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Le Château Ramezay
(Montréal, Province du Québec, Canada)
Heure locale


Vendredi 20 juin 2014

 

Connaissez-vous le Château Ramezay ? En 1705, un certain Claude de Ramezay, alors Gouverneur de Montréal, décidait de se faire construire une résidence, entourée d'un grand jardin et d'un verger d'arbres fruitiers. L'endroit changera plusieurs fois de propriétaire et de fonction. Et sera le témoin d'importants évènements historiques. De nombreuses personnalités, comme l'Intendant Hocquart, le poète Emile Nelligan, le Gouverneur Lord Elgin ou Benjamin Franklin en franchiront le pas de porte. Claude de Ramezay mettra les pieds en Nouvelle-France en 1685, en tant qu'officier des troupes de la Marine. Il sera d'abord Gouverneur des Trois-Rivières de 1690 à 1699, puis occupera le poste de commandant des troupes canadiennes jusqu'en 1704, avant de devenir Gouverneur de Montréal vingt ans durant. Connaissant bien les dangers que courait une ville non fortifiée, il fera ériger un mur de pierre autour de la ville et fera appel à l'ingénieur Chaussegros de Lévy, en 1717. Cette enceinte protégera Montréal un siècle durant, avant d'être démolie en 1822.

Début 1893, le gouvernement du Québec décidera de se séparer du Château Ramezay qui était devenu une vieille bâtisse sans aucune utilité, et fixera la date de la vente aux enchères au 24 octobre de la même année. C'est alors que se mobilisera la Société d'archéologie et de numismatique de Montréal (SANM) afin de sauver le Château des coups de pic des démolisseurs. Au programme, mobilisation de l'opinion publique et pression sur les autorités locales.Il faut dire que la SANM rassemble en son sein, et depuis 1862 (date de sa création), des Montréalais très soucieux de préserver le patrimoine de leur ville. Ses membres réussiront ainsi à convaincre les autorités de leur permettre d'acquérir le vieux bâtiment, et s'engageront en échange à le restaurer puis à y installer un musée, une galerie nationale de portraits et une bibliothèque publique. Le musée ouvrira ses portes dès le 1er mai 1895.

 

Dès le début de la Société, une collection fut constituée grâce, surtout, aux dons des citoyens désireux d'une part de conserver les témoignages du passé dans la mémoire collective, et d'autre part, de transmettre l'histoire aux générations futures. Environ 30000 objets (imprimés, manuscrits, estampes, peintures, meubles...) composent cette collection, riche de la rareté et de la diversité des objets qui la composent. Le Château Ramezay offre ainsi au public, et depuis plus de 115 ans, des expositions à caractère historique. Il organise également des activités culturelles, scientifiques et muséologiques. Sa mission étant de conserver, de mettre en valeur, et de rendre accessible un édifice désormais classé monument historique, sans oublier une collection principalement tournée sur l'histoire de Montréal et du Québec.

Entre 1997 et 2010, le Château fera l'objet d'importants travaux de rénovation extérieurs et intérieurs. On réaménage alors ses alentours immédiats en créant le Jardin du Gouverneur (photo ci-dessous). Ce jardin sera aménagé dans l'esprit du XVIII è siècle, offrant un jardin typique urbain de Nouvelle-France, unique exemple d'une époque désormais révolue. A côté de cela, le Château présente ses collections à travers des expositions permanentes et temporaires variées, qui abordent à la fois la culture, le patrimoine et le quotidien des habitants québécois au fil des siècles. L'endroit a reçu, en reconnaissance de son œuvre, plusieurs distinctions : il est, entre autres, devenu l'un des 1001 sites historiques incontournables, a reçu un certificat de reconnaissance des Daughters of the American Revolution qui atteste de l'importance du château dans l'histoire canado-américaine, a vu son exposition « A Table ! Traditions alimentaires au Québec » récompensée par la Société des musées québécois.... et j'en passe. Quelques millions de visiteurs plus tard, le Château Ramezay reste fidèle à ses deux missions de conservation et d'éducation. Il représente aujourd'hui, et plus que jamais, un lieu patrimonial de haute importance en plein cœur historique du Vieux Montréal, grâce à son architecture et son historicité. Organisme à but non lucratif, c'est le premier édifice à avoir été classé monument historique et le plus ancien musée d'histoire privé du Québec.

