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Tokaïdo, la Route de la Mer de l'Est - Narumi
(Nagoya, Préfecture d'Aichi, Japon)
Heure locale


Dimanche 28 février 2016

 

Je suis arrivé ce matin à Nagoya pour quelques jours. Nagoya me change des petites villes et en est presque étourdissante, tant il y a de monde. Je vais aujourd’hui à Narumi, la 40 ème station de la route du Tokaido. Celle-ci se trouve à l'intérieur de la ville de Nagoya, plus exactement dans l'arrondissement Midoriku. L'agglomération est étendue car il me faudra une bonne vingtaine de minutes en train avant d'atteindre la petite gare d'Arimatsu où j'ai décidé de me promener.

Au plus fort de son activité, Narumi-juku comptait 3643 habitants. La station possédait 847 bâtiments dont une honjin, deux waki-honjin (auberges secondaires) et 68 hatago. Le quartier d'Arimatsu est quant à lui apparu en 1608 le long du Tokaido sur l'initiative de Takeda Shokuro qui venait de s'installer à cet endroit déjà connu pour ses tissus imprimés. Arimatsu offre un cachet unique que j'ai rarement retrouvé ailleurs, et il suffit de s'y promener quelques instants pour s'en rendre compte. J'admirerai ainsi plusieurs maisons de caractère comme celle de la famille Hattori (ci-dessous), propriétaire du magasin Igetaya. Cette maison fut bâtie en 1790 et comporte deux niveaux. Elle fait à la fois office de magasin et de résidence, et son atelier de teinture ainsi que sa porte furent classés comme biens culturels importants de la Préfecture d'Aichi dès 1964, grâce à son architecture unique. Plus tard, la famille Hattori-Kohei récupéra la boutique qui fut érigée sur des fondations faites de pierres. Son toit à pignon (kirizuma-zukuri) ses murs en plâtre blanc style nurigome, censés résister au feu avec revêtement d'argile, sans parler de la partie inférieure du mur (namako-kabe) typique des constructions du milieu du XIX ème siècle, attirent l'attention.


 

Un peu plus loin, et toujours sur la route du Tokaido, je m'arrête au musée des chars et des poupées mécaniques. Je suis accueilli par une charmante dame qui m'invite à entrer et qui me montre la fierté de l'endroit, le char Jingu-Kogosha (ci-dessous). Ce char est l 'œuvre de Kyushichi, jadis charpentier à Nagoya, qui en avait reçu commande par la municipalité en 1873. Le char comporte trois poupées articulées manuellement, l'impératrice Jingu, figure légendaire, Takenouchi no Sukune, autre figure légendaire et assistant de l'impératrice, et un prêtre shinto. Durant le spectacle, l'impératrice danse avec Takenouchi no Sukune et pêche un poisson. Pendant la procession, le prêtre shinto ouvre et ferme les yeux à plusieurs reprises, tirant même la langue de temps à autre. L'ensemble, qui accueille cinq manipulateurs de marionnettes et dix musiciens, pèse près de trois tonnes et mesure six mètres de haut. Deux autres chars, Karako-Sha et Hotei-sha font aussi partie du défilé qui a lieu chaque année lors de la fête d'automne du sanctuaire d'Arimatsu, le premier dimanche d'octobre. Le char Karako-sha possède également trois poupées karako articulées. On entend par karako une poupée représentant un enfant vêtu de vieux habits chinois. Ce char fut construit entre 1830 et 1844 à Chita Utsumi (une localité située au sud de la Préfecture d'Aichi) avant d'être vendu à la ville en 1875. Il est fait de différents bois tropicaux (bois de rose et ébène) et est orné entre autres de coquillages. Le troisième char, Hotei-sha, contient une poupée de Hotei, l'un des sept dieux de la chance, qui trône à l'arrière du char. Hotei est le nom japonais du bouddha rieur, qui est une figure majeure dans la tradition populaire en Asie, tout particulièrement dans le bouddhisme, le taoïsme et le shintoïsme. Il représente la générosité, la fortune et l'abondance. A l'origine, un moine chan chinois, né à Fenghua dans le Zhejiang sous la dynastie des Liang postérieurs (X ème siècle) fut considéré comme l'incarnation de Maitreya, le futur bouddha. Ce moine serait mort en 916. Adopté entre temps par le taoïsme, il est admis dans cette tradition comme un dieu du contentement et de l'abondance, puis, de passage au Japon, intégrera le panthéon shintoïste jusqu'à faire partie des sept divinités du bonheur. C'est en 1891 qu'Arimatsu fit l'acquisition de ce dernier char mais on ne connait pas la date exacte de sa construction. Sur les côtés du char, on aperçoit quatre poupées mécaniques, dont une a la faculté d'écrire, et un large pan de tissu sur lequel sont brodés en fil d'or un phénix chinois, une tortue, un dragon et un kirin (créature mythique). Ces trois chars sont classés comme biens culturels importants de la ville de Nagoya.

