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Parc national de l'Île Bonaventure et du Rocher Percé
(Percé, Gaspésie, Québec, Canada)
Heure locale

 

Dimanche 27 mai 2018

 

Pour mon millième article, je vous emmène à Percé et à l'Île Bonaventure. La petite ville, qui n'abrite que 4000 âmes, est considérée comme la capitale touristique de la Gaspésie, compte tenu de la beauté de ses paysages et des activités disponibles. Le toponyme Percé, lui, apparaitra vers 1570 alors que cette zone est fréquentée depuis des temps immémoriaux par les Micmacs. Ces Amérindiens nomades voyageaient par clans familiaux en canot d'écorce, d'un endroit à l'autre, selon les saisons et les ressources disponibles. Déjà, en 1652, lorsque fut créée la seigneurie de Percé, le village embrassait un vaste territoire incluant l'Île de Bonaventure, l'Île Percée, l'Île plate et une partie du littoral de Gaspé.Très rapidement, une mission catholique verra le jour, dotée seulement de deux prêtres pour évangéliser les Micmacs. Puis on installa un port de pêche. L'endroit sera mis à sac par les Anglais en 1690, obligeant les habitants à se réfugier dans la forêt voisine. Et la localité d'être abandonnée pour un temps, jusqu'à sa renaissance au 18è siècle interrompue à nouveau par la barbarie du général Wolfe en 1758 qui incendiera la place.

Sous le Régime français, 400 à 600 pêcheurs seront occupés chaque été à la construction d'habitations temporaires et de chafauds (en photo ci-dessous), ces grands édifices qui servaient à préparer et à saler le poisson. La morue sera ensuite mise à sécher sur les galets de la grève de Gaspé (deuxième photo) ou sur des treillis appelés vigneaux. A l'époque, le calendrier religieux totalisait plus de 160 jours maigres chaque année et la morue était considérée comme une nécessité et une richesse. D'où la venue, à chaque printemps, de centaines d'armateurs et de commerçants affrétant des navires pour capturer des millions de morues. Ces expéditions étaient souvent aventureuses et requéraient d'importants capitaux et des milliers d'hommes originaires de Saint-Jean-de-Luz, de Bayonne, de La Rochelle, des Sables-d'Olonne, de Honfleur ou de Dieppe. Et la nécessité de réglementer la pêche à la morue suscitera parfois de violents échanges entre habitants et pêcheurs, comme en ce jour du printemps 1686, lors de la visite de l'intendant de Meulles. Les capitaines se mettront finalement d'accord sur ce qui restera comme la première entente à ce sujet en Nouvelle France. Peu à peu, la situation du village situé à l'extrémité de la péninsule gaspésienne, l'abondance de poisson et sa rade exceptionnelle conviendront aux gens de mer qui chercheront à s'y établir durablement. D'où ces différences de point de vue entre le roi de France qui favorise alors la pêche saisonnière, et la position du gouverneur Frontenac et de l'intendant Talon qui encourageront la mise en place d'établissements de pêche permanents. Il est vrai qu'il devenait urgent de fixer les populations sur le territoire : en 1670, la population de Percé n'était que de six personnes (contre trente habitants vingt ans plus tard). Certes, les gens sur place devaient faire face aux rudesses de l'hiver et aux attaques toujours possibles des corsaires anglo-américains, comme en 1690, lors de la tentative d'invasion de la Nouvelle-France par l'amiral Phipps. Nicolas Denys, alors seigneur du golfe Saint-Laurent, tentera malgré tout d'établir la Compagnie de l'Île Percée avec d'influents marchands de Québec, en concédant au passage les premières censives à des colons pêcheurs.


