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Le Chemin du Roy
(Québec, Canada)
Heure locale

 

Samedi 28 avril 2018

 

Ce matin, le temps est couvert et il y a beaucoup de brouillard sur la région. Levé tôt, je quitterai Saint-Casimir, mon point de chute, en direction du Chemin du Roy, mon sujet du jour. Au début du 18è siècle, le réseau routier n'occupait qu'une toute petite partie du vaste territoire de ce qui s'appelait à l'époque la Nouvelle-France. Certes, on trouvait ici et là des rangs, et des morceaux de routes dispersés mais il n'existait encore aucune pour relier Montréal à Québec, la capitale. Il faudra attendre 1706 pour que le Conseil supérieur décide de construire une route qui longerait le fleuve Saint-Laurent, la principale zone habitée. En utilisant les « corvées du Roy », le grand voyer Eustache Lanouiller de Boisclerc entreprend les travaux de construction de l'artère en 1731, des travaux qui dureront six années et qui aboutiront à une chaussée de 280 kilomètres (sur 7,5 mètres de large) traversant 37 seigneuries.

C'est cette chaussée que je vais parcourir aujourd'hui, enfin une partie de ce Chemin du Roy si populaire pour avoir été la plus longue route aménagée au nord du Rio Grande. Ce chemin servira au courrier et aux voyageurs faisant usage de calèches, diligences, malle-postes et carrioles d'hiver. On comptera jusqu'à 29 relais sur le parcours, parmi lesquels Berthier (où l'on sert encore le repas de midi), Trois-Rivières (arrêt nocturne) et Deschambault. Et le voyage de Montréal à Québec de durer deux jours avec des chevaux au galop.

Je me rends d'abord sur la commune de Deschambault où se dresse une magnifique église (en photo ci-dessous) malheureusement fermée en cette fin d'hiver. Il faut dire que le Québec sort tout juste d'un hiver très rude. Des tas de neige résiduels en témoignent par endroits. Face à l'église se dresse encore un ancien couvent transformé depuis en bibliothèque municipale tandis que le vieux presbytère (deuxième photo) a traversé les ans sans dommages.


 

Je me gare à côté du bureau de poste du bourg et fais connaissance avec la postière de l'endroit, une dame charmante et intarissable lorsqu'il s'agit de parler de son pays. Entre temps un client entre, et nous nous retrouvons à échanger à trois sur les curiosités locales. Je remarque avec intérêt que les Québécois sont non seulement des gens extrêmement courtois mais aussi très aidants. Je découvrirai ainsi que le guide Hachette avec lequel j'ai préparé mon circuit est loin d'être complet et qu'il existe bien d'autres choses à découvrir. Ainsi m'oriente t-on vers le magasin général situé en face de la Poste. L'endroit fut bâti en 1866 par la famille Paré qui a depuis cette époque tenu l'affaire de génération en génération. J'y admirerai au passage des objets anciens. J'échangerai quelques mots avec la jeune vendeuse. Celle-ci m'annoncera qu'un musée est sur le point d'ouvrir à compter de juin prochain au premier étage de la boutique, afin d'y exposer vêtements, jouets et tissus anciens tout en racontant l'histoire du magasin.


 

