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Exposition "Des Chevaux et des Hommes - la Collection Emile Hermès, Paris"
(Musée Pointe-à-Callière, Montréal, Québec, Canada)
Heure locale

 

Mardi 5 juillet 2016

 

Chic, j'ai pu échanger un vol pour me rendre cette fois à Montréal. Je n'aurai sur place qu'une courte escale , mais, comme certains ont besoin de leur dose de poudre quotidienne, j'éprouve pour ma part le besoin de faire une pause culturelle au musée de Pointe à Callières. Ca tombe bien car ce musée présente actuellement, et jusqu'au 16 octobre prochain, l'exposition « Des Chevaux et des Hommes », consacrée à la collection d'objets historiques d'Emile Hermès. Cette exposition, présentée sur deux étages, est un événement mondial car c'est la première fois que la famille de ce chef d'entreprise français (et quelle entreprise!) rend possible la présentation de près de 250 objets remarquables issus du cabinet d'amateur du 24, rue du Faubourg Honoré à Paris.

D'une richesse insoupçonnée à la fois historique et patrimoniale, cette collection (qui ne manque pas de selle!) évoque l'histoire du cheval et de sa relation avec l'homme. Et jusqu'à présent, seuls quelques privilégiés avaient pu admirer celle-ci, conservée à un étage de la prestigieuse adresse. L'occasion est pour moi unique de plonger dans cet univers d'Emile Hermès et de mieux comprendre la passion qu'animait cet homme au fil de cette exposition. Cet amoureux du monde collectionna en effet tout ce qui se rattache au monde équestre à travers des milliers d'oeuvres d'art, de tableaux, de livres, d'objets rares et insolites et d'autres choses usuelles dont le quotidien a depuis disparu. A ce moment-là , le cheval était omniprésent dans les rues de la capitale française tandis que l'automobile allait bientôt s'imposer à son tour. Pour Emile, l'occasion était trop belle de préserver les objets témoins de leur temps. Sur place, je découvrirai également les dessins du petit-fils d'Emile, Philippe Dumas. Et de partir à la découverte de cet extraordinaire univers articulé autour du beau, de l'étonnant, de l'imaginatif et de l'unique, et tout droit sorti des mains de l'artisan.

 

Fondée en 1837, à Paris, la Maison Hermès a alors à sa tête Thierry Hermès qui fabrique selles et harnais pour chevaux. L'industrie est florissante en ce milieu du XIX ème siècle, car le cheval demeure le principal moyen de transport. Cet animal était apparu dans les immenses steppes de l'Eurasie au IV ème millénaire avant notre ère, à la suite d'une domestication tardive. L'homme parviendra peu à peu à l'atteler, et les chars de précéder la cavalerie, avant de laisser la place à l'art équestre. Hermès, lui, va se faire rapidement remarquer dans le monde des selliers de luxe en gagnant d'abord un titre lors de l'Exposition Universelle de 1867. Cette récompense contribuera à attirer plus tard une clientèle riche et élitiste. En 1878, Charles-Emile Hermès succède à Thierry, son père, à la tête de la prestigieuse maison. Et d'étendre ses activités vers la maroquinerie, en proposant sacs, pochettes et sacoches en cuir pour les cavaliers. Le sac haut à courroie, créé en 1892, qui permettait de ranger à la fois bottes et selles, sera un énorme succès, au point que plusieurs têtes couronnées d'Europe ou hommes d'Etat voudront à leur tour s'offrir un produit de cette marque. A cette époque, le cheval est encore associé à la monarchie, à la noblesse et à la bourgeoisie, ainsi qu'aux écuries de prestige. Déjà, à la Préhistoire, l'animal occupait la paroi des grottes, symbolisant puissance et rapidité, avant de devenir incontournable dans la vie de l'homme, par les tâches quotidiennes multiples qu'il permettait d'accomplir. Et Emile Hermès d'être séduit par cette créature à quatre pattes qui souvent vit et meurt en ne laissant de souvenirs qu'au cavalier qui l'a tant aimé.


