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Exposition "Notre Far West: les 50 ans du Festival Western de Saint-Tite"
(Musée québécois de culture populaire, Trois-Rivières, Québec, Canada)
Heure locale

Vendredi 27 avril 2018

 

C'est parti ! Mon périple à travers le Québec débute ce matin alors que je quitte Montréal après avoir passé ma première nuit à l'aéroport. Je prends la direction de Trois-Rivières, une ville de quelques 134000 âmes située à l'embouchure de la rivière Saint-Maurice. La sortie de Montréal aux heures de pointe est un peu laborieuse entre les bouchons et les routes truffées de nids de poule. Les grands froids de l'hiver y sont certainement pour quelque chose. Je dispose cette fois d'une voiture confortable, à boitier de vitesses automatique, et suffisamment grande pour y entreposer mes bagages. J'emprunte bientôt l'autoroute Félix Leclerc, qui court vers le nord de la province et me conduira à destination après une heure trente de trajet.

J'ai retenu cette fois le Musée québécois de culture populaire qui n'offre pas encore d'exposition permanente (celle-ci est en préparation!) mais d'intéressantes expositions temporaires dont une retient plus particulièrement mon attention : Notre Far West : les 50 ans du Festival Western de Saint Tite ». Ce petit village localisé en Mauricie, ne se trouve qu'à une soixantaine de kilomètres, au nord de Trois-Rivières, et se développera rapidement au cours du 19è siècle grâce à l'industrie forestière, avant de devenir célèbre pour son activité de transformation du cuir. En 1937, Georges-Alidor Boulet devient propriétaire de la Saint-Tite Shoe Company et exerce son talent dans la confection, ce qui ne tardera pas à se savoir au point de devenir plus tard le principal fournisseur de chaussures et de bottes militaires pour l'armée canadienne lors de la Seconde guerre mondiale. Vers 1964, le représentant de la société pour l'ouest du Canada s'aperçoit que personne ne produit encore localement des bottes de cow-boys. Et la famille Boulet de bientôt se lancer dans la fabrication de bottes westerns (ci-dessous). De nos jours, ce sont quelques 200000 paires de bottes de cowboys qui sortent chaque année de l'entreprise familiale pour être vendues dans quinze pays différents. Mais la contribution des Boulet ne s'arrête pas là puisqu'ils sont également à l'origine de la création du festival de Saint Tite et de son fameux rodéo de 1967.

 

Ce sont des habitants de Saint-Stanislas, de Champlain et des environs qui s'établiront dans le coin dès 1833, pour bâtir ce qui deviendra la paroisse de Saint Tite en 1859. Des défricheurs y exploitent alors la forêt, transforment le bois et fabriquent des outils pour les compagnies forestières établies le long de la rivière Saint-Maurice. Puis, l'industrie du cuir prend le relais avec l'ouverture sur place de 23 usines de transformation du cuir entre 1912 et 1977, des unités de production qui feront travailler jusqu'à 700 personnes pour fabriquer bottes de draveurs, gants de bûcherons, chaussures habillées pour messieurs, gants pour dames, pantoufles, mocassins...La crise de 1980 aura toutefois raison de ce secteur qui souffrira d'une délocalisation grandissante vers d'autres pays. Saint Tite ne doit aujourd'hui son titre de « Ville du cuir » qu'aux deux usines restantes.

C'est André Léveillé, commerçant du village qui lancera le premier l'idée d'une fête western annuelle à Saint Tite. Un premier rodéo à succès avait eu lieu en 1967 et c'est sans difficulté que l'épicier, surnommé « Binette » par son entourage, réussira à convaincre la population de mener à bien ce nouveau défi. Et le premier festival (ci-dessous) de se tenir du 8 au 15 septembre 1968, après trois mois de dur labeur et un budget de 8500 $. Au programme, devantures de maisons décorées, musique country diffusée par haut-parleur, concours équestre, rodéo, défilé et plusieurs spectacles. Les hôtels se remplirent pour l'occasion et l'opération fut un succès avec la visite de 15000 personnes. Les années suivantes, on construisit des écuries et des estrades permanentes (1971-1972) et Saint Tite accueillera 250000 visiteurs en 1974. Ce festival subira cependant un important endettement dans les années 1982-1983 et le gouvernement octroiera une subvention de 500000$ pour la construction du toit des estrades qui pourront recevoir en 1999 jusqu'à 7200 spectateurs. Et Saint Tite de rassembler, en 2007, 725000 personnes pour le quarantième anniversaire du festival. Ce dernier entrera en 2016 dans le club fermé des 300 meilleurs festivals du monde, avant d'entamer sa 50ème édition l'année dernière.

 

Le rodéo est l'une des attractions phares du festival de Saint Tite : le premier du genre sera organisé par les frères Boulet en 1967 afin de dynamiser les ventes locales des bottes de cowboys qui sont pour la plupart exportées dans l'ouest canadien. Pourtant ce premier spectacle ne sera pas un véritable rodéo puisque personne ne chevauchera de cheval sauvage à cette occasion. Il s'agira plutôt d'épreuves d'adresse surnommées « gymkhana ». La manifestation rassemblera cette fois 5 à 6000 spectateurs.

