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Tokaïdo, la Route de la Mer de l'Est - Nissaka et Kakegawa
(Préfecture de Shizuoka, Japon)
Heure locale


Mercredi 17 février 2016

 

Cette fois, je découvre la ville de Kakegawa, dans la Préfecture de Shizuoka. Outre le fait qu'on y produit du thé vert, cette cité fut autrefois la 26è étape de la route Tokaïdo. Juste avant elle, on trouve Nissaka-shuku (en estampe ci-dessous), 25è étape du parcours, nichée jadis au pied du col Sayo-no-Nakayama, l'un des trois obstacles les plus conséquents de cette route shogunale. Le passage de Nakayama Shindo vit la création du premier péage nippon dès 1880 . On le doit à Sugimoto Gonzo qui, lui, était originaire de la station de Kanaya. 20 000 à 30 000 ouvriers furent nécessaires pour creuser ce passage de près de sept kilomètres, qui sera fréquenté par plusieurs centaines de chariots et des milliers de personnes, avant que le chemin de fer ne vienne lui retirer sa clientèle neuf ans plus tard. Il existe une partie pavée sur cette route, et trente mètres seulement de la pente de Kanaya ont ainsi été empierrés, avant qu'en 1991, des travaux ne portent à 430 mètres la longueur de cet ouvrage. A l'époque, 600 habitants de la cité de Shimada transportèrent les matériaux indispensables aux travaux de restauration.

On peut encore apercevoir les ruines du château de Suwahara au sommet d'une montagne. L'ouvrage avait alors été commandé par Takeda Katsuyori en 1573. Les restes témoignent de la parfaite utilisation du contexte géographique lors de l'érection du bâtiment, dans le style local de fortification« Kosyu ». Et le sanctuaire qui avait été aussi bâti à l'intérieur du château abritait la dépouille de Suwa Myojin, le dieu gardien du clan Takeda. C'est en effet depuis cette position forte que la famille Takeda mettra la main sur la Province d'Enshu (à l'ouest de l'actuelle Préfecture de Shizuoka).

 

Un peu excentré de Kakagawa, je ne me rendrai pas à Nissaka (qui fait pourtant aujourd'hui partie de la même ville). A condition de prendre le temps, on peut pourtant y apercevoir Fujibun, ancienne résidence d'Ito Bunshichi, lequel était alors chargé de préparer ouvriers et chevaux de relais sur la route Tokaïdo, de 1860 à 1867. Le bâtiment avait été construit au milieu du XIX ème siècle, avant que n'y soit rajoutée plus tard une annexe. En 1871, notre homme y installera une agence postale dont on dit qu’elle aurait été le premier bureau de poste du pays. Malheureusement souvent disparues depuis, les auberges comme celle de Kawazakaya accueillaient à l'époque des personnes de haut-rang et de nobles samouraïs qui souhaitaient prendre quelque repos avant de poursuivre leur voyage. La construction de ces auberges locales remontent à 1852 (année du grand incendie de l'étape de Nissaka) ou, pour d'autres, après le grand tremblement de terre Ansei Tokai, en 1854. Le refuge de Kawazakaya a depuis été restauré dans les règles de l'art.

Un autre lieu d'intérêt de cette station de Nissaka : Kosatsuba. L'endroit servait à y archiver lois et ordonnances du shogunat. Cette construction se tenait sur le site du temple Sodenji. Un autre sanctuaire, celui de Koto no mama Hachimangu, aurait été déplacé par Sakanoue no Tamuramaro en 807 sur ordre de l’empereur. Là, les pèlerins priaient pour demander la sécurité lors de leur voyage et déposer des vœux. Deux arbres, le camphre (arbre sacré du sanctuaire) et le cèdre, ont depuis été désignés comme monuments naturels de la ville de Kakegawa. A noter que le sanctuaire en question est situé à l'entrée ouest de la station de Nissaka. Cette dernière utilisait jadis plusieurs caractères pour retranscrire son nom, bien que l'endroit n'était guère qu'une petite ville située entre la station de Kanaya, sur les berges de la rivière bleue, et celle de Kakegawa, ville-château se trouvant à l'intersection d'une ancienne route du sel. L'estampe d'Hiroshige montre des voyageurs sur une route escarpée au milieu d'impressionnantes montagnes noires, qui observent un gros rocher sur la route. Cette pierre était un jalon bien connu des voyageurs sur la route Tokaïdo, et portait le nom de « pierre qui pleure la nuit ». En effet, d'après la légende, des bandits auraient attaqué, puis tué une femme enceinte à cet endroit. Une fois morte, un prêtre qui passait par là aurait entendu la pierre l'appeler pour qu'il sauve l'enfant encore vivant. Quant à la ligne de chemin de fer Tokaïdo, elle fut construite sous l'ère Meiji afin de contourner le difficile col mais contribua au déclin de la petite ville de Nissaka, jusqu'à ce qu'une route (la route N°1) ne soit restaurée après la Seconde guerre mondiale et ne contribue à nouveau au désenclavement du lieu. Et Nissaka d'être fondu à la ville voisine de Kakegawa, en 1955.


