Revoir le globe
Top


Le Quartier de Triana
(Séville, Andalousie, Espagne)
Heure locale


Mercredi 5 novembre 2014

Pour terminer ma visite de la capitale andalouse, je vous emmène aujourd'hui dans le quartier de Triana. Connu pour être historiquement un quartier d'artisans, notamment spécialisé dans la poterie et la fabrication de céramiques, l'endroit est aussi réputé pour ses toreros (Juan Belmonte, Antonio Montes, Manuel « Chicuelo » Jimenez Moreno...), ses chanteurs et ses danseurs de flamenco (j'entendrai un groupe de guitaristes répéter leur prestation dans un appartement en passant dans une ruelle), dont il est considéré comme le berceau. Triana fut par ailleurs le quartier gitan de Séville. Dans les années 1970, ils furent repoussés vers les banlieues, suite à la pression du développement immobilier. Situé sur la rive ouest du fleuve Guadalquivir, Triana doit son nom à l'empereur Trajan, d'où le passé de colonie romaine de ce quartier que l'empereur fonda. Né à Italica le 18 septembre 53, Trajan fut le premier empereur romain issu d'une famille établie dans une province originaire d'Italie. Une autre hypothèse avance que le nom Triana signifierait la terre des trois rivières, car le Guadalquivir se divisait à trois à cet endroit. Une autre légende prétend que la déesse Astarté, qui fuyait la persécution amoureuse d'Hercule, se réfugia sur l'autre rive du fleuve et fonda Triana. Quoi qu'il en soit, on retrouva sur place des vestiges romains datant de l'Antiquité. La zone connut un fort accroissement de sa population durant l'occupation musulmane, dont l'épicentre était le palais qui deviendra par la suite le Château de San Jorge (ci-dessous), qui fut construit au X è siècle. Justement, un parcours initiatique vient d'ouvrir sur les restes de ce château, qui fut le siège de la Sainte Inquisition en Espagne, et le haut lieu de cette institution en Europe, de 1481 à 1785. Je découvre sur place photos, faïences anciennes retrouvées sur place et des ruines correspondant aux différentes pièces de la forteresse qui furent mises à jour lors des fouilles. Trois réalités communes sont représentées : le jugement de valeur, l'abus de pouvoir et la détresse des victimes. L'endroit explique aux visiteurs le fonctionnement de l'Inquisition et le rôle du Château de San Jorge.


 

Autrefois, l'importance croissante de ce faubourg de Séville s'expliquait par sa position stratégique permettant de surveiller le Guadalquivir et de servir de porte d'entrée pour les céréales, les produits de la vigne, et des oliveraies d'El Aljarafe, à l'ouest. Triana était en effet le dernier rempart avant d'atteindre les murailles de la ville. La construction d'un pont flottant, en 1711, par le calife Abu Yaqub Yusuf, permettra longtemps de relier le quartier à la cité et d'accélérer la croissance urbaine de la zone ainsi que son activité portuaire. Aujourd'hui, un vrai pont existe, celui d'Isabelle II, appelé aussi Pont de Triana (dont on peut voir ci-dessous son extrémité sur la photo ci-dessous). Ce pont, d'une longueur de 149 mètres et à arches multiples, fut inauguré en 1852, et est le sixième pont à enjamber le Guadalquivir. Ce fut aussi le premier pont fixe de Séville. Plusieurs projets avaient déjà été envisagés de longue date (pont de pierre, pont suspendu, pont de fer). Ce fut le pont de pierre qui s'imposa finalement, imaginé sur le modèle du Pont du Carrousel de Paris.