J'apprendrai au cours de ma balade que Deschambault faillit jadis devenir la capitale du Québec grâce à son emplacement privilégié. Le village surplombe en effet le Saint-Laurent et il suffit de se rendre sur la petite esplanade située à deux pas de l'ancien couvent pour découvrir un superbe panorama. Le territoire actuel de Deschambault couvre deux seigneuries, l'une est celle de Chavigny et fut concédée en 1640 à François de Chavigny de Berchereau et à son épouse, Eléonore de Grandmaison. La deuxième porte le nom de Chevrotière et fut offerte par cette même Eléonore à son fils, François de Chavigny de la Chevrotière en 1672. C'est en 1683 que les deux seigneuries seront rassemblées par Jacques-Alexis d'Eschambault, qui laisse jusqu'à aujourd'hui son nom à cette grande étendue. Des colons vinrent ensuite s'installer ici à la fin du 17è siècle et la paroisse Saint-Joseph de Deschambault ouvrit alors ses registres dès 1713. De la Chevrotière, je découvrirai le moulin (ci-dessous) bâti en 1802 pour moudre les grains récoltés par les habitants de la seigneurie. Hors saison, l'endroit est malheureusement fermé mais il abrite pourtant une intéressante exposition Savoir, Faire,Durer, l'Art des Gens de métier, qui offre de découvrir l'univers créateur des tailleurs de pierre, maçons, charpentiers, menuisiers et forgerons. On y voit également comment on naviguait autrefois sur le fleuve Saint-Laurent, une tradition qui marqua l'histoire de Deschambault-Grondines. Le moulin reflète vraiment les gens qui l'érigèrent, y vécurent, y travaillèrent et le restaurèrent vers la fin des années 1970, tout en témoignant des influences françaises qui marquèrent l'architecture dans la vallée du Saint-Laurent jusqu'au début du 19è siècle. A côté du moulin, le pont du même nom enjambe la rivière La Chevrotière, laquelle emporta un précédent ouvrage en 2005 lors d'une crue exceptionnelle. On doit le nouveau pont à l'artiste Florent Cousineau qui intégra une œuvre artistique en aluminium à la construction.


 

Toujours à Deschambault, je ne pouvais pas passer à côté de la boulangerie locale, Le Soleil Levain, qui est l'une des rares boulangeries artisanales de la région et qui connait beaucoup de succès avec sa ronde des pains et ses délicieuses viennoiseries. J'y passerai un moment autour d'un café. Le pain est confectionné dans la même pièce que la boutique. Vous avez dit authentique ?

La proximité du Saint-Laurent avec Deschambault explique que ce village fut un repère de navigateurs : à cet endroit, mener sa barque représente un vrai défi compte tenu des nombreux dangers. Et il n'est pas étonnant que de nombreux pilotes et marins du fleuve aient été natifs de ce village. Aux belles heures du cabotage, des chantiers navals y avaient même trouvé refuge. Quant aux femmes des navigateurs, elles étaient averties de la proximité de leurs maris par un coup de sifflet de bord. Celles-ci agitaient alors des nappes pour accuser réception. Bien avant l'arrivée des Européens dans la vallée du Saint-Laurent, les Iroquoiens occupaient déjà l'endroit. Des preuves irréfutables de cette présence humaine furent découvertes lors de fouilles archéologiques qui permirent de mettre à jour le site Masson, un village habité de 1450 à 1520. Ce dernier était composé de quatre à six maisons longues pouvant loger jusqu'à huit familles.

Deschambault abrita enfin une station de recherche agricole, sur l'ancienne seigneurie de Chavigny, suite à l'acquisition de terres par le gouvernement du Québec en 1919. On y planta des essences typiquement québécoises, dont plusieurs pommiers, avant d'y développer élevage et horticulture dès 1924, et d'y lancer une formation agricole. Ce centre existe toujours actuellement.


 

Notre sympathique postière m'a donné rendez-vous à midi pour me conduire à La Sucrière, une cabane à sucre artisanale. Je fais alors connaissance de Manon Brazeau et de son époux. Le couple exploite plus de 650 érables qui donnent quelques 568 litres de sève à partir de laquelle on va produire le fameux sirop d'érable. La récolte annuelle (coulage) ne dure que 19 à 20 jours et s'effectue lorsque les conditions climatiques idéales sont réunies. Les arbres déversent alors leurs sèves (eau d'érable) dans des tuyaux (tubulures) dont le contenu est ensuite récolté par aspiration. Le produit de la récolte est ensuite chauffé en plusieurs étapes jusqu'à obtenir le produit final avec lequel Madame et Mr Brazeau fabriquent des produits dont je n'imaginais même pas l'existence comme, par exemple de la moutarde au sirop d'érable (ci-dessous). Sur place, il est possible de faire ses emplettes tout en découvrant l'art de fabriquer le célèbre sirop, le tout dans une atmosphère conviviale. Une idée de cadeau à la fois utile et agréable : le jeu de cartes « La Cabane à sucre » qui permet de tester ses connaissances sur le précieux liquide. Il existe aussi de superbes maisons miniatures en sucre d'érable, des productions uniques réalisées à partir de vieux moules en bois désormais introuvables.