Ce mot rodéo qui vient du verbe espagnol rodear (encercler) fait référence au travail des cowboys encerclant le bétail pour le conduire aux enclos. Il désigne aujourd'hui un ensemble d'épreuves sportives à grand spectacle inspirées d'autres tâches traditionnelles comme par exemple dresser un cheval sauvage ou attraper un veau fugitif. A Saint-Tite, on ne plaisante pas avec la santé des animaux. Depuis 2000, le festival a effectivement établi des règles uniques en Amérique du Nord pour assurer leur bien-être, avec un examen vétérinaire obligatoire effectué sur place. Des normes strictes règlementent le transport des bêtes, les soins et même le nombre de jours de repos entre l'arrivée des animaux et leur première compétition. Le cheval de rodéo ne participe ainsi qu'à trois épreuves durant toute la durée du festival pour un effort très court (le cowboy doit le monter huit secondes). Cette épreuve est tout un art : le concurrent doit tenir sa sangle ou sa sellette d'une seule main (l'autre main ne devant jamais toucher l'animal ou l'équipement) tout en démontrant qu'il est en contrôle par une posture en harmonie en ne faisant qu'un avec l'animal. Pour chaque épreuve, monture et cavalier sont jumelés au hasard et ne s'affronteront qu'une seule lors de la compétition. Des juges procèdent aux évaluations de l'homme et de la bête. La qualité et la puissance des ruades de l'animal augmentent bien sûr le degré de difficulté, ce qui peut favoriser le cowboy (ou lui nuire) selon qu'il tient huit secondes réglementaires sur sa monture sans commettre d'erreurs. A Saint-Tite, personne ne se fait prier pour porter sa chemise à boutons nacrés, ses bottes à bouts pointus et son chapeau à larges bords, qu'il soit champion de rodéo ou simplement cowboy de cœur, car le look western fait partie du plaisir d'aller au festival. Il faut par contre savoir que certains attributs du cowboy n'ont été créés que pour les besoins du spectacle, comme par exemple la veste de daim à franges. Celle-ci aurait été popularisée par Buffalo Bill qui la portait lors de ses représentations.


 

La danse est une autre activité du célèbre festival : incontournable, elle invite les danseurs en herbe à participer à des ateliers de perfectionnement animés par des professeurs réputés. Il leur est même possible de participer à un concours. Ainsi, le 9 septembre 2013, rue Saint-Paul, 2437 personnes tentèrent de battre le record du monde de la plus longue danse en ligne. Guinness n'homologuera finalement pas l'épreuve pour des raisons techniques, mais le record sera tout de même battu avec 83 danseurs de plus que le record enregistré. Et puis, le plus important n'est-il pas de participer ? La musique country, elle, est omniprésente durant les festivités et de nombreux chanteurs et musiciens de country canadiens et américains ont déjà participé au festival Western de Saint-Tite. Mais au fait, quelle est la différence entre western et country ? Depuis le début, le mot western fait référence au genre cinématographique, en mettant en scène des héros de la conquête de l'Ouest. Par extension, on apposera le terme à la musique de ces films et à d'autres formes d'art exploitant le thème du Far West (romans, peintures...). Le mot country désigne pour sa part un genre musical qui naquit également au début du 20è siècle dans l'est du continent nord-américain. Les origines du country sont multiples et puisent leurs racines dans le folklore européen, comme la musique celte, mais aussi le gospel ou le blues.Les thèmes favoris du country restent les valeurs familiales, religieuses et sociales des gens ordinaires.

 

Lors du festival Western, l'église de Saint-Tite n'est pas en reste. Le curé Landry célèbre en effet pas moins de neuf messes (ci-dessus) à caractère western sur les dix jours de festivités. Un mariage est même célébré lors du festival depuis 1970. Et le curé de recevoir d'année en année des demandes croissantes pour ce genre de cérémonie... Les couples postulants doivent lui envoyer une lettre expliquant leurs motivations et démontrant le sérieux de leur démarche, car le mariage reste un élément couru du festival, avec plus de 2000 personnes qui se pressent sur le parvis de l'église pour y assister, sans parler des mille veinards qui assistent à la cérémonie dans l'église.

Quant au grand défilé (ci-dessous), il reste incontournable. Et attire de nos jours plus de 100 000 visiteurs de tous âges. Celui-ci permet d'admirer près de 300 chevaux endimanchés et parés de leurs plus beaux atours. Leur crinière est tressée et leur queue bien brossée. Certains tirent des chars allégoriques tandis que d'autres sont munis de leur plus belle selle et sont montés par des cavaliers. Associations, festivals et municipalités présentent pour l'occasion leurs propres chars qui représentent l'univers country western. Les figurants jouent alors de la musique, dansent ou saluent joyeusement le public tandis que la procession envahit bientôt le stade, interrompant pour un temps les épreuves de rodéo.

 

De 1968 à 2002, plusieurs jeunes filles de la région se succéderont à titre de Duchesse, Reine et Mademoiselle Cavalière du festival (comme Céline Carpentier, en photo ci-dessous). Ce sont les ambassadrices du moment. D'autres nominations ont lieu comme les présidents et présidentes d'honneur du festival (deuxième photo), qui sont souvent des athlètes de rodéo appelés aussi têtes d'affiche.

Que de chemin parcouru par ce festival Western de Saint-Tite depuis sa création en 1968, il y a cinquante ans : celui-ci est depuis devenu la plus grande attraction western de l'est du Canada, avec un budget annuel de huit millions de dollars. Cet événement génère des retombées économiques à hauteur de 48 millions de dollars et nécessite la création de 750 emplois indirects à temps plein. Des visiteurs se déplacent du monde entier (Chine, Europe, Etats-Unis, Australie...) pour assister aux festivités.


 

Créé en 2001, le Musée québécois de culture populaire a ouvert ses portes au public deux ans plus tard. Il propose aux visiteurs de découvrir le vécu, les préoccupations et les valeurs des Québécois, à travers diverses expositions temporaires. L'endroit offre aussi de découvrir la Vieille prison de Trois-Rivières, classée monument historique, un haut lieu de l'univers carcéral local d'antan. A ne pas manquer !

 

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