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Entre Murs et Sculptures
(Railton et Sheffield, Tasmanie, Australie)
Heure locale


Samedi 26 novembre 2016

 

L'art sous toutes ses formes est présent en Tasmanie jusque dans les plus petites villes. J'ai décidé aujourd'hui de parcourir Railton et Sheffield, deux villes appartenant à la Municipalité de Kentish, et d'égale importance, puisque chacune d'entre elles compte plus de mille habitants. Kentish est avant tout le nom qui fut donné aux plaines environnantes, en souvenir de l'explorateur Nathaniel Lipscombe Kentish qui débarqua ici en 1841, embauché par la compagnie Van Diemen. Lors d'une prospection, le 1er août 1842, Nathaniel découvrira une vaste plaine à l'herbe bien verte, entourée d'une forêt si dense que plusieurs années s'écouleront avant qu'on n'aperçoive le Mont Roland. Et les mineurs d'explorer la région toute proche de Wilmot à partir des années 1880, à la recherche d'or et d'argent. Et la plaine d'être baptisée alors August Plains, histoire de marquer la date de sa découverte.

Cette région fertile permet la culture de nombreux fruits et légumes, en plus des pommes de terre, sans parler de l'élevage ovin et du bon lait donné par les pâturages. L'imagination des habitants de la région est, elle aussi fertile, pour avoir développé les deux formes d'art dont je vais vous parler aujourd'hui : l'art topiaire er la peinture murale.

 

Railton fut un temps un terminus ferroviaire, mais son nom provient de celui de la fille d'un pionnier local. La petite ville s'articule autour d'une rue principale, Foster Street, une rue bien tranquille en ce samedi matin, et où seul un petit marché attire l'attention. Une large rue qui, dit-on, avait dès le départ été conçue ainsi pour faciliter les manœuvres des attelages de bœufs lorsque ceux-ci venaient livrer leurs marchandises à la petite gare située à une centaine de mètres du bureau de poste. Entre temps, à la fin des années 1920, Railton deviendra la capitale du ciment, grâce à l'installation d'une usine de la société Cement Australia, toujours en fonction à l'heure actuelle, connue pour produire le Goliath Cement (du nom de cette peinture murale visible dans Crocker Street), ce même ciment utilisé pour bâtir le Sydney Harbour Bridge. Railton peut dire merci aux carrières de calcaire locales qui permirent l'installation de cette industrie dans cette localité !


 

Cela fera vingt ans dans quelques années que Railton décida un jour d'enrichir ses espaces publics (et jardins privés) de sculpture végétales, relevant plus généralement de l'art topiaire, cet art qui consiste à tailler arbres et arbustes de jardin dans un but décoratif. Dans le cas présent, les auteurs de telles sculptures créent d'abord une forme en fil de fer, sur laquelle la plante (la plupart du temps du buis en ce qui concerne Railton) va venir courir. Il ne restera plus ensuite à l'artiste qu'à tailler régulièrement sa sculpture végétale pour donner des résultats époustouflants. Je m'arrête ainsi devant la petite pharmacie près de laquelle se dresse un éléphant et son petit (ci-dessous en photo). Cet art remonte à l'époque de la Rome antique et produit son effet, je dois bien le reconnaître. Railton offre ainsi aux visiteurs quelques 150 sculptures végétales réparties dans cinquante lieux différents. Je gare mon véhicule dans la rue Foster, et me rends au bureau du tourisme situé à deux pas, afin de retirer un plan de la ville mentionnant la liste des sculptures et les endroits où elles se trouvent. Railton s'est également spécialisée dans la peinture murale, puisque six œuvres recouvrent ainsi certains murs de bâtiments. J'admirerai ainsi la grande course des éléphants de Railton (deuxième photo) qui recouvre l'une des façades du supermarché local, rue Kimberley. Un rapide inventaire permet de noter un grand nombre de sculptures végétales consacrées aux animaux (émeu, éléphant, kangourou, girafe, crocodile, koala...) mais aussi au train (locomotive, sur la troisième photo), sans doute en hommage à ce moyen de transport qui fut si présent autrefois.


 

A une dizaine de kilomètres de là, je poursuis vers Sheffield, cité née à la suite d'une vente aux enchères de terrains en 1859. La ville a bien changé depuis mais l'auberge Kentish Inn, elle, est toujours là. Elle fut le premier édifice bâti ici, par James Powlett. Le Don Store offre également sa façade datant de 1883 dans la Main Street. Un musée des coquillages est aussi disponible, et bien sûr, le musée de l'histoire Kendish qui retrace la vie des pionniers dans la région et nous plonge dans le passé de ce district agricole. Une autre attraction incontournable est le parc des peintures murales dont la ville s'est faite une spécialité depuis 1986. La plus vaste exposition de peintures se trouve à côté de l'office de tourisme, tandis qu'un autre espace propose également quelques autres tableaux, en face de la Sheffield Motor Inn, sur Main Street. L'aventure de ces peintures débuta avec l'oeuvre de John Lendis « Stillness & Warmth » que l'on pourrait traduire par sérénité et chaleur (ci-dessous), qui représente Gustav Weindorfer, un passionné de montagne, à la fois conservateur et naturaliste qui partage ici sa demeure avec les animaux. Notre homme fut également à l'origine de la création du parc national de Cradle Mountain/ Lac Saint Clair, tout proche. Autrichien d'origine, Gustav débarquera à Melbourne en 1900 afin d'occuper un emploi au consulat de son pays. C'est là qu'il rencontrera sa femme, Kate Cowle. Le mariage aura lieu six ans plus tard et notre couple se rendra en Tasmanie, au Mont Roland, en guide de lune de miel. Tombés amoureux de la région, le couple s'y fera bâtir un chalet, Waldheim Chalet, à Cradle Mountain. Ils y vivront heureux jusqu'à ce que la mort de Kate n'intervienne en 1916. Et Gustav de vivre seul jusqu'à son décès en 1932. Je me promènerai ainsi dans toute la ville et m'apercevrai que derrière chaque peinture se cache souvent une page d'histoire de la Tasmanie.