 

Penchons-nous maintenant sur la 26è étape du Tokaïdo : la ville-château de Kakegawa, où j'ai posé mes valises pour quelques jours. On doit le château (en photo ci-dessus) à Yamauchi Kazutoyo (ci-dessous). Guerrier de l'époque Sengoku, et né en 1546 dans la Province d'Owari, il était le fils de Yamanouchi Moritoyo. Placé sous les ordres de Nobunaga Oda entre 1565 et 1582, Kazutoyo se battra pour son maitre lors de la bataille d'Anegawa, puis lors de celle de Nagashino. Lorsque Nobunaga sera tué, Kazutoyo se mettra alors au service d'Hideyoshi Toyotomi, lequel, pour le remercier, lui confiera un fief de 50 000 koku, celui de Kakegawa. Lors de la bataille de Sekigahara, sentant le vent tourner, notre homme se placera cette fois du côté de Ieyasu Tokugawa en lui amenant 2000 de ses hommes puis enlèvera le château de Gifu. Et Tokugawa Ieyasu de le remercier en lui confiant la Province de Tosa, où il fera bâtir le château de Kochi. Chiyo, son épouse, fut considérée comme l'un des plus grands modèles de femme de guerrier, car elle était très économe pour l'époque (c'est elle qui tenait les cordons de la bourse), et pleine de bon sens économique. Elle ne donnera cependant pas d'héritier au clan.

Erigé il y a environ 500 ans, le château de Kakegawa prit forme pour la première fois sur l'initiative de Yoshitada Imagawa, lord des lieux durant la période des Guerres civiles. La famille perdra peu à peu son influence et laissera la place à Kazutoyo Yamauchi, vassal du clan des Toyotomi. Le bâtiment occupe une surface totale de 305 m2 et se dresse sur trois niveaux. Mieux vaut ne pas manquer une marche car la chute risque d'être très raide compte tenu de l'escalier, extrêmement pentu, qui conduit dans les étages. L'ensemble a une hauteur de vingt mètres et n'est pas si grand que cela, même s'il en impose depuis l'extérieur. Le château sera presque totalement détruit lors du séisme de 1854 puis s'écroulera de lui-même en 1869. Une longue période s'écoula durant laquelle le site sera utilisé comme parc. Puis l'ensemble sera plus tard reconstruit en bois (le premier du genre).


 

