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Melo
(Département du Cerro Largo, Uruguay)
Heure locale


Vendredi 5 mai 2017

 

C'est à Melo que je vous conduis cette fois. Capitale du département de Cerro Largo, cette ville se situe à un nœud routier stratégique permettant de se rendre dans tout l'Uruguay, et même dans le sud du Brésil puisque la frontière ne se trouve qu'à soixante kilomètres d'ici. La nationale 26, elle, mène quant à elle jusqu'à l'Argentine. Tout commença jadis par la fondation de la garde de Melo devenue à un certain moment indispensable face aux incursions portugaises répétées depuis le sud du Brésil. Avant la création de Melo, le territoire était occupé par des tribus indigènes , depuis les terres nord-est et de l'est, jusqu'à la lagune Merin. Le 27 juin 1795, le vice-roi du Rio de la Plata, Don Pedro de Melo de Portugal y Villena, demanda à ce que soit créée une zone de peuplement sur les rives de la rivière Tacuari. Une garde de six soldats avait déjà été installée sur place en 1791 mais on décida de transférer cette garde à un autre endroit, en démarquant une zone bien délimitée le long du cours d'eau Conventos. Un an plus tard était créé le corps de Blandengues, dont le siège était à Maldonado, qui consistait en un corps de cavalerie dont les origines remontent à la colonisation espagnole de la région. Les milices de ce type combattront les incursions portugaises dans le pays mais également les Indigènes de la Pampa et du Chaco. En 1797, alors que les premières populations étaient installées sur place, Melo assista à l'instauration de la première paroisse de Notre-Dame du Pilar et de celle de l'archange Rafael, cette dernière étant devenue depuis la cathédrale (en photo ci-dessous), siège d'un épiscopat commun aux deux départements de Melo et de Treinta y Tres. D'abord simple église paroissiale, l'actuelle cathédrale connut l'achèvement de sa construction avec l'érection des deux tours en 1962. La petite église devint cathédrale un certain 14 avril 1897, le jour où fut instauré le diocèse de Melo.

 

Celle qui s'appela d'abord La Villa de Melo sera envahie par les Lusitaniens en 1801, en 1811 et en 1816. En 1811, le général portugais Diego de Souza, alors gouverneur du Rio Grande occupa la cité qui dépendit un temps du Portugal. Et c'est le 2 avril 1816 que sera fondé le département de Cerro Largo , en temps que juridiction politique et territoriale, existence confirmée en 1824 après acceptation par la population locale de la Constitution impériale du Portugal, du Brésil et de l'Algarve. Le 20 novembre 1827, l'armée uruguayenne envahit le Cerro Largo sur l'ordre du général Juan Antonio Lavalleja et chassa les Portugais de la Villa de Melo. Il faudra attendre l'indépendance définitive du pays pour que Melo soit officiellement déclarée capitale du département.

Le 25 juillet 1830, les habitants de la ville adopteront solennellement la Constitution nationale de la nouvelle République orientale d'Uruguay. Et les dernières années du XIX ème siècle de favoriser son développement, puis de lui accorder le rang de ville lors du centenaire de sa fondation, en 1895. Depuis 1807, la seule activité industrielle avait été la briqueterie, entreprise qui doublera bientôt sa capacité de production afin de répondre à une demande croissante. Melo fut bâtie selon le principe du damier, avec des constructions basses dont certaines ont toujours conservé leurs citernes dans leurs patios. 1845 avait aussi permis à la place de la ville d'être rebaptisée du nom du caudillo blanc Manuel Oribe, avant d'être retracée par le paysagiste français Carlos Racine. Le cours d'eau Conventos, lui, coule toujours à Melo. Il n'est pas l'unique cours d'eau local mais est celui qui est le plus proche de cette cité, accueillant sur ses rives les parcs Zorrilla de San Martin et Rivera, du nom du général Fructuoso Rivera qui mourut d'ailleurs le 13 janvier 1854 au bord de cette même rivière. La population s'est au fil des ans enrichie de différentes communautés italienne, espagnole, portugaise, allemande et française. Ce sont ces communautés qui permettront à Melo de connaître un tel développement économique et l'émergence de cercles comme les Fils de Tacuari, la Société espagnole de mutualisation des secours ou la Casa d'Italia, entre autres. Bientôt, le journal Le Devoir Civique fera son apparition, drainant avec lui une certaine nomenklatura culturelle à travers par exemple des personnages comme Casiano Monegal, Juana de Ibarbourou ou Justino Zavala Muniz. Le XX ème siècle sera pour Melo le siècle de l'important essor de l'élevage, tandis que la présidence de Claudio Williman permettra l'arrivée du chemin de fer, du télégraphe, la création du Club Union et du centre d'union ouvrière (photo ci-dessous)...


