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Musée Carlos Gardel
(Département de Tacuarembo, Uruguay)
Heure locale


Samedi 6 mai 2017

 

Argentine et Uruguay s'arrachent Carlos Gardel, le célèbre chanteur et compositeur de tango, qui, pour tout le monde, naquit à Toulouse (France) le 11 décembre 1890, sous le nom de Carlos Gardez, et fils de Berthe Gardes (en photo ci-dessous). Difficile démêler le vrai du faux, mais me trouvant de passage à Tacuarembo (Département de Tacaruembo), je fais une halte au musée Carlos Gardel qui a été fondé....un certain 11 décembre 1999. Ce musée se trouve dans la Valle de Eden, à une vingtaine de kilomètres à l'ouest de la ville de Tacuarembo, le long de la Ruta 26. Je roule au pas en arrivant dans le coin à la recherche d'un panneau indicateur qui me montrerait le chemin à suivre. La providence faisant bien les choses, je remarque un jeune homme le long de la route et lui demande où se trouve le musée. Venant de Tacuarembo, il me faut emprunter une petite route sur un kilomètre, franchir à gué un petit cours d'eau, grimper encore quelques côtes avant d'atteindre ma destination.


 

Situé en face d'un petit hôtel surnommé La Posada Valle de Eden, le musée retrace preuves à l'appui, l'itinéraire de naissance puis l'existence de notre homme jusqu'à sa disparition das le crash aérien près de Medellin (Colombie). Le moins qu'on puisse dire est que l'histoire n'est pas claire : un article du journal argentin Pagina 12, datant de novembre 2012, affirmait d'ailleurs avoir eu accès au casier judiciaire de l'artiste et avoir relevé son pseudonyme El Pibe Carlitos (Carlitos le gamin) avec des antécédents pour « escroquerie par la voie du conte de l'oncle », procédé courant d’escroquerie qui consistait à l'époque à raconter, avec l'aide d'une tierce personne, à qui voulait bien l'entendre et documents à l'appui, qu'on venait de toucher un gros héritage d'un oncle mais qu'on avait besoin d'argent pour aller toucher cet héritage. En convainquant son interlocuteur, l'initiateur de l'histoire parvenait à se faire prêter de l'argent et signait simplement une reconnaissance de dette à son prêteur. Dans le cas de notre talentueux Carlos, avoir un tel dossier à trainer dans les archives représentait une menace pour sa brillante carrière. Aurait t-il donc été tenté de changer d'identité ?

Notre homme nait d'abord à Toulouse (France) d'une femme appelée Berthe Gardez. Je l'ai lu sur bien des documents et ne l'ai pas inventé. A ce stade, on peut imaginer que l'officier ayant rempli l'acte de naissance se soit trompé en recopiant le nom de la mère et ai confondu le s avec un z. Nous sommes alors en 1904. Onze ans plus tard, le même homme est né Carlos Gardel, fils d'un certain Carlos Gardel et de Berta Gardel (au lieu de Gardes), né à la Plata (Argentine). Bizarre !

En 1923, ayant besoin d'un passeport pour une tournée à l'étranger, l'artiste se rend au consulat uruguayen et déclare qu'il est né à Tacuarembo (Uruguay) en 1887 (trois ans avant sa naissance toulousaine), de Carlos et de Berta Gardel. En 1933, Gardel écrit son testament et y affirme qu'il est français, né à Toulouse le 11 décembre 1890, de Berthe Gardes. Et rajoute que son vrai nom est Carlos Romualdo Gardel. Que croire ?

Cette controverse sur le lieu de naissance de l'artiste a toujours été alimentée par la fierté patriotique de la France, de l'Argentine et de l'Uruguay. D'après le professeur Christiane Bricheteau,, Carlos Gardel dispose bien d'origines toulousaine de part sa mère ; Il serait bien le fils naturel de Marie Berthe Gardes et serait bien né à Toulouse, à l'hospice Saint-Joseph de la Grave, le 11 décembre 1890. Et de découvrir que Carlos aurait été le fils illégitime d'un toulousain nommé Paul Lasserre, photographies à l'appui. Selon ce chercheur, le choix de la nationalité uruguayenne par Gardel aurait eu pour but de lui éviter des problèmes durant ses tournées européennes, dont en France. En effet, de par sa naissance à Toulouse, Charles- Romuald Gardes était mobilisable dans l'armée française, d'abord en 1910 pour effectuer son service militaire de deux années, puis en 1914, lors du premier conflit mondial. Ne s'étant pas présenté aux autorités militaires françaises à deux reprises, l'homme était déjà considéré comme insoumis récidiviste. Et risquait par conséquent l'emprisonnement, pour la première insoumission, puis de peine de mort pour la seconde. Or, en l'absence de convention d'extradition entre la France et l'Uruguay jusqu'en 1966, et en tant que ressortissant uruguayen, Carlos Gardel jouissait d'une immunité totale.

Carlos Gardel français ? Les quartiers populaires de Buenos Aires (Argentine) ne s'y trompaient pas, en le surnommant El Francesito (Le petit Français). Et les Archives municipales de Toulouse non plus, qui conservent bien la trace d'un petit de Berthe Gardes, tandis que des documents argentins attestent aussi de l'arrivée de Berthe Gardès et de son fils Charles à Buenos Aires le 9 mars 1893.


 

Le musée que je visite aujourd'hui, lui, soutient bec et ongles que l'artiste est né à Tacuarembo, documents à l'appui. Et de démontrer chronologiquement les principales étapes de l'histoire de notre homme afin de contredire les déclarations testamentaires. Le document ci-dessus montre que Carlos Gardel est bien né le 11 décembre 1887, de Carlos et de Maria tous deux décédés.