 

Le meilleur moyen d'aborder l'histoire de Percé est sans doute de se rendre au Centre de découverte du parc national de l'Île Bonaventure et du Rocher Percé, au rez-de-chaussée du chafaud situé en face de l'office du tourisme. Celui-ci aborde l'histoire de la pêche à la morue dans la localité mais aussi le parc national avec ses richesses naturelles. On y apprend que Percé s'affichera comme le fleuron de la pêche en Gaspésie durant le 17è siècle, avec l'évolution des installations de pêche sous le Régime anglais, et la manière de préparer la morue. Une fois les côtes de la Nouvelle France devenues anglaises, à la suite de la Conquête de 1760, un vent nouveau va souffler sur Percé : les morutiers anglo-normands mettront en place des compagnies pêche bien organisées avec des hommes comme Charles Robin (en photo ci-dessous) ou John et David Le Boutillier. Et les grandes pêches de s'achever à l'aube du 20è siècle pour laisser la place à un autre développement, celui de l'Île de Bonaventure (deuxième photo) et du Rocher Percé, qui inspirent alors quiétude et sérénité.


 

Au fur et à mesure que s'organisent les premiers tours sur l'île, peintres, photographes, poètes, romanciers et naturalistes débarquent d'ici ou d'ailleurs. Et de trouver refuge pour la nuit chez l'habitant ou à l'auberge Maloney. D'autres y débarquent pour y passer l'été, le temps d'une nichée de fous de Bassan. C'est l'époque des ateliers de peinture de l' Américain Bettinger et de la Québécoise Bruneau qui viennent y chercher l'inspiration.

L'endroit constitue désormais un patrimoine naturel exceptionnel et un riche héritage historique habilement géré par le parc national de l'Île Bonaventure et du Rocher Percé. J'embarque ce matin à bord du « Félix-Leclerc » basé à l'Anse Beaufils pour faire le tour de cette contrée rocheuse façonnée par la mer. L'endroit abrite plus de 250000 oiseaux marins, dont des fous de Bassan et des cormorans.

A l'origine, ces îles et la côte de Percé furent liées en un énorme massif sédimentaire accumulé sur les fonds marins. Suite à des collisions millénaires entre les terres d'Amérique, d'Europe et d'Afrique, ce massif se soulèvera il y a environ 300 millions d'années pour former les Appalaches. Et ces montagnes de se fragmenter en une côte, une île et un rocher percé au gré des vagues, des glaces et des vents salins. Sur place, un nom surgit de l'histoire, celui de Sir William Edmond Thomas Logan, qui fut le premier directeur de la Commission géologique du Canada. Notre homme explorera des contrées éloignées et ramènera un trilobite qu'il recueillera sur le Rocher Percé lors de son premier voyage à Percé en 1843. Et d'emprunter le terme Bonaventure en 1860 pour identifier la formation de conglomérat de l'île.

 

Comme le soulignera le capitaine du bateau lors de ses commentaires, la faune ailée a fait de l'île Bonaventure son refuge, en y nichant année après année. On compte ainsi plus de 250000 oiseaux marins et côtiers aux teintes de noir, de blanc, de jaune et de gris, et quelques 200 espèces d'oiseaux résidents ou nicheurs saisonniers. Une véritable volière d'oiseaux colorés des rivages et des forêts, des champs et des prés. Ce socle rocheux d'à peine quatre km2 est dépourvu d'eau douce. Et offre un climat maritime froid, à priori peu hospitalier. Pourtant, près de 600 espèces végétales s'y épanouissent dans une dizaines d'habitats différents. Etonnant n'est-ce pas, d'autant plus que la faune terrestre est très limitée et se cantonne à trois espèces, le renard, le lapin et...la souris. Si l'hiver est glacial (malgré un soleil éclatant, je rentrerai transi de cette croisière à cause d'un vent accentuant la sensation de froid), le printemps permet aux eaux du Saint-Laurent de se réchauffer pour permettre à une vie très riche et variée de renaitre dès l'été, à la faveur du retour du plancton (on observe déjà le retour des premières baleines au large de l'Île Anticosti). Cette explosion de vie sera toutefois de courte durée puisque cette période féconde se dissipera lorsqu'arriveront les couleurs et les vents frais de l'automne. La saison des migrations débutera alors et une vie marine moins abondante subsistera tout de même.

