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Le Train de la Rhune
(Sare, Pyrénées Atlantiques, France)
Heure locale


Mardi 12 mai 2015

 

Arrivé ce matin à l'aéroport de Biarritz, j'ai aussitôt pris livraison de ma voiture de location puis déposé mes effets personnels à mon hôtel avant de me mettre en route pour ma première sortie : le Train de la Rhune. Ce sommet, situé dans les Pyrénées, se trouve au Pays basque. Appelé aussi Larrun dans la langue de ce beau pays (terme qui signifie « bonnes pâtures »), son massif est traversé par la ligne de frontière franco-espagnole, laquelle sert également de frontière entre les provinces basques du Labourd et de la Navarre. Le sommet de la Rhune est le plus haut sommet de la région, avec ses 905 mètres. Son panorama offre une vue dégagée sur les régions environnantes de la Basse-Navarre, de la Navarre, du Guipuzcoa et de côte basque bordée par le Golfe de Gascogne. On compte deux sites d'intérêt dans la Rhune, avant d'arriver au sommet : le col de Saint-Ignace, qui culmine à 169 mètres, puis le ruisseau des Trois Fontaines (à 545 mètres) sur le flanc nord de la Rhune, entre les hauteurs d'Alchangue à l'est et le Miramar à l'ouest.


 

Ce qui m'amène ici aujourd'hui n'est pas tant le sommet lui-même que son célèbre train à crémaillère qui chemine à travers la montagne depuis la commune de Sare jusqu'en haut de la Rhune. Petite commune adossée aux Pyrénées, Sare abrite entre autres des grottes fort anciennes qu'il est facile de visiter. Son habitat date partiellement du XV ème siècle et offre un parfait échantillon de l'habitat traditionnel labourdin rural, la typique maison basque. L'une d'entre elle est d'ailleurs ouverte au public et ne se trouve qu'à un kilomètre de la gare d'où part le train de la Rhune. Mais revenons sur ce train à crémaillère mythique qui est devenu, depuis 1924, date de sa première mise en service, l'attraction majeure de cette région. Celui-ci accueille en effet chaque année plus de 330 000 visiteurs et le guide Michelin lui a même décerné 3 étoiles ! Ce train a son mentor, Monsieur Georges Perruquetti, directeur d'exploitation, qui voue une véritable passion pour ce train, et est entouré d'une équipe motivée et performante. Tout commence en 1920, alors que la côte basque connait un fort développement touristique tandis que l'intérieur du pays végète. Comme on disait autrefois : « A Sare, on a le temps ». Face à la fréquentation grandissante de la Rhune, on imagina bientôt un petit train à crémaillère (ci-dessous) qui emmènerait les nombreux touristes à son sommet. Un projet est présenté en 1909 par Messieurs Ader, Giros et Loucheur, au Conseil municipal de Saint Jean de Luz qui l'approuve aussitôt.


 

Trois ans plus tard, est publié le décret d'utilité publique qui permettra la mise en valeur du panorama renommé de la Rhune jusque là réservé aux seuls audacieux. Et ils étaient nombreux ces candidats à l'ascension du sommet, à la fois touristes et baigneurs des plages de Biarritz ou de Saint-Sébastien et curistes des stations thermales des Basses-Pyrénées. Précurseurs des visiteurs d'aujourd'hui, botanistes et géologues, mais aussi simples amoureux de la nature, se lanceront à l'assaut de la montagne. La plus illustre des excursionnistes reste peut être l'Impératrice Eugénie de Montijo qui passera les vacances de sa plus tendre enfance à Biarritz (la future ville n'est alors qu'un petit village de pêcheurs de 2500 habitants). Devenue impératrice des Français, elle y entrainera Napoléon III dès 1853, chaque année, jusqu'à la fin du Second Empire, dans la superbe Villa Eugénie. Eugénie raffole aussi des excursions à la campagne et décide ainsi de gravir le sommet de la Rhune le 30 septembre 1859. Un monument témoigne encore aujourd'hui de cet événement. L'ascension se fera par Sare, à dos de mulet, mais, par le chemin le plus raide. On sait que l'Impératrice dédaignera ce jour-là le repas préparé par les cuisiniers de la Villa Eugénie pour lui préférer les mets rustiques offerts par les Saratar (habitants de Sare). Elle fera ainsi honneur aux tranches de xingarra (jambon), à l'omelette aux piments doux et au gâteau basque parfumé aux amandes.