 

En 1914, les petits-fils du fondateur, Adolphe et Emile-Maurice Hermès observent attentivement le développement exponentiel de l'automobile, domaine qui pourrait bien devenir un futur marché pour la marque. C'est du moins ce que pense Emile Hermès à son retour d'un voyage aux Etats-Unis, voyage dont notre homme rapportera le système de fermeture à glissière (ou fermeture Eclair) inventé aux USA, et dont il obtiendra l'exclusivité pour la France. De toute évidence, il existe bientôt un marché pour la vente de bagages plus adaptés pour les propriétaires d'automobiles, des bagages plus adaptés à leur nouveau mode de locomotion. Et Emile de se retrouver alors seul aux commandes de la maison de luxe qui s'imposera dans la maroquinerie cousue sellier. Parallèlement, il veillera à sauvegarder de précieux témoignages du patrimoine équestre, conscient de l'aura qui demeurait attachée au cheval. Et saura transposer les valeurs et le savoir-faire traditionnel du sellier dans ses créations de maroquinier et de fabricant d'objets de qualité. Lors de ma visite, je pourrai ainsi admirer l'impressionnant cheval à bascule (ci-dessous) qui berça toute sa famille.


 

Au cours de ma visite, je croiserai ainsi selles, étriers, éperons et autres accessoires équestres, autant de preuves d'amour d'Emile Hermès pour le cheval qui me feront découvrir la merveilleuse histoire de cet animal, de l'Antiquité au XX ème siècle, en passant par la Renaissance. L'exposition offre également de voir de jolis tableaux (œuvres de grands et de petits maitres), des sculptures, des gravures et des dessins. C'est que depuis que le cheval est entré dans le monde de l'homme, une foule d'artistes s'emploie à en exprimer la beauté, la force et la vaillance, donnant ainsi vie aux chevaux célèbres, historiques ou mythiques comme, par exemple, Pégase (ci-dessous), le cheval ailé de la mythologie grecque. Au fil des millénaires, d'autres chevaux d'exception (Kanthaka, Bucéphale, Incitatus ou Bayard...), marqueront aussi l'homme, notamment parce qu'ils étaient doués de pouvoirs extraordinaires et parce que la mythologie en avait fait des symboles. J'apercevrai bien sûr de nombreux dessins originaux, œuvres de Philippe Dumas au cours de ma visite.


 

Que de métiers, que d'outils autour du quadrupède ! Maréchal-ferrant, cocher et postillon (ci-dessous en tenue) se croisent avec leur savoir-faire respectif. Et les innovations techniques de témoigner de l'ingéniosité de chaque époque, pour lutter contre le froid, ou améliorer le confort et la sécurité de l'animal ami de l'homme...J'admirerai ainsi une bouillotte de diligence, un étrier-chaufferette, et des oeillères-freins, entre autres. A la Belle Epoque, Paris est envahie par des hippomobiles de toutes sortes:charrettes de laitiers, de blanchisseurs et de maraichers, mais aussi véhicules d'entretien de la chaussée et de livraison des grands magasins, malle-poste et cabriolets pour le courrier, diligences et omibus chargés de passagers...les chevaux attelés ont pris la place des porteurs à pied, et travaillent dans des conditions si mauvaises que l'espérance de vie de l'animal n'excède pas quatre années. De ce constat découlera la création, en 1839, de la SPA (Société protectrice des animaux).

D'autres objets illustrent le passage effectué par la Maison Hermès, de la sellerie au monde du bagage. Nous l'avons vu plus haut, Emile Hermès voyagea aux Etats-Unis lors de la Première guerre mondiale dans le cadre d'une mission destinée à approvisionner la cavalerie française en harnais et en chevaux. Et fera grand usage de cette fameuse fermeture à glissière pour ses articles de voyage.

Indissociable du cheval, l'aventure est bien présente au sein de cette exposition : une thématique de voyage y est évoquée par des trousses, des sacs, des sacoches et des malles. Et le rôle du cheval de glisser peu à peu de l'utilitaire aux loisirs, à l'équitation, à la chasse à courre, jusqu'aux courses hippiques. Plusieurs objets exposés témoignent ainsi de cette transition harmonieuse de la sellerie à la bagagerie. Cela n'empêche nullement Emile Hermès de mettre en avant la cavalière à travers des selles et des tenues d'amazones et d'écuyères, sans parler d'une foule d'autres accessoires équestres féminins, dont certains sont surprenants. La fin du XIX ème et le début du XX ème siècle verront coexister deux types de cavalières : l'amazone (comme sur cette photo ci-dessous, avec Julie Hollande, future épouse d'Emile Hermès) et l'experte, qui pratiquera la voltige dans des théâtres équestres. On parlera d'ailleurs « d'âge des écuyères » pour qualifier les prestations de ces femmes si remarquables, durant les décennies 1830-1890. La première partie de l'exposition, elle, s'achève par la présentation de la superbe écurie du Prince Constantin Radziwill, sise autrefois au 12, rue Mesnil (Paris), et l'une des plus importantes de la capitale. On y cajolait jadis le cheval avec les installations les plus modernes, comme une aération par ventilateur et un chauffage à eau chaude. Hermès créera de son côté de précieuses couvertures pour l'animal (deuxième photo ci-dessous).