Je vous l'ai dit, ici, seuls les phoques bronzent et se baignent (ci-dessous) tant le climat est froid et la température de l'eau, glaciale. Ceci s'explique par le fait que le Labrador prend sa source dans les courants des fonds océaniques, emprunte le chenal laurentien et remonte à la surface grâce au relèvement rapide des fonds marins aux environs de Tadoussac. A la fois froides et riches, ces eaux salées se mélangent aux eaux douces du Saint-Laurent pour former le courant de Gaspé qui longe la rive sud du Saint-Laurent puis se disperse dans tout le golfe. Quand vous saurez que ces conditions froides et riches sont recherchées par la morue, vous comprendrez mieux l'engouement pour ce poisson...Après une vie marine ralentie par les glaces hivernales, le cycle de vie reprendra du printemps jusqu'à la fin de l'été, en permettant aux cinquante premiers mètres de la couche d'eau de surface de se réchauffer et de devenir moins salés, permettant au plancton de se multiplier d'où le retour progressif des cétacés (que je n'aurai pas la chance d'apercevoir cette fois). Base de la chaine alimentaire avant tout, ce plancton a besoin d'eau, de sels marins et de lumière.

 

Deux fois par jour, la marée recouvre les rivage de Percé d'une hauteur d'eau d'environ 1,20 mètres. A marée basse, de nombreux phoques gris s'échouent sur les affleurements rocheux et se chauffent au soleil. Et même si le Rocher Percé et l'Île Bonaventure paraissent assez austères, ne nous méprenons pas car une flore et une faune adaptées à un habitat de falaises et de côtes rocheuses évoluent sans cesse selon les marées, et sur trois couches déterminées : au-delà des plus fortes marées, se développent lichens et plantes charnues adaptés à un sol sec, pauvre et balayé d'embruns salés. Et aux endroits les plus venteux, on trouve également des gastéropodes (comme les bigorneaux). La couche du dessous concerne l'entre deux marées et s'intitule le milieu médialittoral, domaine des algues vertes et des fucus cramponnées aux rochers contre le déferlement des vagues. Là se reproduisent mollusques (moules) et crustacés (crabes, balanes...) qui vivent fixés ou cachés dans les anfractuosités des rochers, protégés par leurs coquilles ou leurs carapaces. Enfin, un peu plus bas, se trouve la troisième couche, domaine de l'infralittoral avec l'omniprésence de l'eau. Cet habitat toujours submergé accueille algues rouges et laminaires, mais aussi échinodermes (étoiles de mer, oursins, concombres de mer...), crustacés (homard, bernard-l’hermite...) et autres superbes créatures marines préférant l'eau glacée.

 

Je devrai me rendre à l'Anse-à-Beaufils, à quelques kilomètres de Percé, pour embarquer sur la croisière. Cet havre est depuis longtemps privilégié pour le mouillage des bateaux de pêche des alentours. Charles Robin ne s'y trompera pas en y installant dans les années 1870 un établissement de pêche. Dès 1943, le village construira sa propre usine pour concurrencer la compagnie de Charles Robin. Et la Poissonnerie Anse-à-Beaufils de prendre le relais dans le traitement de la morue à partir de 1955. Aujourd'hui, la Vieille Usine, la saline, le cookroom et le magasin général (ci-dessous) rappellent les beaux jours d'autrefois. L'endroit reste particulièrement vivant au moment de la pêche au homard (mai-juin) et grâce aux excursions organisées durant la saison estivale.


 

INFOS PRATIQUES :

  • Bateaux de croisière Julien Cloutier, 9 rue du Quai, Percé. Tél:(418) 782 2161. Les départs de la croisière vers l'Île Bonaventure a lieu depuis L'Anse à Beaufils, à 9h00, 11h30 et 14h30. Vous pouvez rester sur l'île pour arpenter ses sentiers sur les croisières de 9h00 et 11h30. Tarif : 35$ par personne. http://croisieres-julien-cloutier.com/web/
  • Parc national de l'Île Bonaventure et du Rocher Percé : https://www.sepaq.com/pq/bon/

  • Musée Le Chafaud, 145 route 132 (en face de l'office du tourisme) à Percé. Tél:(418) 782 5100. Site internet : http://www.musee-chafaud.com/

  • Office du tourisme, 142, route 132, Percé. Tél:(418) 782 5448. Ouvert tous les jours de mai à octobre, de 9h00 à 17h00. https://www.perce.info/fr/

     

 

 

 

 










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