Revoir le globe
Top


Tokaïdo, la Route de la Mer de l'Est - Seki
(Préfecture de Mie, Japon)
Heure locale


Dimanche 6 mars 2016

 

Le temps est gris en ce dimanche matin, à Kameyama. A neuf heures, je monte dans un train qui me conduira à la station, suivante, Seki. Autrefois 47 ème station de la route du Tokaido, cette petite ville fait en réalité partie administrativement de la ville de Kameyama. Cette région autour de l'ancienne shukuba a toujours représenté un important carrefour où se croisaient pèlerins et voyageurs, certains se rendant à Kyoto, ou Edo, d'autres au sanctuaire Ise-Jungu. Le carrefour qui se situait à l'entrée Est de la ville (ci-dessous sur une ancienne photo qui représentait l'installation du torii) correspondait au croisement de la route du Tokaido avec une autre route, Isebetsu Kaido, qui conduisait au sanctuaire Ise-Jingu. Tous les vingt ans, lors de la reconstruction des grands sanctuaires d'Ise-Jingu, on transportait le grand torii de l'entrée sud du pont Uji, près de Naiku (qui correspondait au sanctuaire shinto intérieur) jusqu'à ce carrefour. Aujourd'hui, se dressent à la fois le torii, une lanterne de pierre et un panneau d'informations.


 

Mais pourquoi ce nom de Seki attribuée à cette ville-étape ? C'est que ce lieu a toujours été, depuis les temps anciens, un lieu de rencontres, et donc un point de contrôle (seki, en japonais) pour la région d'Ise et de Suzuka. La cité était l'un des trois principaux points de contrôle existant alors, et a pris son appellation de la fonction qu'elle exerçait. Une foule de gens traversait la ville, d'où cette accumulation de maisons anciennes datant de cette époque du Tokaido. Précieux patrimoine qui valut d'ailleurs à Seki d'être choisie, en 1984, comme zone de préservation d'habitations traditionnelles, compte tenu du nombre exceptionnel de boutiques et de maisons anciennes qui ont survécu à l'épreuve du temps (Seki est la seule ville-étape du Tokaido dans ce cas). Je vais donc me promener quelques heures durant sur le 1,8 kilomètre que recouvre la route shogunale à l'intérieur de Seki afin d'en admirer les joyaux, cité qui s'étend tout de même sur 25 hectares au total.


 

Lorsque j'arrive sur place, ce dimanche matin, sur les coups de neuf heures, je suis pratiquement seul à visiter l'endroit. C'est magique. Et de découvrir les unes après les autres quelques-une des façades de ces 200 maisons préservées du temps et qui furent construites sous les périodes Edo et Meiji. La première fois que l'histoire parle de cette ville se situe à l'époque du décès de l'empereur Tenji, au temps de la rébellion de Jinshin, en l'an 672. Cette rébellion fut une guerre de succession pour convoiter le trône de l'empereur Tenjin qui avait préalablement désigné le prince O-ama comme successeur, avant de se raviser suite à la naissance de son fils, le prince Otomo. 38 ème empereur du Japon, Tenji régna de 661 à 672. Fils de l'empereur Jomei et de l'impératrice Kogyoku, il aura de nombreux enfants avec plusieurs épouses. A la mort de son père, Otomo monte donc sur le trône et devient l'empereur Kobun. O-ama, lui, s'était entre-temps retiré dans les montagnes, du côté de Yoshino, et reviendra bientôt à la tête d'une armée. Les nobles prenant alors parti pour l'un ou l'autre des prétendants feront dégénérer le conflit en guerre civile. A l'issue d'une rude bataille, O-ama remporte la victoire et Otomo (l'empereur Kobun) de se suicider, après seulement huit mois de règne. O-ama devient alors l'empereur Temmu. Et mettra en place une garnison à Seki, faisant du lieu un poste de contrôle pour les gens se rendant à Fuwa et à Suzuka. Plus tard, en 789, les trois postes de contrôle du Japon seront abolis sous le règne de l'empereur Kammu, mais il arrivera que la petit ville redevienne parfois et momentanément un point de garnison.


 

La façon dont le patrimoine a ici été préservé est impressionnante : qui imaginerait, à première vue, que la maison sur la photo ci-dessous est une banque ? Et pourtant, ç'en est une. La discrétion avec laquelle l'entreprise s'est installée derrière cette façade datant de l'ère Edo montre à quel point on a cherché à respecter le passé. La banque Hyakugo-ginko a certes été récompensée par un prix en 1997 pour sa réussite architecturale. Parfois, à Seki comme ailleurs, certaines honjin (auberges) ont disparu, mais il en reste encore le portail d'entrée comme dans le cas de la porte de l'ancienne honjin Kawakita, qui ouvre dorénavant sur le temple Enmei.

A deux minutes de la banque, j'aperçois Gochiso-ba (deuxième photo ci-dessous), un point de rencontre où les fonctionnaires de la petite ville-étape saluait le daïmio lors de la traversée de sa procession sur la route du Tokaido. On comptait jadis quatre endroits semblables.