 

La Maison Hermès ressemblera bientôt à une maison de luxe généraliste, un peu à l'instar de son concurrent Vuitton. Dans les années 1920, sortiront des collections d'articles de voyages, pour automobile ou pour le sport, de la couture, des gants, des ceintures, des écharpes en soie, des bijoux, des montres et...des colliers pour chiens ! Cette orientation stratégique se confirmera dix ans plus tard avec le développement de lignes de vêtements féminins, puis de créations célèbres comme le sac Kelly (en 1935) ou la carré foulard (en 1937).

J'arrive bientôt au bureau d'Emile Hermès (ci-dessous), installé au 24, rue du Faubourg Saint-Honoré. Et le voile de se lever sur l'intimité de notre homme, en ce lieu mythique et magique, d'où le maitre des lieux dirigeait la maison. A l'image d'un collectionneur visionnaire et passionné, cette longue pièce aux boiseries caramel restée intacte, honore le cheval et les cultures équestres, avec ses vitrines débordant d'objets raffinés et ses hautes bibliothèques garnies de livres rares sur le cheval ou l'équitation : petit cheval mexicain, malle cloutée, fouet-ombrelle, lanternes...invitent au voyage et à l'évasion, dans un monde de beauté, de création et d'émotion, en ce lieu de mémoire équestre. Sur place, des productions audiovisuelles et sonores animent l'exposition tandis que des catalogues, des ouvrages anciens et, bien sûr, les incontournables carrés Hermès témoignent d'un passé encore omniprésent. Il me sera donné d'admirer une selle japonaise de l'époque Edo, des harnais créés pour des monarques, le carré de soie Brides de Gala (deuxième photo), des œuvres de maitres, comme Charles Le Brun et Théodore Géricault, un Pégase de l'artiste contemporain Christian Renonciat et des modèles de véhicules hippomobiles.


 

Les passionnés pourront se rendre à la boutique (à la sortie de la deuxième salle) et se procurer la publication souvenir Des Chevaux et des Hommes- La Collection Emile Hermès, Paris, en photo ci-dessous, qui a été réalisée grâce à la généreuse autorisation de la famille Hermès, dont Pierre-Alexis et Philippe Dumas. Ce dernier a ainsi fourni des dessins originaux, contribuant ainsi à la magnifique illustration de cet ouvrage de 128 pages rassemblant de nombreuses photos d'oeuvres prêtées et de documents provenant des Archives Hermès. On y trouve également des textes inédits dont, entre autres, une conversation entre Philippe Dumas et Menehould du Chatelle, directrice du Patrimoine culturel de la Maison Hermès. Ce livre est disponible à la boutique du Musée, en français et en anglais.

 

INFOS PRATIQUES :


  • Exposition « Des Chevaux et des Hommes, la Collection Emile Hermès, Paris », jusqu'au 16 octobre 2016, au Musée Pointe-à-Callière, 350 Place Royale (angle de la Commune), à Montréal (Québec). Tél : +1 514 872 9150. Entrée adulte : 20$. Site internet : http://www.pacmusee.qc.ca/fr/accueil

  • Un grand merci à Pascale Dudemaine,responsable des communications,pour son aide précieuse, et à son équipe pour son charmant accueil

  • Cette exposition se tient sur deux niveaux: en sortant de la première salle, emprunter l'escalier sur votre droite pour accéder à l'étage supérieur. La porte de l'autre salle se trouve en haut et en face de l'escalier.

  • N'oubliez pas de découvrir toutes les photos de l'exposition (dont onze d'entre elles prêtées par le musée) en cliquant sur l'icone Photos disponibles (en haut et à droite de l'article)

 

 









 



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