Revoir le globe
Top


De Gotbout au Phare de Pointe-des-Monts
(Québec, Canada)
Heure locale

 

Dimanche 13 mai 2018

 

La route 138 Est est encore aujourd'hui ma meilleure amie alors que je prends le volant pour Sept Îles. Durant les trois heures de voyage, je traverserai des paysages magnifiques, notamment entre Baie Comeau et Franquelin (ci-dessous). Il est encore tôt lorsque j'atteins cette localité qui abrite quelques 350 Franquelinois(es) mais le soleil brille déjà depuis longtemps. Le village fut édifié au pied des massifs rocheux des Laurentides dont les énormes falaises plongent dans le fleuve Saint-Laurent, et doit son nom à Jean-Baptiste Franquelin qui sera le premier cartographe officiel de la Nouvelle-France. C'est à lui que l'on devra la carte du Saint-Laurent en 1685. De nationalité française, notre homme naquit dans l'Indre en 1650 puis embarquera pour la Nouvelle France à l'âge de 21 ans afin d'y faire du commerce. Une fois sur place, il sera remarqué par le gouverneur Frontenac qui le recrutera pour tracer des cartes du Canada. Et Jean-Batiste de coucher sur le papier les explorations de Louis Jolliet et de Cavelier de La Salle entre 1674 et 1684, après être devenu auparavant hydrographe royal. Son retour en France aura lieu en 1692, un an avant la mort de son épouse Elizabeth et de ses enfants dans le naufrage du navire qui les transportait au large de l'archipel de Sept-Îles.

 

Ma première escale a lieu à Godbout, petit village de 250 âmes. L'endroit abrite une gare maritime fort utile qui permet des liaisons quotidiennes avec Matane (Gaspésie), à bord d'un traversier. Godbout aurait été baptisé ainsi en hommage à Nicolas Godeboust qui fut navigateur, pilote et défricheur, jusqu'à son retour sur l'île d'Orléans en 1670, année où Charles Albanel, missionnaire jésuite, mentionnera la rivière Godbout pour la première fois (en photo ci-dessous). C'est là que l'homme rencontra des Amérindiens de Sept Îles, les Oumamioueks. Quatorze années plus tard, cette même rivière verra s'établir un poste de traite sur sa rive. Ce même poste prenant de l'importance avec la chasse aux phoques après 1720. On chassait alors l'animal pour sa viande et pour l'huile. On peut encore actuellement observer le phoque commun sur cette côte, avec sa tête ronde, son nez court, ses narines foncées en forme de V et son pelage gris parsemé de plusieurs tâches claires. C'est le plus petit phoque du Saint-Laurent mais d'autres congénères (phoques gris et du Groenland) peuvent aussi être aperçus sur cette même baie. Armé de patience, vous aurez peut être la chance d'apercevoir le petit rorqual, le plus petit et le plus abondant des baleines à fanons qui fréquentent le fleuve. Sans parler du marsouin commun et du gigantesque rorqual bleu (20 à 25 mètres de long).


 

Vers 1850, on comptait déjà 25 familles de chasseurs Innus dans la région, puis la population canadienne va progressivement augmenter avec l'arrivée des Européens. On retrouve également Napoléon-Alexandre Comeau qui s'installera à Godbout à l'âge de vingt ans. Il administrera la pêche au saumon et protègera l'endroit des voleurs qui y sévissaient. Avec le temps, et l'installation des Blancs, les Innus perdront l'accès à la rivière et à la pêche et décideront de partir dans d'autres endroits, comme par exemple la réserve de Betsiamites.

Quant au port, il date de 1877 lorsqu'ouvrit le bureau de poste, puis la compagnie de pâte à papier Saint-Régis : un quai fut alors construit. Aujourd'hui, l'usine de pâte à papier a depuis longtemps fermé et le traversier Matane-Godbout reste le principal employeur de village. Le trafic induit entrainera d'autres emplois dans la restauration et l'hôtellerie et, grâce au développement du tourisme, un retour (relatif) des jeunes à Godbout.


