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Baie-Comeau
(Québec, Canada)
Heure locale

 

Samedi 12 mai 2018

 

Baie-Comeau tient son nom de Napoléon Alexandre Comeau, autodidacte, géologue et naturaliste de la Côte Nord. Né en 1848 aux Ilets-Jérémie, à proximité de la réserve amérindienne innue de Betsiamites, notre homme était l'ainé d'une famille de onze enfants, dont le père était employé de la compagnie de la Baie d'Hudson. Il passera son enfance dans les bois du côté du Labrador, au poste de North-West River, puis aux îles de Mingan, entouré d'Innus et d'Inuits qui lui apprendront à chasser, à pêcher et à s'orienter en forêt. Dès l'adolescence, il parle couramment le français, le montagnais, le naskapi et l'inuktitut, mais ses parents l'enverront en 1859 dans une école de Trois-Rivières afin qu'il complète son apprentissage et qu'il apprenne l'anglais.

Un an plus tard, Napoléon Alexandre est nommé par son père gardien de la rivière Godbout, à Baie Trinité. Ce cours d'eau est l'une des 116 rivières à saumon du Québec et ce poste sera pris très au sérieux par Napoléon, lequel en profitera pour compléter ses connaissances sur la faune et le flore. Il devient ensuite trappeur, se marie, puis est nommé maitre des postes de Godbout. A partir de 1882, Napoléon Alexandre se lie d'amitié avec les naturalistes Elliot Coues et Hart Merriam et collabore avec eux sur la faune de la Côte Nord. Cette même année, il rejoint l'American Ornithological Union de New-York avant de partir chasser le bison dans l'Etat du Wyoming. Il collaborera en 1914 avec l'Etat canadien sur la pêche en Arctique et le potentiel touristique de la Baie d'Hudson, puis, cinq ans plus tard, participe à la Société Provancher d'histoire naturelle du Canada.


 

Je déambule en plein froid polaire dans cette ville de 21000 habitants, dont les rues sont désertes. L'endroit connut une présence autochtone innue et montagnaise dans la région, il y a environ 6000 ans de cela. Territoire forestier immense, le Manicouagan recèle une faune diversifiée (ours, castors, loups-marins, orignaux, caribous) grâce à laquelle les Amérindiens trouvèrent longtemps leur subsistance. En plus, la rivière du même nom est très poissonneuse, sans parler de la rivière aux Anglais qui abrite du saumon.

Vers l'an 1000, des traces du passage des Vikings auraient aussi été retrouvées à Baie-Comeau. Bien plus tard, en 1535, Jacques Cartier remarquera l'existence de la rivière Manicouagan et qualifiera ce pays de dangereux à cause probablement des bancs de sable présents. Les seuls colons intéressés par l'endroit sont alors des contrebandiers de fourrures et les missionnaires qui tentent d'évangéliser les Amérindiens, si bien que les premiers établissements permanents de la Manicouagan ne prendront place qu'au 19è siècle.

La région est pourtant très attractive avec son gigantesque potentiel forestier : divers incendies surviennent, détruisant les premières installations, et les marées emportent parfois les réserves de bois. Après ces premières tentatives avortées, le colonel Robert Rutherford McCormick (en photo ci-dessous) propose de bâtir une usine à papier avec l'appui du journal Chicago Tribune, dont il est alors le président du conseil d'administration. Et le colonel de favoriser la création de plusieurs villages nord côtiers (Shelter Bay et Franquelin en 1920) tandis que des concurrents surgissent déjà. Plusieurs éléments orientent le choix de Baie Comeau pour y bâtir l'usine et la ville: Robert McCormick obtient d'abord du gouvernement du Québec une importante concession forestière à l'est de la rivière Manicouagan. Les biles de bois coupées flotteraient sur cette rivière pour rejoindre l'usine et la rivière aux Outardes produirait l'énergie suffisante pour assurer le fonctionnement des installations de l'usine et de la ville. Quant au transport du papier, il se ferait par bateau à partir d'un quai érigé du côté Est de la baie à Comeau, donnant accès par la même occasion à un port en eau profonde. Un premier site de construction est donc retenu pour l'installation d'un barrage hydro-électrique (Chute aux Outardes) et un second pour la construction d'un quai et pour la future usine de pâte à papier (Baie Cormeau). Entre temps, la crise de 1929 passera par là...