 

C'est le 24 juin 1912 qu'est autorisée la construction et l'exploitation du train de la Rhune. 1913 voit la création de la Société anonyme des chemins de fer basques, mais les travaux seront interrompus de 1914 à 1919, pour ne reprendre qu'à la fin de la guerre. Le 25 avril 1924, le premier tronçon Saint-Ignace- Les Trois Fontaines est achevé et la ligne d'être inaugurée le 30 juin. Compte tenu du terrain abrupt, le système de crémaillère fut retenu. Les motrices (ci-dessus) poussent les wagons à la montée et les retiennent à la descente. La traction et le freinage se font par les deux roues dentées centrales actionnées au moyen de couples d'engrenages alimentés par deux moteurs de 160 CV. Les freins sont actionnés par les deux conducteurs mais il existe aussi un frein automatique qui est conçu pour entrer immédiatement en action si le convoi dépasse les 9 kilomètres/heure. Les voitures, elles, sont en bois verni et furent construites par les établissements Soulé de Bagnères-de-Bigorre. Chaque train est composé de deux voitures, possédant six compartiments de dix places assises chacun, soit un total de 120 places par train. Entre 2004 et 2006, la Société du train fera l'acquisition de deux voitures provenant du chemin de fer de la Jungfrau (Suisse) dont l'un des éléments sera transformé en wagon atelier pour exécuter des travaux en ligne. Le petit train dispose enfin d'une voiture « plateforme travaux » munie d'un échafaudage pour l'entretien de la ligne électrique. Les motrices des convois furent construites par la Suisse et pèsent 17 tonnes. Alors que le Train de la Rhune ne disposait en 1938 que de deux rames complètes, la société dispose désormais de six motrices, huit voitures, un plateau travaux, une voiture atelier et une voiture suisse en dépôt. Une équipe de quinze personnes s'active toute l'année (jusqu'à 40 personne en période estivale) afin de permettre le bon fonctionnement du petit train à crémaillère. Les matériels roulants durent être restaurés et cette restauration se déroula dans les règles de l'art : plans et matériaux d'origine furent pour l'occasion ressortis et deux entreprises locales furent mises à contribution. D'un côté, on rénova organes de roulement et châssis des voitures, de l'autre, on refit à l'identique les compartiments des voitures avec les mêmes essences d'arbres qu'en 1924. La toiture est par exemple en pin des Pyrénées, le plancher en pin des Landes, le lambris en châtaignier de l'Ariège, et la plateforme en iroko, un bois exotique imputrescible d'Afrique. C'est non seulement une ascension au sommet de la Rhune que vous effectuez en montant à bord de ce train, mais aussi une remontée dans le temps.


 

Quant à la voie ferrée, elle possède un écartement standard d'un mètre et est munie sur toute sa longueur d'une crémaillère centrale. Elle est surmontée d'une caténaire qui fut remplacée en 1996. Les traverses en bois furent elles aussi remplacées en 2005 par des traverses métalliques. La ligne est alimentée par un courant de 3000 volts.

