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Baie Saint-Paul
(Québec, Canada)
Heure locale

 

Jeudi 3 mai 2018

 

J'entame aujourd'hui la visite du comté de Charlevoix en me rendant à Baie Saint-Paul. Dès le début de la colonie française, au 17è siècle, les terres comprises entre les rivières Montmorency et du Gouffre furent concédées au Sieur Cheffaud de la Regnardière qui occupait alors le poste de secrétaire de la Compagnie des Cent Associés, puis à Monseigneur Laval, évêque de Québec. En 1678, on chargea Noël Simard surnommé « Lombrette » de défricher une ferme pour préparer la construction de deux moulins, un pour le blé et un autre pour le bois. Un an plus tard, le pionnier Pierre Tremblay amorcera la construction des moulins tout en exploitant parallèlement une terre laissée vacante par Jean Serreau, Sieur de Saint-Aubin. Et l'un des douze enfants nés de Pierre Tremblay et d'Ozanne Achon de devenir seigneur des Eboulements dès 1710.

Durant la conquête de 1759, les terres de Baie Saint-Paul vont faire l'objet de va-et-vient constant : alors que la flotte anglaise remonte le fleuve, l'alerte est donnée pour évacuer les terres de l'Isle-aux-Coudres et de Petite-Rivière-Saint-François pour se réfugier à la Baie Saint-Paul. Les habitants s'enfuient alors avec leurs biens, en tuant les animaux et en cachant leurs trésors avant de partir vivre dans des abris de fortune appelés « cabanes ». Le 4 août, les Anglais débarquent à Baie Saint-Paul mais deux cents hommes en embuscade ripostent en détruisant les embarcations anglaises. Ce stratagème imaginé par les Français parvient à mettre en fuite l'envahisseur, sans parler du cri des oies s'apparentant à celui des Amérindiens. Et la petite ville de prendre place peu à peu, avec la construction d'une première église dès 1698, tout près d'une gare aujourd'hui disparue. L'église actuelle de Baie Saint-Paul, elle, s'élève désormais avec ses deux clochers de hauteur inégale (en photo ci-dessous) et son grand orgue Casavant, un orgue à tuyaux de 43 jeux dont un carillon, fabriqué par la célèbre maison en 1928.

 

La renommée de Baie Saint-Paul réside dans la source d'inspiration qu'elle offre aux artistes peintres : les couleurs, la montagne, la mer, les grands espaces, et surtout une lumière très particulière incitent de nombreux peintres à retranscrire les beautés du temps et de la nature. Il suffit d'emprunter la rue Saint Jean-Baptiste pour se rendre compte du nombre important de galeries d'art (on en compte plus de vingt cinq, sans parler du carrefour culturel Paul-Médéric ni du Musée d'art contemporain!) qui ouvrent leurs portes aux gens de passage et sans aucune arrière pensée. Je m'arrête ainsi à la galerie Iris qui expose les œuvres d'une foule de peintres, dont Louis Tremblay (avec, ci-dessous, la Baie Saint-Paul). Certains ont fait de la petite ville leur port d'attache comme Clarence Gagnon, Brymner, Cullen, Goldhammer, Jean-Paul Lemieux, Marc-Aurèle Fortin ou René Richard. Ce dernier, artiste peintre d'origine suisse s'installera au Canada en 1909 et reportera ses randonnées dans des centaines de dessins, avant de rencontrer Clarence Gagnon en Europe en 1927 peu après avoir porté son intérêt vers la peinture. Il s'installera en 1942 à Baie Saint-Paul puis exposera de façon régulière à Québec et à Montréal. Il reste aujourd'hui la maison (deuxième photo) qu'il avait acquise et qui est désormais une galerie d'art. D'autres talents populaires laisseront également des traces de leur passage comme Yvonne Bolduc, Georges-Edouard Tremblay ou Mary Bouchard. Et tous ces personnages d'avoir à leur façon contribué à la renommée actuelle de cette ville de 7000 âmes qui accueille près de deux millions de visiteurs en période estivale.