 

Cela fait maintenant trente ans que Sheffield, désormais surnommée la « ville aux murs peints » enrichit jour après jour cette superbe galerie d'exposition à ciel ouvert. Ville rurale, Sheffield était à un tournant dans les années 1980 et se préoccupait de son devenir : pas d'industrie pour créer des emplois sur place et le monde agricole souffrait d'une certaine désaffection. Une réunion publique fut donc organisée en 1985 afin de mettre sur pied l'association pour le tourisme Kentish. Le tourisme, voilà une bonne idée, mais encore fallait-il trouver le moyen de se démarquer par rapport à d'autres. Et de s'appuyer sur l'initiative d'une ville canadienne, Chemainus, qui avait recouvert ses murs de peintures, offrant ainsi au grand public une nouvelle forme d'art tout en accroissant sa popularité. Bingo ! Le projet sera adopté par la ville de Sheffield et celle-ci d'offrir sa première œuvre picturale en 1986. Ce sont désormais plus de cinquante œuvre peintes qui ornent les façades des bâtiments les plus divers (maisons, commerces, administrations et même une chapelle, comme ci-dessous). Et ma promenade en ville de ressembler à un vrai spectacle.


 

D'autres villes se sont même depuis prêtées au jeu, dont Railton, Wilmot, Gowrie Park et Roland. Et l'effet boule de neige de jouer à plein, car je rencontrerai plusieurs touristes chinois m'avouant être surpris par la beauté de ces fresques murales. Il ne manquait plus qu'un festival pour couronner le tout. Celui-ci, qui verra le jour en 2003, sous le nom de National Mural Fest, offre chaque année à neuf artistes, de peindre une fresque de 2 mètres sur 5 mètres environ, en tout juste une semaine, le thème de cette fresque tournant autour du poème ayant gagné le concours de poésie local. Le jury est non seulement composé de juges mais aussi des habitants de la ville, et les fresques ainsi réalisées sont exposées à Sheffield pendant un an, puis mises en vente, tandis que la peinture ayant obtenu le plus de succès remporte un prix. Je me rends sur le site dédié aux murs peints de la ville (voir infos pratiques) et à l'onglet Art Gallery, je découvre qu'il est possible d'acquérir sa toile favorite imprimée sur différents supports grâce à une boutique en ligne et à des prix raisonnables. On ne pouvait pas faire plus simple.

L'une des dernières fresques peintes est consacrée au souvenir des soldats australiens envoyés en Europe pour participer en 1914 à la Première guerre mondiale, à l'occasion du centenaire de ce conflit. La peinture, inaugurée officiellement le 8 novembre 2014, représente les différentes scènes du combat de ces braves de l'ANZAC, et est l'oeuvre de Stan Adkins et Ron Murfet. 450 femmes et hommes du district de Kentish seront ainsi envoyés au front et une centaine d'entre eux ne reverront jamais leur pays. La plupart des personnages représentés sur cette fresque sont d'ailleurs des habitants de ce district, et ont été dessinés à partir de clichés photographiques conservés au musée local. Je vous le disais, chaque peinture cache une page d'histoire de ce merveilleux pays !

 

INFOS PRATIQUES :

  • Railton Neighbourhood Centre dans Foster Street (à quelques dizaines de mètres du bureau de poste, sur le même trottoir) : ce bureau est ouvert tous les jours (sauf le mardi) de 10h00 à 16h00 et est tenu par des bénévoles à la retraite. C'est là que vous vous procurerez le plan de la ville avec ses curiosités artistiques
  • Railton, town of topiary : http://www.townoftopiary.com.au

  • Office de tourisme de Sheffield, 5 Pioneer Crescent, Sheffield. Tél:03 6491 1036. Ouvert tous les jours, de 9h00 à 17h00. Accès WiFi gratuit sur place. Site internet : http://www.sheffieldcradleinfo.com.au

  • Musée des coquillages, 110, Main Street, Sheffield. Ouvert de 9h00 à 17h00

  • Musée de l'histoire Kentish, 93 Main Street, Sheffield. Ouvert les lundi et mercredi de 10h00 à midi et de 13h00 à 16h00, le mardi de 13h00 à 15h00, le jeudi de 10h00 à midi et de 13h00 à 15h00, le vendredi de 10h00 à 15h00.

  • Site du Festival des murs peints à Sheffield : http://www.sheffieldmurals.com

  • Ne manquez pas de visiter mon album photos de cette sortie et de découvrir tous les clichés réalisés lors de cette sortie








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