 

Je débute ma visite par la Place de la Constitution où s'élève la statue de José Gervasio Artigas (ci-dessous) connu en Uruguay pour avoir été le précurseur du fédéralisme. Chef des Orientaux, il recevra aussi le titre de protecteur des peuples libres. Principale place de la ville, la Place de la Constitution porta jadis le nom de Vieille Place. Aujourd'hui monument national historique, elle offre ses hauts palmiers, ses vieux platanes et ses jardins fleuris aux promeneurs. Les abords de cette place sont occupés par le Club Union, véritable institution historique, la Préfecture de police et la cathédrale. J'y trouverai également le musée historique régional et m'arrêterai pour avoir un aperçu historique et préhistorique de la ville et de sa région. A ma grande surprise, le musée est déjà ouvert alors qu'il n'est que neuf heures du matin. Trois salles d'expositions attendent le public au rez-de-chaussée tandis que le musée occupe aussi l'étage supérieur. De manière impromptue, je rencontre Teresita Pirez Araujo, la directrice du musée qui affiche dans son bureau l'acte de fondation de la ville. Nous échangerons quelques instants sur l'histoire de ces caudillos qui meublent à eux seuls toute une salle du musée (deuxième photo). Mon hôte me confie qu'il ne s'agissait pas là de chefs militaires ayant fait une carrière professionnelle mais d'hommes ayant souvent eu un ascendant sur leurs groupes et qui étaient parfois même analphabètes.

Une première salle est consacrée principalement à la guerre civile, offrant d'admirer lances, sabres, et autres armes ayant appartenu au général Aparicio Saravia, à Justino Muniz, ou à Isidoro Nobila. Un attelage du même général est également présenté ainsi qu'un drapeau national ayant été trouvé sur un champ de bataille en 1904. La deuxième salle expose les effets personnels de la poétesse locale Juana de Ibarbourou. Une autre salle nous montre une collection d'armes typiques d'époques différentes, la dernière salle située à l'étage étant consacrée à l'archéologie. Là est exposé le squelette d'un indigène de sexe féminin.


 

Une autre place, celle de l'Indépendance mérite une visite : connue sous le nom de Place des Roses, grâce aux roses rouges qui garnissent sa fontaine centrale à la belle saison, celle-ci rassemble des bâtiments incontournables dans l'histoire de la ville comme, par exemple, le Théâtre Espana (ci dessous en photo). Même si ce dernier abrite aujourd'hui une foire aux livres, il accueille encore un public friand de spectacles, de pièces de théâtre et de projections de films puisque sa salle peut simultanément contenir 750 spectateurs. Désormais classé monument historique national, ce théâtre fêta son centième anniversaire en 2015. Le Centro Union Obrera, lui, date de 1900, tandis que la paroisse du Carmen qui s'élève non loin de là date de 1888. Le centre ouvrier sera en ce qui le concerne fondé le 1er septembre 1900 afin d'encourager les échanges culturels et sociaux.

 

Autre monument historique mais situé à l'écart de Melo, le Posta del Chuy, que je traduirai par relais de diligence, témoigne du passé historique de la région et de la présence française en Uruguay. Cette solide construction de pierre de grès (ci-dessous) réalisée sans mortier, est considérée comme unique en Amérique du Sud. Située à l'est de la ville de Melo, le long de la Ruta 26, la maison et le pont (deuxième photo) furent construits en 1854 par deux compatriotes basques français, chanteurs de métier, et donc pas forcément prédisposés à ce genre d'ouvrage. La famille Etcheverry (c'est son nom!) s'acquittera pourtant brillamment de cette construction initiée dans le cadre d'un système de concession publique, avec droit de péage rétrocédé à l'Etat uruguayen en 1917.


Autrefois, les Uruguayens se déplaçaient en diligence entre Melo et Villa Artigas (désormais Rio Brando). Pour franchir le cours d'eau Chuy del Tacuari (Chuy étant un terme d'origine guarani signifiant petite tortue), les voyageurs devaient acquitter un droit de péage (ci-dessous en photo) , faute de quoi, une chaine (deuxième photo) venait barrer l'accès. A mon arrivée, un grand troupeau de vaches me salue de meuglements. Ces animaux viennent de la estancia voisine car ici, même les bêtes évoluent en liberté. J'aperçois Pablo, un homme qui se présente immédiatement comme étant le guide du lieu. Dès cet instant, nous allons ensemble remonter le cours de l'histoire : j'apprends ainsi que Posta del Chuy comptait parmi les sept relais de diligence (on en comptait un toutes les trois ligues, cette unité de distance équivalant alors à 5572 mètres) placés sur le parcours entre les deux villes desservies. La route des diligences partait de Melo par la Ruta 26 (aujourd'hui bitumée), empruntait le chemin par lequel j'ai accédé au musée (dont une partie conserve encore ses pavés) pour continuer ensuite vers Rio Brando. Trois ligues plus tard (soit plus de quinze kilomètres), on changeait les chevaux à Posta del Chuy et on mettait les animaux fatigués dans un enclos de pierre pour qu'ils se reposent (troisième photo), bien, qu'en règle générale, le même attelage pouvait parcourir vingt kilomètres en continu.


