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Histoire de la population du Saguenay-Lac-Saint-Jean
(Québec, Canada)
Heure locale

 

Mardi 8 mai 2018

 

A Saguenay, se trouve le Musée du Fjord qui fut fondé il y a déjà plus de cinquante ans. L'institution naquit du rêve de jeunes scouts et offre aujourd'hui expositions, rencontres publiques, programmes destinés à la jeunesse, et publications diverses. L'endroit, devenu depuis une attraction touristique majeur, a marqué cet anniversaire en publiant un site (http://museedufjord.com/50/) spécialement consacré à l'histoire de ce musée.

Le musée offre de voir un film de quinze minutes consacré au fjord du Saguenay. J'embarque ainsi à bord d'un vaisseau spatial qui va me transporter quatre milliards d'années en arrière, lors de la formation du fjord dont le relief actuel est le résultat des glaciations qui recouvrirent le territoire et le creusèrent. Son lit est une succession de trois grands bassins profonds séparés par des remontées abruptes. Le fjord est large de un à 3,5 km selon les endroits, et est bordé de parois escarpées pouvant atteindre plus de 400 mètres. Sa longueur est d'une centaine de kilomètres, ce qui le classe parmi les plus longs fjords du monde. A travers le film, je découvrirai que le fjord du Saguenay est aussi constitué par la superposition de deux couches d'eau très différentes, une eau saumâtre faiblement salée en surface et une eau marine et glacée en profondeur. D'où la présence à cet endroit d'espèces animales d'eau douce et marines vivant ensemble, tant dans le fjord que dans la baie des Ha!Ha !, milieu naturel d'une grande richesse biologique avec une soixantaine d'espèces de poissons (40 d'eau salée et 20 d'eau douce) et plus de 400 espèces d'invertébrés. L'aquarium du musée permet d'observer certaines de ces espèces.


 

Pour l'heure, je m'intéresse surtout à l'exposition permanente « Des racines et des rêves » qui déchiffre l'histoire de la population sanguenayenne et jeannoise grâce au fichier scientifique BALSAC, et présente au public différentes facettes du Saguenay-Lac-Saint-Jean, de la colonisation à la génétique des populations. En 1972, les premières études en histoire sociale amorcées par Gérard Bouchard sur le village de Laterrière mettront très vite en évidence le potentiel du fichier BALSAC (à ce jour, près de trois millions d'actes se rapportant à 5 millions d'individus, contenant la généalogie de toute la population catholique du Québec depuis les débuts de la Nouvelle-France jusqu'à nos jours). Ainsi, si vous êtes né(e) au Québec entre 1940 et 1960 et si vous êtes d'origine canadienne-française, il vous suffira d'identifier vos deux parents, quatre grands-parents, huit arrière-grands-parents etc...pour une moyenne de 1500 ancêtres différents. Incroyable, non ?

 

De 1621 jusqu'au milieu du 18è siècle, dix mille immigrants principalement venus de France s'installent dans la vallée du Saint-Laurent et en Acadie. Et de se rendre en Amérique avec leurs traditions pour créer un pays neuf, en dépit du fait que ce territoire était déjà peuplé. Il fallait simplement faire preuve de la volonté de posséder une terre et de vivre dessus. Après la conquête anglaise de 1760, l'immigration se diversifie, avec des arrivants anglais, des mercenaires allemands, des Irlandais et des Ecossais. Acadiens et Loyalistes font aussi partie du voyage et arrivent des Etats-Unis. Durant le 20è siècle, des migrants venus du sud et de l'est de l'Europe viendront renforcer cette première immigration. Les généalogies conservent heureusement la trace de ces mouvements migratoires et permettent à tous les Québécois d'origine canadienne-française de se découvrir au moins un ancêtre français, et 93% d'entre eux de posséder également au minimum un fondateur d'origine anglaise.

Dès la fin du 17è siècle, on assiste à une forte croissance de la population de la Nouvelle-France et certaines seigneuries du Saint-Laurent seront entièrement concédées à de nouveaux arrivants. Ainsi, les seigneuries de Beaupré, de La Malbaie, du Gouffre, des Eboulements de l'île aux Coudres, de Mont Murray et de Murray Bay accueillent alors des nouveaux colons à la recherche de terres pour se lancer dans l'agriculture.


 

Les premières cartes géographiques mentionnent déjà ce pays neuf Canada et le royaume, Saguenay. Ce territoire avait été préalablement habité par des peuples autochtones comme les Innus, les Algonquins et les Etchemins qui y vivaient depuis des millénaires. Ces peuples, qui ont pourtant continué de vivre sur ces terres, ne laissent que d'infimes traces de leur passage. On connait encore moins l'intégration des Blancs aux population amérindiennes (seulement quelques milliers d'Amérindiens sur trois millions d'actes du fichier BALSAC).