 

Revenons en arrière et remontons jusqu'au cœur de la révolution américaine à Montréal : depuis sa construction en 1705, le Château est un lieu associé au pouvoir, d'ordre administratif et commercial. Avant tout résidence de Claude de Ramezay, il accueillera les intendants de la Nouvelle-France lors de leur passage dans la ville. Même la Compagnie des Indes, qui fera le commerce des fourrures sur le continent, y installera ses bureaux de 1745 à 1760. Après la conquête de la Nouvelle-France, le château se retrouvera encore au centre d'évènements politiques lors de l'invasion américaine de 1775-1776 : dès le printemps 1775, Guy Carleton (en photo ci-dessus), alors gouverneur général de la nouvelle colonie britannique, est informé de ce projet d'invasion de la Province de Québec par les Colonies unies (Etats-Unis de l'époque). Les treize colonies américaines sont alors en rébellion contre leur métropole britannique car elles refusent les taxes décrétées par le parlement de Londres, au sein duquel elles n'avaient pas de représentants. Craignant que la Province de Québec seconde les troupes anglaises pour mater la rébellion, le congrès continental des futurs Etats-Unis d'Amérique convainc les Canadiens de se joindre à leur insurrection. Après l'avancée des troupes du congrès continental, Montréal capitulera et le Château Ramezay deviendra quartier général de campagne à partir du 13 novembre 1775. Quelques jours plus tard, Montgomery prendra la direction de Québec afin d'y rejoindre les troupes de Benedict Arnold. Ce dernier accueillera au château, le 26 avril 1776, trois émissaires du congrès continental, Benjamin Franklin, Samuel Chase et Charles Carroll of Carrollton. Moins d'un mois plus tard, Benjamin Franklin (deuxième photo ci-dessus) avouera qu'il aurait été plus facile d'acheter le Canada que de rallier les Canadiens à la cause américaine ! Le 15 juin de la même année connait un revirement, avec l'approche des troupes britanniques qui pousse Benedict Arnold à quitter le Château Ramezay. L'armée continentale abandonne Montréal et permet au gouverneur Carleton et à ses troupes de réintégrer la ville.

Quid de l'héritage de cette invasion ? L'acte de Québec de 1775 avait rétabli les droits du clergé catholique et les lois civiles françaises garantissant l'autorité et les revenus des seigneurs (les Britanniques cherchant ainsi à conserver la loyauté des élites francophones de la province québécoise). Mais agriculteurs et artisans ne pouvaient pas tolérer de renouer avec des obligations héritées du Régime français et décidèrent un temps de soutenir les troupes rebelles tant que celles-ci entretenaient l'espoir de leur faire éviter dime et corvées. L'échec de cette invasion renforcera donc le pouvoir clérical et seigneurial québécois, même si la propagande des treize colonies familiarisera les Québécois avec le principe politique de la représentation parlementaire : l'adoption de l'acte constitutionnel de 1791 instaurant le parlement du Bas-Canada, sera une heureuse conséquence de l'introduction des idéaux des Colonies-unies au sein de la population canadienne. Montréal devra, quant à elle, au congrès continental, la création du premier journal de la ville, la Gazette Littéraire, dont le fondateur sera l'imprimeur Fleury Mesplet, en 1778.


 

Les collections du Château Ramezay, qui comportent environ 30000 objets, sont classées de la manière suivante : la collection d'oeuvres d'art comporte à elle seule plus de 2000 dessins (comme ci-dessous), estampes, tableaux et gravures représentant des paysages canadiens et des portraits de personnages influents de l'histoire du pays. On y retrouve aussi la plupart des artistes ayant oeuvré à Montréal. La collection d'ethnologie amérindienne contient quant à elle plus de 700 objets et comprend entre autres des artefacts provenant de fouilles archéologiques réalisées dans des sites importants, comme ceux de Lanoraie et de Dawson. On trouve également des pièce provenant de toutes les régions du Canada, de la vallée laurentienne aux côtes du Pacifique. La collection d'ethnologie québécoise (deuxième photo ci-dessous) est, elle, composée de plus de 2000 objets illustrant la vie quotidienne des Canadiennes et des Canadiens des XVIII è et XIX è siècles. On y découvre notamment la vie personnelle et commerciale d'un riche marchand montréalais de la fin du XIX è siècle. N'oublions pas bien sûr la collection de numismatique qui compte plus de 8000 pièces. On y admire la Croix de Saint Louis, les médailles de traite, mais aussi de nombreuses pièces de monnaie du Canada et de divers autres pays.


 

Une collection de photographies est enfin disponible avec plus de 2000 clichés qui représentent la vie quotidienne des Montréalais aux XIX è et XX è siècles. De son côté, la bibliothèque renferme plus de 13000 titres dont de nombreux exemplaires de Canadiana, des romans, des essais, des revues et des journaux anciens. La collection d'archives manuscrites compte quelques 4000 pièces et est conservée aux archives nationales du Québec, à Montréal.