 

Il existait aussi des maisons de geishas à Seki. Kaiunro en était une. Et Shokakuro, une autre. L'actuelle poste, elle, située à mi-route entre les entrées Ouest et Est de la route shogunale de la cité, occupe ce qui fut jadis le Kosatsu-ba (lieu où siégeait le gouverneur du temps d'Edo). Côté temples, il me semble en rencontrer moins souvent qu'à Kameyama mais j'en croiserai tout de même deux lors de ma promenade. Ainsi, Fukuzo-ji (en photo ci-dessous) abrite t-il la tombe de Koman, la fille de Maki Tozaemon, un vassal du clan Kurume (Kyushu) et instructeur de kendo. Pour venger l'assassinat de son mari, une épouse quittera le domicile et partira à la recherche du meurtrier. Alors qu'elle demeurait à Yamadaya, une auberge de Seki, elle donna bientôt naissance à une petite fille qu'elle prénomma Koman. Devenue souffrante, elle confia son enfant à Kichiemon, le propriétaire de l'auberge. Et notre aubergiste d'élever la petite tout en lui parlant de ses parents. A l'âge de quinze ans, la gamine commença à pratiquer le kendo dans le clan des Kameyama. Puis, à 18 ans, elle partit à la recherche du meurtrier de son père (qui fréquentait le même clan) jusqu'à le retrouver et lui régler son compte devant la porte du château de Kameyama.

Un autre temple, Jizo-in (deuxième photo) abrite le dieu des enfants et les trois bâtiments (le temple lui-même, le beffroi et Aizendo) ont été classés comme biens culturel importants. On prétend que ce lieu de culte aurait reçu la bénédiction de Gyoki-Bosatsu, un saint bouddhiste, en l'an 741 (13 ème année de la période Tempyo). Non seulement les habitants de Seki, mais aussi les gens qui travaillaient le long de la route du Tokaido avaient beaucoup de dévotion pour ce temple Jizo-in. J'observerai plusieurs personnes venant y faire une courte prière. En face de ce temple se dressent enfin d'imposantes maisons et des commerces. Aizuya en est une, et représente l'auberge typique de Seki. Et était autrefois appelée Yamadaya. Parmi les commerçants, on trouve Yokanya, avec ses fenêtres de style occidental au deuxième étage , l’échoppe de Kawaoto, puis celle d'un authentique forgeron. Il existait jadis plusieurs auberges dans la cité. Celles-ci accueillaient habituellement les visiteurs officiels et les lords féodaux lors du passage de leur procession à travers la ville-étape. Nous l'avons vu plus haut, il y avait l'auberge Kawakita et l'auberge Ito, dont il existe toujours l'entrée.


 

Un peu plus bas, se dresse encore aujourd'hui la superbe demeure de la famille Hashizume (ci-dessous), une famille de riches marchands à l'époque de la période Edo. Notons la forme du toit en triangle, ce qui est plutôt rare à Seki. Le propriétaire se tient devant sa maison et m'invite à entrer. A l'intérieur, une grande pièce est magnifiquement décorée de poupées à l'occasion de la fête annuelle des petites filles, qui se termine ce soir.

Autrefois, Seki comptait pas moins de seize chars qui parcouraient les rues de la cité lors des fêtes. Il n'en reste plus désormais que quatre. Et chacun d'oeuvrer selon l'expression consacrée, Seki no yama (du mieux que l'on peut), offrant de son talent pour réaliser le plus beau char. Sur la deuxième photo ci-dessous, on peut admirer un Dashi Gura, un hangar pour char, avec sur la porte la photographie du char et toute l'équipe ayant participé à sa construction (troisième photo)

 

Je m'arrête ensuite visiter une maison traditionnelle, celle de Machinami, qui est transformée en musée (ci-dessous). Cette demeure était celle d'un marchand et on peut désormais y admirer quelques objets exceptionnels comme par exemple une superbe boite à ouvrage (deuxième photo) ou un coffre-fort en bois pour y stocker des valeurs. A l'étage, s'étalent des photographies des maisons de Seki. Les textes sont malheureusement rédigés en japonais seulement.

 

Le même ticket d'entrée permet aussi de visiter Tamaya hatago (auberge offrant aux gens simples le gite et le couvert du temps d'Edo, en photo ci-dessous), lui aussi transformé en musée. Je suis surpris par la taille de l'établissement. Tamaya était l'une des principales auberges de la cité et il était courant de chanter à l'époque : « Si tu passes par Seki, arrête-toi à Tsuruya ou à Tamaya, et si tu stes plus longtemps, rends-toi à Aizuya». C'est tout dire ! Cette construction fut bâtie durant la période Edo et on peut encore de nos jours y voir les ustensiles utilisés à l'époque, et la cuisine qui servait à préparer les repas pour les voyageurs. J'y apercevrai le nécessaire de nuit, ou prêt à coucher (deuxième photo), de quoi bien dormir au ras du sol.


 

Enfin, lorsque vous visiterez Seki, faites comme moi et levez la tête. Les toits offrent en effet presque autant de surprises que les façades des maisons, avec leurs ornements parfois inattendus !


 

INFOS PRATIQUES :


  • Maison musée Machinami sur la route du Tokaido, à Seki. Ouverte tous les jours de la semaine (sauf le lundi), de 9h00 à 16h00. En avril, mai et octobre, pad de jour de fermeture. Entrée : 300 yens (billet valable pour visiter le hatago Tamaya). Prise de photos autorisée.

  • Hatago-musée, sur la route du Tokaido, à Seki. Tél : 0595 96 0468. Ouverte tous les jours (sauf le lundi). Entrée 300 yens (ticket aussi valable pour la visite de la maison Machinami, tout proche)









Retour aux reportages







Qui Suis Je - Reportages - Médiathèque - Calendrier - Pays - La lettre - Contact
Site réalisé par Kevin LABECOT
Disclaimer - Version mobile