliquer sur la peau des moxa, cônes ou bâtonnets de poudre d’armoise en combustion afin de stimuler certains points du corps. Quant aux ventouses, elles sont appliquées sur la peau pour favoriser la circulation et décongestionner un organe.

 

De leur côté, les pharmacopées chinoise ou indienne forment un corpus de plantes variées, incluant des matières médicinales d’origine végétale ou animale (collectées dans la nature entourant les médecins).

 

Cette partie d’exposition aborde également les techniques de traitement comme le massage et les pratiques énergétiques du type qi gong, tai chi et yoga. Une salle dédiée au repos et à l’introspection spirituelle invite, dans une atmosphère enveloppante, à se livrer à un exercice de méditation en contemplant des œuvres empreintes d’une grande sérénité. La méditation est en effet une pratique qui permet de cultiver et de développer certaines qualités humaines fondamentales, à savoir se familiariser avec une vision claire et juste des choses, et de cultiver des qualités qui demeurent en nous.

 

La troisième partie, elle, est consacrée à la médecine de l’âme : au-delà du corps physiologique, les médecines asiatiques offrent la particularité de s’occuper de l’esprit et de la psyché des êtres.

Astrologie, charmes et rituels, amulettes et vêtements talismaniques sont autant de moyens utilisés pour lutter contre les affections de l’âme, tandis que neuf divinités astrales servent de fil conducteur à cette partie de l’exposition pour guider le visiteur dans les méandres de l’inconscient. Et l’on s’arrêtera devant deux alcôves, l’une dédiée au chamanisme et l’autre à l’exorcisme, afin de se pencher sur les médecines du surnaturel.

 

A chaque fois que médecine et religion sont associées, deux praticiens s’imposent : le médecin et l’exorciste. L’exorcisme, pratique rituelle qui consiste à chasser d’une personne l’entité maléfique qui la possède, se décline sous différentes formes :

 

- les exorcismes thérapeutiques personnels, où le possédé est un malade à traiter

- les exorcismes collectifs, visant à purger le mal à grande échelle au sein d’une communauté

- les exorcismes spirituels pour soumettre les forces démoniaques et aider le pratiquant à atteindre un état de conscience supérieur (bouddhisme tantrique).

 

Ces exorcismes ont donné lieu à une importante production d’objets, comme d’imposants tabliers en os provenant du Tibet, ou des masques peints du Sri Lanka.

Le parcours de visite consacre également un espace au chamanisme coréen : spécialiste des rites de divination et des rites de guérison, le chamane coréen est un guérisseur dont les pratiques relèvent d’une démarche magique consistant à détecter l’origine de la maladie par la divination, entrer en communication avec les esprits et traiter le mal.

 

L’astrologie jour aussi son rôle en raison de la nature mystérieuse des phénomènes célestes et des présages bons ou mauvais qui sont révélés. De nombreuses déités asiatiques ont un lien avec l’astrologie comme ces grandes figures zodiacales et animalières chinoises ou les navagraha (les Neuf Saisisseurs de la tradition hindoue) présents dans l’exposition.

 

D’autres objets permettent de se protéger du mauvais sort ou des influences surnaturelles : amulettes et talismans sont très répandus en Asie, chaque objet étant conçu pour une protection donnée et parfois pour une personne précise. Les cadenas sont ainsi destinés à la protection des enfants et des personnes exerçant des professions à risques.

Enfin, une émouvante section est consacrée à la protection symbolique des enfants au travers d’objets empreints d’intimité et d’amour, comme ces tissus ou vêtements portés à même le corps ou suspendus dans les maisons. Recouverts de diagrammes et de formules magiques, ces objets, à la fois symboliques et protecteurs, servent à attirer la bonne fortune et la faveur divine tout en tenant à distance le mal et les mauvais esprits.

La plupart des pays destinaient alors ces objets aux enfants pour les protéger des maladies et des menaces venues des mondes invisibles. Il faut souligner qu’en Chine, le taux de mortalité restait élevé au début du 20ème siècle à cause des conditions d’hygiène douteuses et de l’absence de traitements médicamenteux ou vaccinaux.

 

L’exposition consacre son dernier volet à une comparaison entre médecines d’Orient et d’Occident, pour en conclure à l’existence d’un dialogue des contraires : il est aujourd’hui indéniable que les médecines asiatiques sont plus populaires et plus efficaces que la médecine occidentale, que ce soit dans l’approche du bien être ou dans les prises en charge hospitalières.

Les échanges commerciaux entre l’Europe et l’Asie remontent à l’Antiquité mais ce n’est qu’à partir du 16ème siècle que l’Orient et l’Occident vont s’intéresser à la médecine : les missionnaires portugais envoyés en Inde, en Chine et au Japon s’intéressent d’abord à la pharmacopée et à la classification des plantes (lesquelles feront la fortune de la Compagnie des Indes à travers le commerce des épices). L’Occident éprouve également de l’intérêt pour l’acupuncture, connue dès le 18ème siècle et combinée un siècle plus tard avec l’électricité pour créer l’électropuncture, censée soigner les rhumatismes.

L’Asie, elle, éprouve de l’intérêt pour la traduction des traités européens en langues locales, fort utiles pour diffuser les connaissances médicales. La Chine les utilisera au début du 17ème siècle pour compléter ses connaissances sur l’anatomie. Quant au Japon, qui ouvrira ses frontières aux étrangers dès 1868, il permettra l’essor de la médecine occidentale sur l’archipel.

La fin du parcours évoque donc le dialogue médical entre l’Orient et l’Occident depuis le 16ème siècle.

Une scénographie rappelant l’ambiance des bibliothèques anciennes rassemble plusieurs ouvrages anciens et précieux. Un étrange mannequin d’acupuncture japonais ramené en Europe au 17ème siècle témoigne de l’attirance de l’Occident pour les techniques de soins asiatiques. En parallèle, un exceptionnel rouleau peint japonais de huit mètres de long illustre la dissection scientifique d’un condamné à mort.

Il n’est pas excessif de qualifier cette exposition de « puits de science » avec plus de 250 œuvres présentées (œuvres du début de notre ère jusqu’à nos jours, provenant de toute l’Asie) et une programmation riche de plusieurs conférences, rencontres, concerts et ateliers pour enfants, familles et adultes. On doit aussi rendre hommage aux 25 prêteurs dont le British Museum, le Victoria & Albert Museum, le musée du quai Branly et la Bibliothèque nationale de France. Bref, un événement à ne pas manquer !

 

 

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