En contrebas du château, s'élève le Goten (Palais), en photo ci-dessous. Celui-ci vit le jour dans la dernière partie de l'ère Edo et eut alors trois fonctions : il accueillait les cérémonies officielles, servait de résidence pour le lord, et était utilisé comme bureau gouvernemental. Il ressemble un peu au palais Nijo de Kyoto, car érigé à l'intérieur des murs du château. Lui aussi fut détruit par le tremblement de terre de 1854, puis rebâti par Sukekatsu Ota, le lord de l'époque à Kakegawa. Le palais tombera en ruines vers 1869 alors même que le clan Ota continuait à vivre au château. Lorsque le château lui aussi tomba en ruines, le Goten fut utilisé comme école militaire par la famille Tokugawa et la police. Lors de l'abolition des fiefs des daïmios et l'instauration des préfectures, en 1871, le palais sera simultanément transformé en école pour filles, hôtel de ville, caserne de pompiers et autres lieux d'accueil, avant d'être finalement désigné, en 1980, comme bien culturel important. La construction s'étend sur une surface de près de mille m2, et est bâti entièrement en bois, avec un toit recouvert de tuiles. L'ensemble est bâti dans le style Shoin-zukuri, et offre vingt pièces recouvertes de tatamis et divisées en fusuma (murs de papier). Le Goten est divisé en trois parties : Shoin-to (là où se déroulaient les cérémonies officielles), Koshoin-to (résidence du lord) et Sho-Yakusho (bureau gouvernemental). Des vitrines offrent d'admirer des objets historiques et une maquette complète représentant la procession du daïmio (ci-dessous, deuxième photo). Du temps du shogun Iemitsu, un système de résidence alternée avait en effet été imposé aux daïmios. Ces derniers devaient résider alternativement à Edo, puis dans leurs provinces respectives. C'est en 1721 (sixième année de règne de l'empereur Kyouho) que seront fixées les règles de la procession d'un daïmio. Il fut alors décidé qu'un daïmio qui possédait par exemple plus de 100 000 koku pouvait disposer de dix soldats à cheval, suivis de 80 soldats à pied et de 150 porteurs, soit un total de 240 personnes. Mais, bien souvent, cette procession dépassait le nombre de personnes fixé.


 

Durant la période Edo, il existait une porte juste après le pont à Horiwari. De là, la route Tokaïdo tournait vers le sud puis formait plusieurs crochets (nanamagari) qui étaient destinés à assurer une meilleure défense contre un éventuel ennemi. On trouvait également des portes aux auberges et une tour de guet pour contrôler hommes et provisions qui pénétraient en ville. Certains endroits de Kakegawa ont toujours gardé les noms qu'ils portaient à l’époque. La ville servait autrefois de shukuba, c'est à dire de lieu de relâche le long de la route du sel qui traversait alors la Province de Shinano, entre les villes actuelles de Makinohara et Hamamatsu. Cette province de Shinano est aujourd'hui devenue la préfecture de Nagano. L'ancienne capitale provinciale se trouvait près de Matsumoto et la province de l'époque s'étendait sur un vaste territoire, avec de multiples fiefs (pendant la période Sengoku). L'endroit vécut aussi de nombreuses batailles.

L'estampe d'Hiroshige consacrée à l'étape de Kakegawa, montre des voyageurs qui traversent un pont-chevalet. Un vieux couple se bat contre un fort vent, suivi d'un jeune garçon qui fait des gestes de moquerie. Un homme, qui se trouve en face du vieux couple contemple quant à lui, un cerf-volant dans les airs., tandis qu'en arrière-plan, des paysans sèment du riz et qu'on aperçoit au loin le Mont Akiba perdu dans les brumes.


 

INFOS PRATIQUES :


  • Auberge Kawazakaya, à la station de Nissaka, ouverte à la visite uniquement les samedi, dimanche et jours fériés, de 10h00 à 16h00. Entrée gratuite. Guide volontaire à la disposition des visiteurs en appelant le 0547 27 2020.

  • salon de thé Ogi-ya Kosodate-ame, à Nissaka : celui-ci, fondé entre 1704 et 1710, est ouvert aux gourmands les samedi, dimanche et jours fériés, de 10h00 à 16h00.

  • Musée du Vitrail , à deux pas du Goten (Palais), à Kakegawa. Tél : 0537 29 5680. Ouvert tous les jours (sauf le lundi) de 9h00 à 17h00. Entrée : 500 yens. Informations uniquement offertes en langue japonaise. Il est interdit de prendre des photographies à l'intérieur de ce musée. L'endroit vaut cependant le déplacement. Boutique sur place. Site internet : http://www.kakegawa-stainedglass.com/english

  • Château de Kakegawa, 1138-24 Kakegawa. Tél : 0537 22 1146. Ouvert tous les jours de 9h00 à 17h00 (de février à octobre) et de 9h00 à 16h30 ( de novembre à janvier). Entrée : 400 yens. Billet à 810 yens incluant la visite du château, du Goten et du musée du vitrail (les trois attractions sont voisines). Photos autorisées (sauf au musée du vitrail).

  • Café de Laugh, en gare de Kakegawa (sortie sud), ouvert tous les jours de 7h30 à 18h30. Tél : 0537 22 6260.

  • Office de tourisme de Kakegawa situé à l'intérieur de la gare shinkansen, sortie sud.

     





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