William Price prend indirectement le contrôle de la presque totalité des concessions forestières du Saguenay, des cours d'eau et d'une grande partie des terres, regagnant ainsi sa liberté par rapport à ses associés en exploitant la forêt et en faisant travailler des moulins. Il procure aussi aux cultivateurs des revenus d'appoint gagnés durement mais uniquement échangeables contre des marchandises de ses magasins. Cet argent devenait alors le piton (jeton) qui faisait à la fois office de monnaie...et de menottes ! Les beaux jours de notre riche propriétaire terrien connaitront un terme lorsqu'en 1838, le gouvernement du Bas-Canada, déjà échaudé par les rébellions de 1837-1838, autorisera une nouvelle société à s'installer au Saguenay : la Société des Vingt et Un, composés de 21 signataires établis dans Charlevoix et dont certains construiront des scieries.

 

Avec l'ouverture du pays à la colonisation, en 1842, baptêmes, mariages et sépultures seront pris en charge par les paroisses, lesquelles, en plus de dispenser les sacrements, tenaient à jour les registres de l'état civil. Un prêtre, le curé Nicolas-Tolentin Hébert (ci-dessus) est une figure emblématique de la colonisation du Las Saint Jean en incarnant le discours des élites d'alors, destiné à contrer l'exode vers la Nouvelle-Angleterre. Il fonde ainsi l'Association des comtés de l'Islet-Kamouraska pour favoriser l'installation des colons, puis Hébertville en 1852. Au final, moins d'une cinquantaine de chefs de famille s'établiront là-bas.

Pourtant, 28656 immigrants venus de Charlevoix, du Québec et d'ailleurs s'installeront au Saguenay Lac Saint Jean entre 1838 et 1912. Ces familles pionnières s'établiront sur des terres vierges, mises peu à peu en valeur à force de travail et de sueur.

 

L'histoire de cette région sera émaillée de drames comme ce 19 mai 1870 lorsqu'un simple feu d'abatis sur la terre des Savard à Rivière-à-l'Ours se retrouve attisé par les vents et se propage en quelques heures sur les rives du Lac Saint Jean et du Saguenay, jusqu'à la Baie des Ha!Ha !, en détruisant au passage plus de 500 fermes et beaucoup de maisons sur une surface totale de 3900 km2. Certains prêtres y verront un châtiment divin pour punir les blasphémateurs et les ivrognes travaillant sur les chantiers. La région n'échappera pas non plus aux épidémies comme en août 1848, avec le typhus, introduit par les immigrants irlandais. Fièvres, diarrhées et entérites emporteront aussi les plus jeunes et scarlatine, variole, diphtérie,coqueluche, rougeole et fièvres infectieuses séviront jusqu'au début du 20è siècle. Enfin, 1918 verra poindre la grippe espagnole jusqu'au fin fond du pays et les décès se compteront par centaines au Saguenay.

Après le grand incendie, les années suivantes verront des millions de bleuets sortir des sols brûlés. Heureusement, les registres paroissiaux auront été épargnés et ce gigantesque brasier n'aura fait que peu de victimes. On assiste à cette époque au fleurissement de nouveaux clochers tandis que les habitants défrichent les sols. Et chaque nouvelle paroisse de posséder son propre registre sur lequel sont inscrits baptêmes, mariages et sépultures. En matière de sexualité, les tabous, le silence et les qu'en-dira-t'on seront prédominants en ville comme dans la campagne saguenayenne avant les années 1930, car la conduite des femmes et la vie amoureuse des couples étaient subordonnées à l'ordre social et clérical. De nos jours, les témoignages de centaines de personnes âgées laissent percer le secret qui entourait le sexe à cette époque (ignorance dans laquelle on maintenait la jeunesse, la force des interdits, l'oppression de la femme et le statut particulier de l'homme).

En 1888, le train fait son entrée de la vallée du Saint-Laurent à Chambord et désenclave désormais le pays toute l'année, faisant la part belle aux riches terroirs du lac Saint Jean qui seront les premiers à profiter de nouveaux marchés et de la multiplication des pulperies. L'industrialisation pointe le nez, et les agriculteurs d'investir les profits de la vente de fromage dans les usines de pulpe de Jonquière, de Péribonka et de Saint-André. Cet entrepreneuriat canadien-français sera la source de l'enrichissement de plusieurs familles dont les Guay, Dubuc, Côté-Boivin, et les frères Gagnon...Avant 1880, 72% de la population exerçait le métier d'agriculteur. Et l'économie, surtout tournée sur la subsistance, va progressivement se convertir à l'élevage bovin et à la production laitière, tandis que le développement de la grande industrie fera passer à 51% la proportion de cultivateurs au début du 20è siècle. Les forêts offrent toujours la prospérité mais le sapin et l'épinette ont succédés aux grands pins pour fournir la fibre qui sera ensuite transformée en pâte à papier. De jeunes entrepreneurs, fils de ceux qui avaient jadis plié sus le joug de William Price, ont gagné en assurance, réunissent du capital-risque et créent les premières pulperies (ci-dessous) sous l'impulsion de Joseph-Dominique Guay, de Julien-Edouard-Alfred Dubuc et de bien d'autres.

