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Tokaïdo, la Route de la Mer de l'Est - Otsu et Kyoto
(Préfectures de Shiga et de Kyoto, Japon)
Heure locale


Jeudi 10 Mars 2016

 

Dernière étape de ce voyage dans le temps avec Otsu, puis l'arrivée à Kyoto. Il pleut aujourd'hui sur la région et c'est sous le déluge que je réaliserai mes dernières photos. Otsu ne se trouve qu'à une dizaine de minutes par train de Kyoto. La ville, dont le nom signifie Grand port, est la capitale de la Préfecture de Shiga, avec ses 350 000 âmes. Située au bord du lac Biwa, elle possède un certain charme mais je ne me consacrerai cette fois qu'à ses attraits le long de la route du Tokaido.

Le lac Biwa est le plus grand lac d'eau douce au Japon, au nord-est de l'ancienne capitale impériale, Kyoto. La littérature japonaise y fait souvent référence en raison de la proximité avec les anciennes capitales, en particulier dans la poésie et les récits de batailles. Son nom provient du biwa, un instrument à corde japonais d'origine chinoise. Le lac abrite trois îles, Chikubu, Okishima et Takeshima. S'étendant sur une surface de 670 km2, il est entouré de rivières qui drainent les montagnes environnantes et apportent l'eau potable à quinze millions de personnes. Troisième plus vieux lac au monde (après le lac Baïkal et le lac Tanganyika), il a quatre millions d'années et on peut découvrir son histoire au musée d'histoire naturelle qui lui est consacré. L'endroit possède en effet un écosystème varié, avec 1100 espèces vivantes dont 58 espèces endémiques.

 

53 ème station de la route du Tokaido, Otsu-juku (ci-dessous) était aussi la 69ème et dernière station du Nakasendo. Elle abritait deux honjin, une waki-honjin (auberge secondaire) et 71 auberges pour les autres voyageurs. A ma descente du train, je me rends à l'office du tourisme qui se trouve juste devant la gare. Là se tient un mobile-home où une dame japonaise, qui pratique la langue française, vous accueille pour vous vanter les attraits de la région. Il apparaît que la route du Tokaido traverse le centre-ville d'Otsu où quelques anciennes maisons demeurent encore bien qu'elles ne soient pas aussi remarquables qu'à Seki (deuxième photo).


 

Je m'arrêterai devant une stèle de pierre (ci-dessous) marquant l'endroit où se déroula ce qu'on appela ici l'incident d'Otsu : le 11 mai 1891, alors que le tsarévitch Nicolas Alexandrovitch de Russie, le futur tsar Nicolas II, effectuait une visite officielle au Japon, il fut victime d'une tentative d'assassinat. Cette visite avait eu lieu avant la cérémonie d'inauguration de la construction de la ligne de chemin de fer du Transsibérien, et le tsarévitch accostera avec la flotte russe du Pacifique à Kagoshima (Kyushu), puis à Nagasaki, et Kobé. Il poursuivra ensuite sa route jusqu'à Kyoto, appréciant l'artisanat local au point de se faire tatouer un dragon sur le bras gauche le 4 mai. L'agression, elle, aura lieu alors que le tsarévitch revenait d'Otsu après s'être rendu au lac Biwa, et repartait pour Kyoto. C'est Tsuda Sanzo, l'un des policiers de son escorte, qui le frappera au visage avec un sabre. Et c'est la présence d'esprit du prince George de Grèce, lequel donnera à l'agresseur des coups de canne, qui sauvera la vie de Nicolas. Rentrant d'urgence à Kyoto, il sera soigné au palais impérial où résidait le prince Yoshihisa Kitashirakawa. Anxieux que cette agression puisse servir de prétexte à une guerre, le premier ministre japonais de l'époque conseilla à l'empereur Meiji de se rendre immédiatement et en personne auprès de Nicolas. Et l'empereur de monter à bord d'un train à la la gare de Shimbashi (Tokyo) pour retrouver quelques heures plus tard le jeune prince russe à Kyoto. L'empereur Meiji exprimera sa tristesse face à cette agression, ce qui mènera à une vague de soutien pour le tsarévitch qui recevra plus de 10 000 télégrammes pour lui souhaiter un prompt rétablissement. Une ville de la préfecture de Yamagata alla même jusqu'à interdire l'usage du nom de famille Tsuda et du prénom Sanzo. Lorsque le tsarévitch décida d'écourter son séjour nippon, une jeune femme japonaise se tranchera aussi la gorge devant la préfecture de Kyoto dans un acte de contrition publique. Elle mourra à l'hôpital mais la presse japonaise la surnommera Retsujo (femme courageuse). Quant à l'agresseur, il sera condamné à la prison à perpétuité, à la prison de Kushiro (Ile d'Hokkaido).


 

Je poursuis ma promenade pluvieuse à Otsu, ville qui fut brièvement, elle aussi, capitale du Japon, il y a 1300 ans. Le long d'une galerie commerçante, se trouve le musée de la fête d'Otsu, avec la copie authentique d'un des treize chars (hikiyama) qui participent à ce rendez-vous annuel d'octobre, quelques jours avant la fête nationale de l'éducation physique. Une parade de chars a alors lieu en commémoration du sanctuaire Tenson (ci-dessous) et un tirage au sort a lieu pour déterminer l'ordre d'apparition des chars, tandis que le char Saigyozakuratanuki-yama, lui, ouvre tous les ans le défilé. Ce char, construit en 1635, a pour légende un raton-laveur, et porte plus communément le nom de Tanuki-yama, plus facile à prononcer. Le char que je découvre au musée (deuxième photo) est appelé Seiobo-zan, ou Momoyama. Il date de 1656 et tient son nom d'une femme ermite portant le nom de Seiobo, qui vivait au Mont Kunlun-Shan (Chine) et redescendit sur terre sous la forme d'une nymphe céleste qui offrit à l'empereur une pêche pour célébrer sa longévité. Cette pêche était si précieuse que le pêcher dont elle provenait ne donnait un fruit qu'une fois tous les 3000 ans. D'où la présence sur ce char d'une pêche s'ouvrant en deux pour laisser apparaître une marionnette représentant l'empereur.