On notera aussi le rôle de catalyseur joué dès 1913 par le groupe des sept, un ensemble de jeunes artistes canadiens qui s'installèrent à l'époque au Studio Building, un immeuble de trois étages de Toronto, afin d'y installer leurs ateliers. Ces jeunes auront la même volonté de rejet de la tradition européenne, se traduisant alors par l'aspect académique de la peinture au Canada. Et le groupe de vouloir très vite représenter l'Ecole nationale du Canada, en peignant cette magnifique nature canadienne qui méritait selon eux d'être représentée de manière plus audacieuse et dans des couleurs plus vives que dans la peinture paysagiste classique. Après sa première exposition à la Art Gallery de Toronto, le célèbre groupe offrit de nombreuses peintures sur lesquelles étaient représentés les quatre coins du pays et où chaque peintre illustrait sa propre région, contribuant ainsi à revendiquer le Nord canadien comme le royaume de l'artiste et de l'explorateur. C'est en 1931 qu'aura lieu la dernière exposition de ces artistes qui choisiront à l'avenir de poursuivre leur route chacun de leur côté.


 

Les registres paroissiaux de Baie Saint-Paul s'ouvrent en 1681 mais l'érection canonique, elle, attendra jusqu'en 1714. Le village sera pour sa part constitué le 1er juillet 1845, passant au statut de municipalité, puis de village et de ville en 1961. Les trois municipalités locales ayant fusionné en 1995.

Avec la colonisation de Baie Saint-Paul en 1678, les premières familles à s'y installer seront celles des Simard et des Tremblay, lesquelles forment d'ailleurs le tiers de la population locale à l'heure actuelle. La rue Saint Joseph que je découvrirai lors de ma promenade est l'un des premiers foyers de peuplement de la ville et est caractérisée par ses maisons plus que centenaires à toit mansardé. J'y admirerai notamment la demeure du N°87 de cette rue (en photo ci-dessous) qui fut érigée au milieu du 19è siècle et est très représentative du type de construction de la rue Saint Joseph. Jadis, c'est à dire avant 1747, cette rue n'était qu'un sentier entretenu par les premiers colons de la Seigneurie du Gouffre (la rivière toute proche), sentier qui prendra plus tard le nom de Chemin de l'Anse. La maison, qui ne comprenait à l'époque que le corps principal était bâtie en madriers de cèdre assemblés pièce par pièce, puis recouverts d'un crépi. Les bardeaux biseautés du toit et taillés à la hache sont d'origine, tout comme le revêtement des murs intérieurs. On notera au passage les chambranles typiques des fenêtres. Cette demeure fut la maison natale de l'abbé Arthur Daniel, qui fut l'auteur de six volumes traitant de la vie rurale dans Charlevoix au 19è siècle, de la colonisation du Saguenay et de l'odyssée de François Gaudreault, fondateur de Mistassini.


 

Dans cette même rue, mais au N°135 se dresse une autre maison (ci-dessous) d'inspiration coloniale américaine : bâtie en 1935 par Charles Tremblay dit « Gadelle », celle-ci fut un temps garni d'un revêtement extérieur en papier goudron qui imitait la brique. On remarque plusieurs éléments architecturaux comme ces deux imposantes galeries en L arrondies dont la balustrade est ouvragée. On remarque aussi l'imposante fenestration composée surtout de fenêtres à battants, sans oublier ce toit de tôle posé « à la canadienne », une technique très répandue au Québec entre 1750 et 1875, qui offre une bonne résistance face aux rigueurs climatiques.


 

Je franchis bientôt la rivière du Gouffre en empruntant un pont. Et d'apercevoir sur l'autre rive une grande fresque (ci-dessous en photo) illustrant l'histoire de Charlevoix, de Petite-Rivière-Saint-François à l'Isle aux Coudres en passant par Baie Saint-Paul et l'arrière-pays et ce, au fil des quatre saisons. On doit cette œuvre à trois artistes peintres locaux.