 

Avant 1900, 70 immigrants sur 100 provenaient de Charlevoix. En 1950, cette proportion tombe à 20 sur 100. L'industrialisation attire en effet de la main d'oeuvre venue de tout le Québec et de nouveaux noms de famille apparaissent sur les actes de mariage. D'autres immigrants font un long voyage pour venir s'établir ici et s'y marier. On trouve ainsi des Américains, des Français, des Britanniques, des Italiens, des Suisses, des Belges, des Finlandais des Danois, des Russes, des Allemands, des Polonais, des Israéliens, des Syriens....

Entre 1890 et 1930, les Saguenayens seront animés d'un rêve collectif, faire de Chicoutimi une vraie métropole capable de rivaliser avec les capitales économiques et industrielles américaines. Rêve irréalisé à ce jour. Parallèlement, un nombre croissant de femmes, souvent issues de familles nombreuses, tentent de contrôler le nombre de naissances avec l'utilisation discrète du préservatif à partir des années 1940. Et ces dames de donner naissance à trois enfants en moyenne dès les années 1950. De même, avant 1930, les rares femmes qui déclaraient une profession étaient ménagères ou institutrices. Peu à peu, leurs professions seront plus diversifiées même si les emplois se concentreront toujours dans les domaines liés aux services. Pendant la Seconde guerre mondiale, les Canadiens-français seront par ailleurs peu enthousiastes à l'idée de partir sur le front européen. Des mesures d'exception (dont le mariage) permettent alors aux hommes d'éviter l'enrôlement. Et les couples de remplir en masse les registres ce 14 juillet 1940 (ci-dessous en photo). Le Québec comptera ainsi 3442 mariages (+400%) cette année-là. Pour les réfractaires, il ne restera que la fuite au fond des bois.


 

Une fois la guerre terminée, le retour des courageux soldats et la reconversion de l'économie de guerre à la société de consommation entretiennent l'espoir. On se marie plus jeunes et on fait plus d'enfants. De 1946 à 1966, on évalue la hausse de la natalité à plus de 18% dans tout le Canada. Depuis 1930, le Saguenay Lac Saint Jean s'urbanisera rapidement grâce au développement de l'industrie et des services. Et le nombre de paroisses d'augmenter dans la même proportion. L'éducation, elle, reste l'affaire de l'église et chaque nouveau territoire possède son école. Laïcs et religieux enseignent la lecture, l'écriture, le calcul et le catéchisme aux jeunes de tout âge. Alors que dans les années 1850, 90% des époux étaient illettrés, cette proportion tombe sous la barre des 50% en 1900. De son côté, Dominique Racine, le curé de la cathédrale de Chicoutimi envisage la création d'un petit séminaire dès 1860. Un projet réalisé treize années plus tard. En 1897, les pères Maristes inaugurent à leur tour leur collège à Roberval. Et l'Université du Québec à Chicoutimi d'ouvrir ses portes en 1969.

Signe des temps, le mariage ne devient plus le seul moyen de créer une famille dans les années 1980. Le nombre de mariages diminue donc, et pratiquement un couple marié sur deux ne s'unit pas à l'église. Et cette diversification des types d'union tout comme l'éclatement de la famille nucléaire, de compliquer singulièrement la reconstruction de l'arbre généalogique de tout le Québec.

 

INFOS PRODUITS :

  • Le Musée du Fjord, 3346 boulevard de la Grande-Baie Sud, à La Baie (Saguenay). Tél : (418) 697 5077. Ouvert tous les jours de 9h00 à 18h00 du 24 juin au 3 septembre et de 9h00 à 16h30 (du mardi au vendredi) et de 13h00 à 17h00 (samedi, dimanche et jours fériés). Entrée adulte: 16$. Site internet : http://museedufjord.com/
  • Le film du Fjord du Saguenais est diffusée sur simple demande

  • Téléchargez l'application mobile L'Origo au http://www.museedufjord.com/jeu-genealogie-quebec

  • Accès wifi gratuit : sfmusee (fjord5077)

  • Merci à l'équipe du musée pour son accueil chaleureux !










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