 

Jouxtant le Château de San Jorge, le marché Triana (ci-dessous) offre l'animation habituelle avec ses étals typiques arborant des enseignes en céramique. Je m'arrête au Bar Las Murallas pour boire un café et engloutir un sandwich au jambon de pays. Je discute avec le serveur qui m'avoue être né en France mais avoir choisi la nationalité espagnole à l'âge de 18 ans. Son français est parfait, sa cordialité également. Le quartier a une histoire très riche : après la découverte de l'Amérique par Christophe Colomb en 1492, débuta une intense période d'exploration et de colonisation qu'on appela la Course aux Indes. Des quais sévillans partirent quasiment toutes les expéditions d'exploration de la première moitié du XVI è siècle. 1564 vit l'établissement officiel de l'organisation navale, puis, en 1569, naquit l'Université et Confrérie des Navigants et Pilotes de la route des Indes. Association des professions de la mer, celle-ci avait entre autre un rôle d'assistance et s'occupait des affaires techniques et professionnelles de la route des Indes. Elle demeura à Triana jusqu'à 1681, date de l’inauguration du Collège Séminaire de l'Université des Navigants dans le Palais de San Telmo. Une intense activité se développa sur les rives du quartier de Triana durant toute cette période, où se croisaient couteliers, bateliers, alfatiers,et pêcheurs. D'où l'existence d'une Chapelle des Marins (deuxième photo). L'édifice sert de siège à la Confrérie de la Esperanza de Triana (qui fut préalablement créée à l'Eglise Santa Ana en 1418). Lors de mon passage, la petite chapelle est fermée mais sachez qu'à l'intérieur, si la chapelle ne possède qu'une nef unique, elle dispose par contre de quatre retables dont le retable majeur, provenant d'un couvent d'Osuna. Dans sa partie centrale, on peut apercevoir une statue vêtue de Notre Dame de la Esperanza de Triana Coronada, attribuée à Gabriel de Astorga.


 

Non loin de là, l'église Santa Ana (ci-dessous) s'élève avec sa tour. Sa construction remonte à 1276, sur ordre du roi Alphonse X. D'après une inscription sur l'un de ses murs, ce roi voulut ainsi glorifier Sainte Anne, à qui il devait la guérison miraculeuse d'une maladie oculaire dont il souffrait. Après la conquête de Séville, le roi Alphonse X avait développé une ville nouvelle au sud du Château du quartier de Triana. Etant la première église à avoir été érigée après le départ des Musulmans, on avait à l'origine prévu de fortifier l'édifice religieux. Quant à la tour, elle fut rajoutée après la fin de la construction de l'église. Le bâtiment sera fortement endommagé par le séisme de 1355 et nécessitera d'importants travaux de rénovation. Parmi les curiosités du lieu, il ne faut pas manquer de descendre dans la crypte de l'église, qui présente habits sacerdotaux et objets religieux de valeur. On admirera également la Grande Chapelle (deuxième photo), qui contient le retable majeur, œuvre en bois doré attribuée à Nufro Ortega et Nicolas Jurate. Celui-ci possède trois corps. On y retrouve plusieurs tableaux de Pedro de Campana datant de 1557. En son centre, se trouve une niche contenant une représentation de Sainte Anne (à droite) avec sa fille Marie et l'Enfant Jésus, datant de la seconde moitié du XIII è siècle.


 

Je déambule dans ces petites rues qui font le charme du quartier de Triana. La place Artozano offre la statue du torero de Triana, Juan Belmonte, une œuvre de Venancio Blanco, créée en 1972. A travers une ouverture dans son torse, on peut distinguer les arènes. J'admire au passage les façades d'immeubles avec leurs balcons imposants (ci-dessous) et si particuliers. On retrouve ce type d'architecture dans d'autres ruelles adjacentes. J'emprunte bientôt la rue Rodrigo de Triana, avec ses façades (deuxième photo) et ses entrées d'immeubles. J'apercevrai même des balcons fleuris (troisième photo). Le quartier de Triana possède aussi son centre de la céramique : celui-ci aborde toute l'histoire traditionnelle de l'artisanat de Séville dans l'ancienne fabrique de céramiques Santa Ana. Tous ces éléments, accompagnées d'une signification archéologique, anthropologique et architectonique, sont montrés dans leur contexte original. Je ne m'y attarderai pas aujourd'hui car ce lieu fera l'objet d'un article ultérieur.