 

Juan et Juan Etcheverry (oncle et neveu avaient le même prénom!), assisté de Beltran Etcheverry s'attelèrent à la rude tâche de la construction de ce relais, vers 1854, œuvre qui fut achevé trois ans plus tard. La construction consistait en un pont qui franchissait le cours d'eau et à un ensemble de maisons qui rassemblait l'essentiel, à savoir une épicerie, un logement et une salle d'attente pour les voyageurs, un logement destiné au gérant, la famille Etcheverry s'étant réservé l'étage comme lieu de vie. L'administration de l'époque autorisa pour une durée déterminée le promoteur du relais de diligence à percevoir des voyageurs un droit de péage, jusqu'à retirer aux Etcheverry ce privilège, prétextant que l'ouvrage devait comporter deux ponts (lesquels étaient en réalité imbriqués l'un dans l'autre) franchissant le cours d'eau Chuy et la rivière Tacuari. Un procès aura lieu, qui donnera raison à la famille. Plus tard, le département rachètera l'ouvrage à la veuve Etcheverry pour la somme de 8000 pesos uruguayens.

Côté pratique, le musée a aménagé plusieurs salles qui correspondent à d'anciennes pièces spécifiques (épicerie, fromagerie,cuisine, chambre des Etcheverry...) et à des salles d'exposition et de projection spécialement conçues pour offrir au public une visite ludique et interactive de l'ancien relais, le tout en 3D. Ainsi un ingénieux système d'écran coulissant le long d'une historiographie du lieu permet t-il d'accéder à des informations audiovisuelles détaillées et uniquement pour l'instant en espagnol, sur tel ou tel personnage ayant joué un rôle à un moment ou à un autre dans la construction de Posta del Chuy. Plusieurs films (dont un en 3D, avec utilisation de lunettes spécifiques fournies sur place), d'une durée raisonnable de quelques minutes seulement, sont aussi proposés aux visiteurs. Dans la cuisine, le même système d'écran affiche les plats culinaires traditionnels et leurs recettes. C'est ainsi que je me suis intéressé au Vino Carlon, le breuvage local le plus populaire entre 1500 et le début des années 1930. Au XVI ème siècle, la couronne espagnole avait en effet interdit la culture de la vigne, préférant importer en Amérique du Sud les vins espagnols, uniquement accessibles aux classes les plus aisées, tandis que le reste de la population se délectait de ce vin constitué de raisins Garnacha produits à Benicarlo. Le breuvage titrait 15 à 16° et offrait un goût et une couleur intense. Ce vin concentré avec autant de corps nécessitait parfois qu'on ajoutât un peu d'eau pour le rendre plus buvable.

 

Pour terminer cet article, quelques mots sur le département du Cerro Largo : quatrième plus vaste département du pays, le Cerro Largo dispose de nombreuses ressources naturelles (notamment des forêts de pins, d'eucalyptus et de platanes...). Les cours d'eau pullulent également au milieu d'un climat tempéré (17-18°C) mais humide. L'élevage ovin et bovin représente la principale ressource économique du département , complété par l'exploitation du bois (la cellulose est revendue à l'étranger pour faire du papier), et de l'argile, sans oublier la pêche.

 

INFOS PRATIQUES :

  • Les « Zona Azul » indiquées le long des trottoirs de Melo sont réservées aux clients des hôtels voisins. Evitez d'y stationner. A quelques pâtés de maisons du centre-ville, il est possible de garer facilement son véhicule, et sans payer.
  • Musée historique régional, Place de la Constitution, à Melo. Ouvert du mardi au samedi de 8h00 à 17h30 . Entrée gratuite. Prise de photos autorisée.

  • A visiter aussi à Melos, le parc Rivera, le parc Zorrilla, la maison musée de Juana (poétesse) située dans la rue Treinta y Tres 317, la paroisse El Carmen sur la Place de l'Indépendance, le zoo municipal (face au parc Rivera, sur la route 26) et la Estancia El Cordobés (à 130 km de Melo, sur la route 38. Tél : 4642 9147)

  • Posta del Chuy, à l'est de Melo, et à douze kilomètres de la ville, sur la route 26. Tourner à gauche au niveau du panneau routier indiquant Museo Posta del Chuy et emprunter un chemin empierré de très mauvaise qualité sur trois kilomètres pour atteindre ce musée interactif en 3D installé dans un ancien relais de diligence. Ouvert tous les jours (sauf le lundi) de 10h00 à 17h00. Entrée gratuite. Prise de photos autorisée. Très bon accueil de la part du guide qui vit dans ce coin perdu toute l'année avec sa famille.







 



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