 

A quelques kilomètres de là, je m'arrête à Cap Santé, une des villes appartenant à l'Association des plus beaux villages du Québec. Le nom de l'endroit apparut pour la première fois en 1679 et tirerait son origine d'un « cap sain » ou Cap de la Sente (ou chemin de traverse) situé non loin de là et par lequel les bateaux remontaient le fleuve du sud au nord. Sur place, je fais une halte à la galerie de peintures de Christine Genest, absente aujourd'hui. C'est sa maman qui m'accueille et me fait découvrir les œuvres de sa fille et celles d'autres artistes exposant dans la même galerie. Je ne résisterai pas au plaisir de photographier « Tire-moi une bûche », œuvre de Christine Genest représentant une cabane de bûcheron (en photo ci-dessous). L'artiste a d'autres cordes à son arc puisque c'est elle qui a créé le jeu de cartes « La Cabane à Sucre ». Elle nous promet aussi un nouveau jeu québécois sous peu. Patience !

 

Je terminerai ma promenade sur le Chemin du Roy par un autre joli ville : Neuville. C'est Nicolas Dupont de Neuville qui donnera son nom à l'endroit en acquérant la seigneurie de Dombourg, anciennement propriété du seigneur Jean Bourdon en 1680. La paroisse Saint François de Sale de Neuville sera, elle, érigée en 1684 par Monseigneur de Laval. La ville actuelle est le résultat de la fusion, en 1997, de l'ancien village de Neuville et de la Pointe aux Trembles. Quant au cœur de Neuville, il a conservé un caractère typique du Régime français tant dans son organisation spatiale que dans son architecture. De nos jours, il ne faut pas se fier à la quiétude du lieu car Neuville fut jadis le théâtre de la Guerre de Sept ans : le village sera en effet désigné par De Bougainville, le bras droit de Montcalm, comme ligne de défense des Anglais. Et l'Atalante, vaisseau du capitaine français Vauquelin, d'être à l'époque coulé sur la batture de Neuville par les Anglais le 16 mai 1760.

Aujourd'hui, l'église de Neuville (ci-dessous) se dresse fièrement et offre une superbe fresque (deuxième photo) sur sa face arrière. Une fresque que l'on doit à Antoine Plamondon, une des figures marquantes de la peinture au Québec. Notre homme fera d'abord ses armes dans la restauration de tableaux avant de parfaire ses connaissances artistiques auprès de maitres français et italiens entre 1826 et 1830. Citoyen de Neuville, il entretiendra un domaine, puis deviendra bientôt le premier maire du village lors de la constitution des municipalités du Québec en 1855. C'est lui qui réalisera toutes les peintures de l'église de Neuville ainsi que certaines œuvres des église de Cap-Santé et de Saint Augustin de Desmaures. En y regardant de plus près, je m'aperçois que l'édifice religieux du village abrite à la fois l'église et...la bibliothèque municipale, occasion assez rare pour être remarquée et un bon moyen sans doute de rester à la page !


 

INFOS PRATIQUES :

  • Magasin général de Deschambault, face au bureau de Poste. Le futur musée ouvrira ses portes en juin prochain. L'entrée devrait couter un à 2 $.
  • Le Moulin de la Chevrotière est ouvert au public en période estivale tous les jours de 9h30 à 17h30. Site internet : http://deschambault-grondines.com/moulin-de-la-chevrotiere/

  • Boulangerie Le Soleil Levain, 234, Chemin du Roy à Deschambault. Tél : 418 286 7246. Accès Wifi gratuit.

  • Cabane à sucre La Sucrière, chez Madame et Monsieur Brazeau, 55 rang 2 à Deschambault. En saison, le couple possède également une boutique située à côté du magasin général Paré, au 104 rue de l'église. Tél : 405 564 9805. Site internet : https://lasucriere.ca/

  • Association des plus beaux villages du Québec : http://www.beauxvillages.qc.ca/

  • Société d'histoire de la ville de Neuville : http://www.histoireneuville.com/

  • Galerie d'Art de Christine Genest, 57A, Route 138, à Cap Santé. Tél : 418 462 0909/418 285 5466. Site internet : http://www.artistepeintrechristinegenest.com Boutique en ligne : http://www.christinegenest.com










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