La sauvegarde du patrimoine montréalais est l'une des mission du Château Ramezay. Pour ce faire, ce dernier enrichit continuellement ses collections grâce aux dons d'objets de mécènes généreux. Ces objets doivent cependant répondre à plusieurs critères : ils doivent témoigner de l'histoire de Montréal, du Québec ou du Canada, répondre au mandat du Château, et correspondre à ses différents champs de collections et à ses axes de développement.


 

Et le Jardin du Gouverneur dans tout çà ? Pour les Amérindiens, la notion de jardin, au sens où nous l'entendons en Europe, est inconnue. On ne modifie pas l'ordre sacré des choses par des clôtures car, pour eux, l'espace n'appartient pas à l'homme et la nature reste un jardin infini, unique et divin. Au Québec, on trouvait alors deux principaux groupes autochtones : les Algonquiens, nomades, qui vivaient de la chasse et de la cueillette, et les Iroquoïens, plus sédentaires, qui tiraient de leurs champs une grande partie de leur subsistance. Leurs produits servaient à l'alimentation , à l'extraction de pigments, à la fabrication de vêtements, à la médecine et aux cérémonials. Les Amérindiens avaient développé de nombreuses techniques de culture, dont la sélection et la fertilisation. Ils transmirent aux Européens leurs connaissances des plantes indigènes et aussi le moyen de faire du sirop et du sucre à partir de la sève de l'érable à sucre. On leur doit aussi tomates, pommes de terre, topinambours, haricots verts, pâtissons, poivrons, citrouilles, maïs, tournesols et riz sauvage.

L'aménagement des jardins de la Nouvelle-France connut différentes phases. On y relève l'héritage du Moyen âge, les réalisations de la Renaissance, puis l'intérêt croissant pour le jardin formel. Au Moyen âge, celui-ci est largement consacré au potager, avec présence d'enclos, utilisation de bordures et recours à des formes simples et des allées régulières. Le jardin de la Renaissance est quant à lui conçu en lien avec le bâtiment qu'il entoure. Ses formes sont plus complexes, l'usage de l'eau est plus marqué et les interventions humaines plus nombreuses. C'est un jardin qui est fait pour être regardé. On trouve enfin le jardin formel à la française, qui est né au XVII è siècle et dont l'archétype est Versailles. Il reprend les caractéristiques des autres jardins en rajoutant la mise en scène et en devenant un indicateur de richesse et de rôle social. On y retrouve symétrie, ouverture de l'espace avec des horizons à l'infini, des bassins, des parterres en broderies et l'intégration de l'habitation dans cet ensemble.

Le Jardin du Gouverneur, du Château Ramezay (ci-dessous), évoque quant à lui un jardin de l'époque de la Nouvelle-France, bien que l'espace aménagé côté rue Notre-Dame soit aménagé tel qu'il l'était à l'ouverture du musée au XIX è siècle. Il s'agit dans ce dernier cas d'un jardin de style paysager ou encore d'un jardin à l'anglaise. Le jardin paysager est né en Angleterre au XVIII è siècle en réaction au jardin à la française, très policé. Il représente l'amour des Anglais pour la nature et a pour sources principales la peinture du paysage romain.

Aux XVII è et XVIII è siècles, en Nouvelle-France, les jardins seront surtout utilitaires et à vocation nourricière. Plantes potagères, fines herbes, petits fruits et arbres fruitiers en constitueront l'essentiel des végétaux à cette époque. Le Jardin du Gouverneur s'inscrit dans ce modèle de jardin, puis est devenu plus sophistiqué. A l'époque, la plupart des jardins montréalais étaient clos par des murs en bois, ou parfois en pierre, des murs qui remontent au Moyen âge et qui sont dus au fait qu'il fallait protéger ceux-ci du vandalisme, des bêtes sauvages, ou autres fléaux. Le mur permettait au jardin de bénéficier ainsi d'un microclimat, permettant à la végétation de redémarrer plus rapidement au printemps. Château et jardin forment dans le cas présent un ensemble original, qui, j'en suis sûr, ravira les plus curieux !


 

 

INFOS PRATIQUES :


  • Château Ramezay, 280 rue Notre-Dame Est à Montréal (à 5 mn de marche de la station de métro Champ-de-Mars). Tél :(514) 861 3708 . Ouvert tous les jours de 10h00 à 16h30 l'hiver. De 9h30 à 18h00 l'été. Droit d'entrée: 10 $. Prise de photos sans flash. Accès H. Visites guidées et activités familiales. Chaque salle possède des bornes auditives. Animations et programmes éducatifs. Location de salles. Café-terrasse et boutique de souvenirs. Site internet : http://www.chateauramezay.qc.ca/

  • Merci à l'équipe du Château Ramezay pour son charmant accueil.

  • N'oubliez pas de découvrir les autres photos de cette visite (en cliquant sur l’icône, en haut et à droite de cet article)









 



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