Outre des paysages magnifiques, les visiteurs peuvent apercevoir au cours de leur voyage d'étranges petits chevaux, appelés pottoks. Ces animaux robustes (ci-dessous en photo) se reproduisent librement et cohabitent avec les betiso (petites vaches rousses des Pyrénées) et les manech (brebis basques, sur cette deuxième photo). On trouve aussi plusieurs oiseaux rapaces comme le vautour fauve, le milan royal, le vautour percnoptère d'Egypte ou la gypaète barbu. Le sommet de la Rhune accueille restaurants et émetteur TV. L'émetteur fut bâti à l'emplacement de l'ancien hôtel Imperator, établissement de dix chambres mis en service en 1928. L'endroit connaitra une vie des plus mouvementées entre les problèmes de gestion, de transports de personnels jusqu'au sommet, et cette violente tempête qui ravagea l'hôtel au cours des années trente. Faute de clientèle, celui-ci cessera toute activité en 1937. Il faudra l'arrivée des Allemands lors de la Seconde guerre mondiale pour que l'endroit soit réaménagé par les observateurs de la marine de guerre allemande qui la transformeront en ...station météorologique ! Un radar et une batterie anti-aérienne y trouveront également place. A cette époque, le petit train sera réservé aux seuls besoins de l'envahisseur et Himmler l'empruntera en 1940 pour se rendre en tournée d'inspection. Mais avant leur fuite, quatre ans plus tard, les Allemands feront sauter leurs installations et détruisant en même temps une partie de l'hôtel Imperator. Les deux seules pièces encore en état serviront un temps de buvette et de cantine, en attendant que l'installation du Centre d'émission de la télévision de la Rhune n'investisse définitivement les lieux.


 

L'endroit sauvage du massif de la Rhune demeura très longtemps un lieu de culte païen, un ermitage chrétien et un lieu de sabbat. On y vit aussi s'y développer jadis le gauazko lana (travail de nuit, ou contrebande). Cette activité, plus ou moins licite, assurera malgré tout la survie de nombreuses familles basques qui s'étaient alors reconverties en commerçants frontaliers. De véritables filières virent le jour, avec bailleurs de fonds et commanditaires. Et c'est par milliards d'anciens francs qu'on comptera les bénéfices de cette contrebande jusqu'à ce que ne soit fermée la frontière commerciale de Sare, en 1960. Je vous l'ai dit, voyager au cœur de la Rhune est une (re)découverte de l'histoire du Pays basque. Et le train de la Rhune en est le meilleur véhicule !

 

INFOS PRATIQUES :


  • Le Train à crémaillère de la Rhune, Col de Saint Ignace, à Sare. Tél : 05 59 54 20 26. Ouvert tous les jours du 14 février au 1er novembre : de 9h30 à 11h30 et de 14h00 à 16h00 en basse saison et de 8h30 à 17h30 du 11 juillet au 31 août. Tarif (A/R) : adulte 18 €, enfant de 4 à 12 ans 11 €, forfait famille (2 enfants + 2 adultes) 54 €, chien 6 € . Durée du trajet: 30 minutes. Départs tous les 35 minutes. Site internet : http://www.rhune.com

  • Un circuit numérique peut être effectué au sommet de la Rhune. Celui-ci comporte douze bornes (de la table d'orientation au plateau Larre Ona) et est accessible à l'aide d'un smartphone qui lit les codes QR. Deux circuits sont disponibles : le circuit panoramique (trois étapes) et l'histoire et patrimoine de la Rhune (9 étapes). Leur accès est gratuit. A défaut, il est conseillé de se procurer un plan papier à la billetterie. Mieux vaut également prévoir des vêtements chauds car l'altitude atteint tout de même 905 mètres. De nombreuses activités sont proposées au public (95 jours par an) au sommet du massif. Merci de consulter le site http://www.rhune.com

  • Merci au personnel du Train de la Rhune pour son charmant accueil, et au service de presse pour sa précieuse aide.

  • A conseiller, la lecture du livre « La Rhune-Larrun » de Jacques Antz et Isabelle Fleury (Editions Sud-Ouest), pour approfondir vos connaissance sur le fameux massif, mais aussi sur l'histoire du célèbre petit train.

  • Office de tourisme de Sare : http://www.sare.fr

  • Site des grottes de Sare : http://www.grottesdesare.fr


 








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