 

D'autres rues offrent leurs architectures comme la rue Tremblay, au N°10 de laquelle s'élève encore aujourd'hui le moulin Gariépy (ci-dessous), imposant bâtiment érigé en 1756, à la fin du régime français pour un commerçant local. L'endroit servait à moudre le grain, à carder la laine et à produire des bardeaux de cèdre. Le toit du premier moulin était mansardé à quatre eaux, jusqu'à ce qu'un incendie ne détruise l'ensemble en 1928. On ne sauva que les murs et une nouvelle bâtisse, à usage de logements, s'éleva au même emplacement dix ans plus tard.


 

Petit détour à présent par le N°119 de la rue Saint Jean-Baptiste avec le magasin général Hercule Fortin (ci-dessous), érigé en plusieurs étapes avant de connaître sa forme actuelle. Une première maison originale fut d'abord bâtie en 1870, et fut utilisée comme commerce à partir de 1888. Des travaux d'agrandissement eurent lieu en 1897 pour y recevoir un magasin général, puis on y ajouta en 1900 une section à toit mansardé. La partie décorative la plus significative reste cette petite console ou partie saillante de l'ensemble, appelée « modillon », et très fréquente au Québec dans les constructions de la seconde moitié du 19è siècle.

 

Autre curiosité de l'endroit : la maison du développement durable Habitat 07, située un peu à l'écart du quai de Baie Saint-Paul. Comme il faut bien vivre avec son temps, cette maison expérimentale fut construite écologiquement pour sensibiliser et informer la population sur les énergies nouvelles et sur les pratiques liées au développement durable. Se trouvant dans un site magnifique près du fleuve Saint-Laurent, la maison est également le poste d'accueil du boisé du Quai. Sa construction fit l'objet d'un tournage dont résulta la série Habitat 07, les Compagnons du rebut global (d'où son nom!), qui fut diffusée sur Télé Québec durant l'hiver 2007. A la fois original et contemporain, le bâtiment est inspiré des méthodes ancestrales qui font usage des ressources naturelles disponibles sur place. Paradoxalement, les caractéristiques artisanales de la maison côtoient les plus récentes technologies en matière d'énergies alternatives puisque l'ensemble est complètement autonome quant aux sources d'énergie. Le lieu est ouvert au public en visite libre ou guidée durant la saison estivale. On peut alors en apprendre plus sur les techniques utilisées comme l'isolation de ballots de paille, le toit végétal, les panneaux photovoltaïques et le système de retour d'énergie d'Hydro-Québec...


 

Sur le chemin du retour, j'admire le paysage environnant et le cri des oies sauvages : Baie Saint-Paul constitue une zone habitée de la Réserve mondiale de la biosphère de Charlevoix et le site du Quai offre un panorama exceptionnel sur le fleuve Saint-Laurent (ci-dessous), l'île aux Coudres, les battures, la plage, la marina, les montagnes et le boisé. Non loin de là s'écoule la rivière du Gouffre, rivière à saumons par excellence, tandis que l'endroit vit au rythme des marées qui vident ou remplissent la baie des eaux du fleuve. Quant au boisé du Quai, il accueille les amoureux de la nature et les passionnés d’ornithologie. Ces derniers pourront faire usage de la plate-forme d'observation qui surplombe les marais salés.

 

INFOS PRATIQUES :

  • Galerie d'art Iris, 30 rue Saint Jean-Baptiste, Baie Saint-Paul. Tél:(418) 435 5768. Site internet : http://www.galerieiris.com
  • Le festival de peinture Rêves d'automne se tient à Baie Saint-Paul chaque année : http://revesdautomne.com/

  • Pensez à demander le guide de la ville auprès du bureau de tourisme (situé en face du Musée d'art contemporain)

  • Le train de Charlevoix fonctionne du 16 juin au 21 octobre, sept jours sur sept. IL dessert les gares de Baie Saint-Paul, Petite-Rivière-Saint-François, Sainte-Anne de Beaupré et Chute-Montmorency d'un côté, les Eboulements, Saint-Irénée et La Malbaie de l'autre. Tél : (418) 240 4124. Site internet : http://traindecharlevoix.com/

  • Habitat 07, 212 rue Sainte-Anne, à Baie Saint-Paul. Tél : (418) 435 5514. http://www.baiesaintpaul.com/tourisme/activites

 






 



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