Les chars sont tout d'abord rassemblés (troisième photo ci-dessous) avant la parade. Puis rejoignent leur hangar respectif à l'issue de la fête jusqu'à l'année suivante. Chaque char possède une unique marionnette qui s'exprime devant le public lors du défilé. On dit que les heureux spectateurs qui réussissent à attraper l'un des chimaki (bouquet de bambou et de paille de riz) lancés depuis les chars, connaitront le bonheur pour l'année à venir. Compte tenu de sa situation stratégique le long du lac Biwa permit à Otsu de devenir un lieu d'échanges commerciaux important dès le XVI ème siècle, avec des liens de communication avec Kyoto, autant de sources d'enrichissements pour ces marchands qui patronnèrent les chars de la ville, durant la période Edo et au XVII ème siècle. A l'origine de cette tradition d'Otsu, l'histoire d'un marchand de sel, Shiouri Jihei, qui, en 1596, inventa une danse effectuée avec un masque de raton-laveur lors de la fête du sanctuaire Tenson. Le public apprécia beaucoup la danse et construisit deux ans plus tard un char en bambou sur lequel Shiouri Jihei exécutera sa danse pour le grand plaisir des spectateurs. Et cette tradition de se poursuivre les dix années suivantes. Mais un jour, l'état de santé du vendeur de sel ne lui permit plus de danser et le char fut alors équipé d'une marionnette Tanuki.

 

A cinquante mètres du musée, je découvre une ancienne librairie datant de la période Meiji (ci-dessous) appelée Hyakuchokan. Le plan actuel de cette demeure remonte à 1900 et c'est à Monsieur Tatsujiro Imai que nous le devons. Ce document spécifiait en autre de ne jamais planter dans le petit jardin (deuxième photo) un arbre à fleurs rouges car cela pourrait nuire à la prospérité du commerce. Au contraire, les plantes à fleurs blanches, elles, apporteraient la bonne fortune. Du côté de la cuisine, on trouvait cinq cuisinières portant les doux noms de Jigashimuki, Go, Kawa, Dai et Kichi, qui signifiaient respectivement « orienté à l'Est », « cinq », « rivière », « grand » et «chance ». Deux petits magasins attenants à la maison se dressaient dans la partie nord de cette dernière. A l'origine, Machiya était une maison d'habitation urbaine apparue à Kyoto, au milieu de la période Edo. Ses caractéristiques : une charpente traditionnelle en bois avec de solides piliers intérieurs et extérieurs, alignement avec les maisons voisines et façade donnant sur la rue, toit de tuiles, larges portes d'entrée, treillis et mur en boue.


 

De retour à Kyoto, je saute dans un bus au départ de la gare JR et pars à la découverte de l'étape d'arrivée de la route shogunale du Tokaido : Sanjo Ohasi (en estampe ci-dessous) est un pont de Kyoto qui enjambe la rivière Kamo, resté célèbre pour avoir à la fois servi de terminus pour le Nakasendo et le Tokaido. La date de construction de ce pont (deuxième photo) n'est pas connue mais des documents attestent que Toyotomi Hideyoshi donnera l'ordre d' y effectuer des réparations en 1590. La construction est entre autre reconnaissable à ses giboshi originels (poteaux en forme d'oignons sur la troisième photo ci-dessous). Ce pont, qui mesure aujourd'hui 74 mètres de long et quinze mètres de large, fut très tôt un lieu stratégique pour le passage des hommes et des marchandises, même si on pense qu'il ne s'agissait au départ que d'une simple structure qui survivra jusqu'à la période Muromachi. Il faudra attendre 1590 pour que l'ouvrage prenne sa forme définitive grâce à l'intervention du magistrat Masuda Nagamori. Du pont d'hier reste encore, à l'extrémité nord-ouest de l'ouvrage, un piler en pierre qui marque l'endroit où l'on affichait jadis les dépêches publiques.


 

INFOS PRATIQUES :


  • Office de tourisme, devant la gare JR (petit mobile-home) à Otsu. Tél:077 522 3830. Ouvert de 8h40 à 17h25.

  • Musée de la Fête d'Otsu, Chuo 1-chome, à Otsu. Tél:077 521 1013. Ouvert tous les jours (sauf le lundi) de 9h00 à 18h00. Entrée libre. Reproduction d'un hikiyama (char) et d'autres objets relatifs à la fête. Projection d'un film de 5 minutes retraçant le déroulement de la fête annuelle, qui a lieu chaque année début octobre (date de la prochaine fête dans la rubrique Spectacles du site). Site internet : http://www.otsu-matsuri.jp/home/

  • Ancienne librairie Hyakuchokan, 8-13, Chuo 1-Chome, à Otsu. Tél : 077 527 3636. Ouverte tous les jours de 10h00 à 17h00 (fermeture irrégulière). Entrée libre. Site internet : http://hyakucyou.s11.xrea.com/

  • Pour se rendre au pont Sanjo Ohashi, le plus simple est d'emprunter l'autobus N°17 à la gare de bus (sortie gare JR côté Tour de Kyoto), parking C3. Cout du trajet : 230 yens. Environ 25 minutes jusqu'à l'arrêt Sanjo Keihan Mae. Pour le trajet retour, prendre l'autobus de l'autre côté du boulevard longeant la rivière, de l'autre côté du carrefour.

 











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