 

Et le projet de redémarrer en 1934, puis, deux ans plus tard, l'usine de pâte à papier commence à prendre forme. Le quai de Baie Comeau est remis à neuf, et la petite ville naissante est alors réservée aux travailleurs de la Quebec North Shore Company. Les hommes vivent alors dans des camps temporaires érigés le long de la baie et sur la route du quai. Cette main d'oeuvre est toute trouvée pour participer à la construction des premières habitations destinées aux familles permanentes et aux commerçants. La compagnie apportera aussi un soin particulier au recrutement de son personnel dont on attendra qu'il s'adapte dans une communauté isolée. En 1938, un premier recensement comptera 80% de Canadiens français, le reste de la population se composant de cadres et d'ouvriers spécialisés anglophones venus pour la plupart de Thorold. Et la majorité des premiers résidents de Baie Comeau d'habiter sur l'avenue Champlain. Bientôt apparaît la première artère commerciale La Salle, appelée aujourd'hui Place Lasalle. En 1938, apparaît le premier hôtel du centre ville (actuellement Grand Hotel), qui sera détruit par le feu en 1944, avant d'être reconstruit et de porter successivement différents noms. Non loin de là, un édifice, le département du bois, abritait autrefois la direction des opérations forestières. Un gérant veillait ainsi sur le bon fonctionnement de toute la chaine de production de la pâte à papier. Sur ce qui s'appelle désormais la place de la biosphère, je note la présence d'un grande fresque dépeignant l'endroit (ci-dessous)

 

A partir de 1936, la construction va être mise à l'honneur à Baie Comeau, et les premières lettres de patente suivront un an plus tard : les premières vraies maisons voient le jour, puis l'édifice Arcade (premier bâtiment commercial de la ville) est érigé, suivi de l'église, de l'hôpital et du Manoir Comeau. La petite ville s'offrira même un premier mini-golf en août 1944, loisir urbain de l'époque par excellence. Le tout premier tournoi sera organisé les 16 et 17 septembre de la même année. Ce mini-golf laissera place en 1950 à un bureau de poste (désormais maison du patrimoine Napoléon Alexandre Comeau). Les sœurs Sainte-croix (photo) arrivées récemment sur place, se chargeront quant à elles d'assurer la vie religieuse au début des années 1940. Elles dispenseront d'abord un enseignement aux 60 jeunes catholiques francophones et anglophones déjà inscrits à l'école catholique locale. L'église Sainte-Amélie (deuxième photo) célébrera sa première messe le 19 juin 1940 tandis que l'édifice religieux portera le nom de Sainte-Amélie en mémoire de la première épouse de Robert Rutherfold McCormick, fondateur de la cité. Les superbes fresques de l'intérieur de l'église sont l'oeuvre de l'artiste Guido Nincheri. En poursuivant plus haut sur la même route, j'arrive au parc de la grotte de Sainte Amélie, un site qui vit le jour grâce à sœur Saint-Jean-Apôtre et qui reçut la bénédiction de Monseigneur Napoléon-Alexandre Labrie en mai 1950, ce même évêque qui fondera la ville de Hauterive, à six kilomètres d'ici. Depuis les années 1940, il est en effet de plus en plus compliqué de se loger à Baie Comeau compte tenu de l'essor économique. Et certains de parler de Hauterive en tant que ville jumelle de Baie Comeau, à tel point que les deux communes finiront par fusionner en novembre 1982.


 

Le port de Baie Comeau grandira proportionnellement à l'augmentation du trafic maritime et à l'essor économique régional. Dès 1951, la Quebec North Shore Compagny aménage un barrage et une centrale électrique aux premières chutes de la rivière Manicouagan pour augmenter la réserve d'énergie nécessaire à ses installations et à la ville de Baie Comeau. Ce surplus d'énergie sera le bienvenu lors de l'installation d'une aluminerie quatre ans plus tard. Le premier lingot sortira d'usine en 1957, soit vingt ans après le premier rouleau de papier de la papeterie. En 1959, c'est le céréalier Cargil Grain qui érigera sur place le plus grand centre d'entreposage et d'exportation de céréales de l'Est du Canada. Enfin, un service de traversier-rail sera mis en service à la fin des années 1970 pour permettre de relier par voie ferrée la Côte Nord au reste de l'Amérique. C'est ce qui s'appelle une affaire rondement menée !

 

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