 

Un peu plus haut, en remontant toujours la route 138, se trouve la Pointe des Monts. Un panneau routier m'invite à tourner à droite pour emprunter une petite route encore enneigée par endroits (ci-dessus). Onze kilomètres plus tard, j'atteins la côte avec de jolies petites plages où bien des gens aimeraient y avoir leur demeure. Et de m'arrêter à une chapelle (ci-dessous), aux portes du golfe : l'histoire de cet édifice est intimement liée à celle du phare. C'est en effet le gardien Victor Fafard qui réclamera sa construction auprès de Monseigneur Charles Guay, et de son petit cousin l'abbé Edouard-Séverin Fafard. Erigée par les habitants de la pointe, la chapelle sera dédiée à Saint-Augustin et bénie le 21 juillet 1898 par Monseigneur en personne. Ce lieu de culte sera d'abord destiné aux Montagnais locaux. Toutefois, peu de temps après la bénédiction de la chapelle, les Innus quitteront la pointe des Monts, faisant de l'endroit un lieu dédié aux pêcheurs établis près du phare (deuxième photo). Je tenterai de pousser la porte de la chapelle, en vain, car elle reste close. La petite église fut pourtant restaurée en 1963, 1994 et 2010 et l'on y conserve un maximum de pièces originales comme l'autel et le chemin de croix.

Station d'aide à la navigation située sur la rive nord du Saint-Laurent, le phare de Pointe-des-Monts fut érigé en 1830, ce qui en fait actuellement le second plus ancien phare du fleuve. Quatre ans auparavant, la Maison de la Trinité planifiait déjà la construction de l'ouvrage, et les travaux débutèrent en 1829. Après la seconde guerre mondiale, seule Georges Fafard et sa famille vivait encore sur place. Las, le ministère fédéral des Transports avait prévu de détruire ce phare en 1964, mais grâce à la mobilisation de Jacques et Marie-Berthe Landry, le dernier couple de gardiens, le gouvernement du Québec acquerra la construction l'année suivante. Depuis, l'ouvrage a été classé monument historique.

En dépit de sa fermeture, je ferai tout de même le tour du propriétaire : je stationne d'abord à côté du centre d'accueil, puis franchis un petit pont qui relie le phare au continent. En effet, le phare ayant été bâti sur un ilot rocheux isolé à marée haute, occupants et visiteurs seront contraints pendant plus de cinquante années de traverser le goulet en embarcation. Ce pont mis en place en 1884 facilitera bien les choses et Louis-Ferdinand Fafard sera le premier gardien à en profiter. Sur le promontoire rocheux sont toujours exposés un moteur diesel et un compresseur qui servaient autrefois à pomper de l'air dans deux réservoirs. Cet air était ensuite utilisé pour faire fonctionner la corne de brume qui était installée dans la maison du criard, maison sise sur la pointe ouest. Et cette corne d'avertir les bateaux de la proximité de Pointe-des-Monts par temps brumeux.

La maison du gardien, encore attenante au phare, accueillit le gardien Victor Fafard dès 1889. Avant cette date, l'homme vivait à l'intérieur même du phare puisque cette maison était réservée aux éventuels naufragés, mais les dépôts de provisions pour naufragés disparurent avec le temps et l'utilité de cette maison avec. Un panneau m'indique que l'endroit offre le deuxième signal lumineux sur le Saint-Laurent après celui de l'Île Verte. Une demande de soumission parue dans les journaux le 22 mai 1829 décrivait ainsi le futur phare : 70 pieds de hauteur, 28 pieds de diamètre à sa base extérieur et 20 pieds au sommet, arrondissement en un cylindre de seize pieds de diamètre à l'intérieur. Les murs devront avoir une épaisseur de six pieds à la base et de deux pieds au sommet. Une élégante corniche de pierre taillée venant couronner le mur (un pied équivaut à 30 centimètres).

A l'écart du phare, je remarque la poudrière (troisième Photo), petite construction datant de 1867, faite de briques puis recouverte d'un toit en zinc, et jadis utilisée pour l'entreposage de la poudre à canon. On pouvait y garder jusqu'à mille livres (453 kilos) de poudre.


 

Il me reste encore pas mal de trajet à réaliser avant d'atteindre Sept-Îles. Et de traverser la tumultueuse rivière des rochers près de Port Cartier. D'une longueur d'environ trente kilomètres, le cours d'eau culmine à 585 mètres au-dessus du niveau de la mer et prend sa source au lac Walker, le lac le plus profond du Québec. Son fort courant rend très difficile (voire impossible) la navigation, d'autant plus que cette rivière est encombrée de nombreux rochers d'où son nom. Les pêcheurs y trouvent par contre plusieurs espèces de poissons, dont le saumon.


 

A 64 kilomètres de Sept-Îles, j'aperçois un panneau matérialisant le...50è parallèle nord ! Me voici à la même latitude que Fumay, petite commune des Ardennes françaises, vous savez, la cité de l'ardoise...

 

INFOS PRATIQUES :

 











Retour aux reportages







Qui Suis Je - Reportages - Médiathèque - Calendrier - Pays - La lettre - Contact
Site réalisé par Kevin LABECOT
Disclaimer - Version mobile