Ce document n'est autre qu'un extrait du registre national uruguayen destiné à régulariser la situation des citoyens uruguayens se retrouvant sans papiers à l'étranger. Avec cette inscription sur le registre du consulat uruguayen de Buenos Aires (Argentine), Carlos Gardel obtint à la fois la citoyenneté argentine et les autres documents permettant son identification.

Il faut rappeler que la thèse uruguayenne remonte aux années 1960, et trouve ses origines à travers un drôle de personnage, celui d'un certain chroniqueur dénommé Erasmo Silva Cabrera qui écrivait alors dans le journal El Pais de Montevideo. Et la polémique de survivre encore de nos jours à cause des rivalités séculaires entre l'Argentine et l'Uruguay (le tango et le dulce de leche ne sont-ils pas uruguayens ? Je l'entends ici tous les jours...). D'après Nelson Bayardo, enquêteur uruguayen, Carlos Gardel n'utilisa pas de documents français pour régulariser sa situation tout simplement parce qu'il n'était pas Charles Romuald Gardès de Toulouse. On prétend que ce mystère aurait été entretenu afin de permettre à Berthe Gardes, sa mère adoptive, d'accéder au juteux héritage du chanteur de tango. Et plusieurs personnes uruguayennes de réclamer à l'heure actuelle, mais en vain, la pratique d'analyses ADN pour en avoir le cœur net.


 

Sur un autre panneau, j'observe deux photos d'enfant, encadrées de la même manière, et correspondant à deux clichés de Carlitos (petit Carlos, ci-dessus) fournis par la mère Berta Gardes à la presse argentine. Or, ces deux enfants d'âge scolaire, montrent des différences morphologiques notoires (d'après le rapport d'un médecin spécialisé et de celui d'un commissaire de police argentin), ce qui démonterait l'existence de DEUX enfants dans la vie de cette femme. Comprenne qui pourra !

Quant à la citoyenneté argentine de Carlos Gardel, générée par le consulat uruguayen en 1920, notre homme obtint plus tard d'autres documents mentionnant le contenu de l'extrait de registre national uruguayen à Buenos Aires cité plus haut.Trois années plus tard, le 7 mars 1923, l'artiste demandera à l'Argentine une carte de citoyenneté. La détention d'un tel document est le résultat d'un libre consentement de la part de Carlos Gardel et une sorte de reconnaissance argentine pour son talent. On sait que Carlos Gardel aimait beaucoup l'Argentine, un pays qui le lui rendait bien. L'extrait d'acte de naissance (ci-dessous) puis l'extrait de livret militaire du 21 juin 1927 (deuxième photo) tendent effectivement à prouver que la naissance de Carlos eut lieu à Tacuarembo.


 

Cette première partie d'exposition passée, le musée aborde l'existence de Carlos en Uruguay (la maison de naissance, ci-dessous), mais également ses tournées à l'étranger : controverse ou pas sur son lieu de naissance, cela ne retire rien au talent de ce chanteur et compositeur de tango qui fit aussi une carrière cinématographique. Une salle artistique, située à côté du musée, reprend en photos ses principaux films (deuxième photo). L'artiste grandit ainsi à Buenos Aires dans une zone située entre les quartiers d'Almagro et de Balvanera, là où se trouvait le fameux Abasto, ce marché central de fruits et de légumes dont la ville a encore aujourd'hui préservé son édifice art-déco. C'est dans ce quartier, et dès 1902, que Carlos se fera remarquer comme grand interprète de tango. Et d'être rapidement surnommé El Zorzal Criollo , par le troubadour José Betinotti, qui l'encouragera aussi à se produire dans les centres politiques. Adolescent, il fera divers petits boulots pour survivre jusqu'à ses premiers débuts au cabaret Armenonville, avec le guitariste José Razzano. Sa carrière cinématographique fera le reste. Et Carlos Gardel de bientôt partir en tournée mondiale. Sa dernière tournée passera par Paris en 1933, où il rencontrera Gaby Morlay (en photo ci-dessous), son amour parisien, avant de partir pour New-York, puis vers les grandes villes d'Amérique du Sud. C'est en Colombie que notre célébrité trouvera la mort lors d'un accident d'avion au-dessus de Medellin (Colombie) le 24 juin 1935. Alors, uruguayen ou pas, Carlos Gardel restera à jamais un mythe pour ses trois pays d'adoption.


 

INFOS PRATIQUES :

  • Musée Carlos Gardel, Valle Eden (en face de la Posada Valle Eden) , à l'ouest de Tacuarembo, sur la Ruta 26. A 22 kilomètres de la ville (au KM 208). En venant de Tacuarembo, emprunter une route sur la gauche au niveau d'un panneau mentionnant Posada Valle de Eden, suivre sur un kilomètre, traverser un ruisseau à gué (arroyo), suivre la même route, puis prendre à droite. Le musée se trouve sur la droite, en face de la Posada Valle Eden. Le musée est ouvert du jeudi au dimanche, de 9h30 à 17h00. Tél : 09122 6421 (Claudia). Entrée : 25 pesos uruguayens. Durée de la visite : une heure environ. Boutique sur place. Salle de projection d'un film sur Carlos Gardel, en espagnol et d'une durée de 40 minutes.
  • En face se trouve la Posada Valle Eden, avec son hôtel, café et restaurant. A l'intérieur se trouve le musée des vieux métiers. Site internet : http://www.posadavalleeden.com.uy

 

 








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