 

Au premier étage du petit musée, je découvre quelques miniatures ,dont une maquette de char et une poupée articulée. Je remarque aussi des visages qui ne me laissent pas indifférents comme celui de Tamahime, Shishigashira ou Sho-Jyo (ci-dessous en photo) qui représente un monstre chinois imaginaire ayant les traits d'un être humain mais le corps d'un chien. Il possède une voix d'enfant, a des cheveux rouges et longs, comprend le langage des hommes et aime bien boire le saké. En bas, je suis invité à regarder une vidéo de dix minutes (sous-titrée en anglais) qui décrit la fête annuelle d'automne du sanctuaire d'Arimatsu. Dans un autre coin de la pièce, des dizaines de poupées Hina sont exposées et certaines participent à la reconstitution du défilé de la fête avec des chars miniatures.

 

De l'autre côté de la route, se trouve un autre musée, celui du shibori, une technique japonaise de teinture à réserve par ligature de tissu, qui remonte au VIII ème siècle. Je pénètre d'abord dans la boutique qui est située au rez-de-chaussée puis suis invité à me rendre au premier étage où se trouve un petit musée expliquant (uniquement en japonais) en quoi consiste le shibori. Les pièces de tissus représentent bien souvent des carrés de coton ornés de motifs naïfs (ci-dessous) ou des petites serviettes si utiles aux pèlerins qui passaient par la route du Tokaido. D'autres articles plus élaborés comme des kimonos sont aussi réalisés d'après cette technique. La confection d'un kimono peut par exemple demander de quatre à six mois pour sa complète réalisation. C'est dire ! Jadis, toute la population locale vivait de près ou de loin de cette activité qui offre plus d'une centaine de motifs différents, dont le Kanoko et le Miura. Ce genre d'impression demande une grande expérience de la part des ouvrières qui la pratiquent et il faut compter environ trois bonnes années de formation avant de pouvoir bien maitriser cet art. Certains s'y exercent depuis soixante ans. La production de motifs n'a de limite que l'imagination du concepteur tant on peut donner forme à des dessins différents. Tout est fait main, et les artisans sont spécialistes de tel ou tel savoir-faire, par exemple la technique Kanoko, ou bien Miura...Je ne dispose malheureusement pas d'informations plus précises sur cet art. Arimatsu vit du shibori depuis 400 ans et s'en porte bien.


 

Je reprends la route en direction du sanctuaire Temman, perché en haut d'une colline, de l'autre côté de la voie ferrée. Au passage, je passe devant des maisons traditionnelles de la période Edo (ci-dessous) qui possèdent souvent des caractéristiques architecturales communes : murs recouverts d'argile censés retarder l'incendie, et treillis traditionnel ornant les façades. La maison Kazuka offre ce genre de treillis au premier étage , mais également un toit étendu de style Udatsu. Elle compte parmi les plus anciennes maisons de la cité. Il me faudra de l'énergie pour gravir le long escalier qui me conduira au petit sanctuaire Temman (deuxième photo). Celui-ci accueille deux fêtes annuelles à Arimatsu : celle du printemps , qui a lieu le troisième dimanche du mois de mars, et celle d'automne, qui se déroule le premier dimanche d'octobre, et qui donne lieu à une procession avec les trois chars décrits plus hauts et leurs poupées articulées. Sur le chemin du retour, je m'arrêterai dans la petite gare de Narumi. Une fois la rivière locale franchie, je marche au-delà des feux (premier carrefour) et tombe sur un ancien point de contrôle de la route du Tokaido. Cette route chemine justement à Narumi, parallèlement à la rivière (on la retrouve justement au carrefour), et décroche à un moment donné, presque à angle droit. Cette technique était vouée à défaire l'ennemi en cas d'attaque. J'avoue, là encore, ne pas avoir assimilé la méthode...


 

INFOS PRATIQUES :


  • Musée des chars et des poupées mécaniques (Arimatsu Festival Float Museum), sur la route Tokaido (à deux pas de la maison Hattori), Arimatsu, Narumi. Tél: 052 621 3000. Ouvert tous les jours (sauf le mercredi) de 10h00 à 16h00. Entrée : 200 yens. Prise de photos autorisée. Ne pas manquer la vidéo qui décrit le festival annuel de la petite cité.

  • Musée du Shibori (technique d'impression de motifs sur tissus), en face de la maison Hattori, sur la route de Tokaido. Tél : 052 621 0111. Site internet : http://www.shibori-kaikan.com/

     

    Ouvert tous les jours, sauf le mercredi, de 9h30 à 17h00. Entrée : 300 yens.

  • D'autres infos sur le shibori sont disponibles (en anglais) sur ce lien : http://www.pref.aichi.jp/global/en/industries/traditional/arimatsu_marumi_shibori.html

  • Pour se rendre à Arimatsu depuis la gare de Nagoya, emprunter la ligne Meitetsu, puis descendre à Arimatsu. Coût : 350 yens.











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