 

Je me rends enfin à l'ancien monastère de la Cartuja, aussi connu sous le nom de Monastère de Santa Maria de las Cuevas (ci-dessous en photo) : au XII è siècle, afin de tirer profit de la boue argileuse charriée par le Guadalquivir, de nombreux fours à céramique furent construits à cet emplacement par les Almohades. Une légende raconte que, vers 1248, la Vierge apparut dans les anciens fours. Un ermitage franciscain fut alors bâti juste à l'emplacement de cette apparition. Plus tard, vers 1400, les Franciscains furent déplacés à El-Aljarafe et ce monastère devint chartreux. Il faudra attendre 1454 pour voir l'édification de l'ancien cloitre et de la chapelle du Chapitre. Puis furent construits le grand cloitre des moines dont les longues galeries desservaient les cellules. Derrière, on érigea entrepôts, greniers et écuries. Le monastère de la Cartuja vit passer (et séjourner) d'illustres visiteurs comme par exemple Christophe Colomb (qui y préparera son second voyage). Le grand homme y sera d'ailleurs inhumé provisoirement, dans la chapelle Santa Ana. En 1810, lors de l'invasion française, le monastère fut pillé et toutes les œuvres décoratives disparurent. On expulsa les moines qui se réfugièrent au Portugal, avant de revenir en 1816. C'est Charles Pickman, un commerçant anglais, qui transformera ce lieu en fabrique de faïence et de porcelaine. L'organisation spatiale du monastère en souffrit. L'exposition universelle de 1992 acheva de transformer l'édifice : le monastère devint en effet le siège de l'exposition Arts et Culture dans le monde en 1492, et ses annexes, le siège du Pavillon Royal, lieu de réception des chefs d'Etats étrangers. Depuis 1997, il est devenu le siège du Centre Andalou d'Art Contemporain, créé sept ans auparavant. Et j'avoue que le mélange d'art contemporain et de monument historique me laisse pantois.


 

  INFOS PRATIQUES :

 

 

  • Centre thématique de la tolérance, Château de San Jorge, Plaza de Altozano, à Séville. Tèl(+34) 954 33 22 40. Ouvert du mardi au samedi de 10h00 à 13h30 et de 17h00 à 19h30. Le dimanche, de 10h00 à 13h30. Entrée gratuite. Dépliant en langue française.

  • Bar Las Murallas, N°72, Marché Triana, Quartier de Triana, à Séville. Ouvert tous les jours de 6h30 à 16h30. Accueil très sympathique.

  • Chapelle des Marins, rue Pureza, 53, à Séville. Site internet : http://www.esperanza-de-triana.es/

  • Eglise Sainte Anne, Calle de la Pureza, 84, à Séville. Tél:(+34) 954 27 08 85. Ouverte tous les jours de 9h00 à 15h00 et de 19h00 à 21h00. Entrée : 2€. Dépliant en français disponible, prêté pour la visite. Prise de photos autorisée (sauf dans la crypte). Site internet : http://www.artesacro.org/conocersevilla/templos/parroquias/santaana/index.html

  • Centre Céramique Triana, Quartier de Triana, Calle Antillano Campos,14, à Séville. Tél:(+34) 954 34 27 37. Ouvert du mardi au samedi de 10h00 à 12h00 et de 17h00 à 20h00. Entrée, 2,10€. Site internet :http://www.icas-sevilla.org/visita-el-centro-ceramica-triana/

  • Monasterio de la Cartuja de Santa María de las Cuevas, Isla de la Cartuja,Avenida de Américo Vespucio, 2. Camino de los Descubrimientos, à Séville. Tél:(+34) 955037070.

 

 

 







 



Retour aux reportages







Qui Suis Je - Reportages - Médiathèque - Calendrier - Pays - La lettre - Contact
Site réalisé par Kevin LABECOT
Disclaimer - Version mobile