Revoir le globe
Top


Rivera
(Département de Rivera, Uruguay)
Heure locale


Lundi 8 mai 2017

 

Une route laborieuse m'attend ce matin, alors qu'au réveil, une pluie forte s'abat sur Tacuarembo. Je quitte mon hôtel vers 8 heures et sous une averse désormais, modérée mais le temps est couvert pour la journée, et ne va pas s'améliorer en direction du nord, où se trouve Rivera, ma prochaine destination. Une centaine de kilomètres me sépare de cette ville, mais, heureusement, la route est cette fois en bon état. C'est tant mieux car la pluie redoublera d'intensité durant le trajet, m'obligeant à réduire ma vitesse à 60 km/heure au plus fort des averses.

D'une superficie de près de 9400 km2, le département de Rivera qui fut créé le 1er octobre 1884, tient son nom du général Fructuoso Rivera, qui fut le premier président de l'Uruguay, et qui participera également à plusieurs combats indépendantistes contre la présence portugaise et brésilienne. L'écusson du département (ci-dessous) sera adopté le 13 août 1938 par décret et représente d'une part un platane, puis, en haut à droite, le Cerro del Marco. Le mot Rivera s'affiche en partie centrale tandis que les neuf bandes du drapeau national occupent la partie inférieur de l'écusson.

Le département de Rivera vit pour un tiers de l'agriculture et de l'élevage, pour 12% du secteur secondaire (biens d'équipements) et pour 54% du secteur des services. Puisqu'il s'agit d'un premier voyage, il m'est difficile de visiter en profondeur, mais il faut savoir que le parc naturel régional de la Vallée de Lunarejo fait partie des lieux touristiques à visiter. La nature y est étonnante et offre chutes d'eau et cascades, au milieu de milieux naturels très différents dont des « cerros » de plus de 350 mètres d'altitude, alternant avec bois et prairies. La Ruta 30 permet d'accéder à ce parc, au niveau des localités de Masoller, Boquron, La Palma et Lunarejo.

Sur ma route pour Rivera (Ruta 5), se trouve un axe de circulation qui conduit à Minas de Corrales. Il faut tourner à droite au niveau de l'intersection qui se trouve près du Cerro de Cunapiru (juste avant de franchir un poste de douane). L'endroit est ainsi nommé compte tenu des minerais trouvés dans la région au XIX ème siècle. Une petite localité y sortit de terre en 1878 lorsque s'installa la Compagnie française des Mines d'Or d'Uruguay. Et des gisements d'être exploités de 1879 à 1939. Les années 2000 virent le retour de l'exploitation de gisements aurifères, dont la production était vouée à l'exportation. A 12 km du petit village se dresse encore la fantomatique usine minière de Cunapiru, devenue depuis monument historique national. Cette usine, inaugurée en 1882, fut la première du genre en Amérique du Sud.


 

Les paysages se déroulent sous mes yeux et sont variés : tantôt de la plaine, tantôt de la forêt, avec des collines escarpées aussi de temps à autre. Compte tenu de ma vitesse, on n'hésite pas à me doubler même en ligne continue mais je me suis désormais habitué à l'indiscipline des automobilistes locaux et m'adapte en serrant à droite. A deux reprises me seront signalés des postes de police et de douane. Le Brésil n'est pas loin, et l'Uruguay, m'a t-on dit depuis, procède à des contrôles routiers surtout dans le sens Rivera-Montevideo. A mi-chemin, je devrai encore m'acquitter d'un péage routier (cette fois, d'un montant de 70 pesos) pour une autoroute toujours absente. Cela fit sourire l'employée du péage. Mon entrée dans Rivera se fait sous une pluie battante et sans GPS (la carte TomTom, quoi qu'ils en disent, ne fonctionnant pas ici non plus), mais je parviendrai à trouver mon hôtel sans grande difficulté grâce à l'amabilité des habitants.

 

C'est pour consolider sa frontière avec le Brésil et pour tempérer les ardeurs expansionnistes du grand-frère nordiste que l'Uruguay créera la Villa de Ceballos le 7 mai 1862, en l'honneur du vice-roi espagnol Pedro de Ceballos (en photo ci-dessous). Ayant trouvé refuge au musée du patrimoine régional de la ville, j'apprendrai beaucoup sur Rivera et ses origines en visitant l'exposition actuellement présentée, à la veille du 150 ème anniversaire de la création de Rivera. C'est en effet en 1856 que se réunirent à Livramento (commune brésilienne qui ne se trouve qu'à un kilomètre d'ici, de l'autre côté de la frontière) une délégation chargée d'établir la frontière entre l'Uruguay et le Brésil. L'omniprésence brésilienne dans cette partie du territoire à cette époque mettait en danger l'indépendance uruguayenne et Bernardo P.Berro (deuxième photo) de mettre en œuvre en 1860 une politique de « débrésiliation » de la frontière avec la création de nouveaux villages et de postes douaniers. Il fut d'abord proposé de créer le village d'Arenal Grande a proximité des cours d'eau Tacuarembo Grande et Cunapiru, le nom de ce village étant bientôt échangé pour celui de Ceballos, en hommage au premier vice-roi du Rio de la Plata.


 

L'emplacement alors choisi pour construire ce village se trouvait juste en face de Livramento (Brésil) et était traversé par de nombreux cours d'eau, qui finissaient leur course dans la jolie rivière de Cunapiru. Le terrain en lui-même était formé de collines, de plaines et de monts rocheux escarpés. Des terres par ailleurs fertiles, certaines excellentes pour la culture du blé, d'autres pour y cultiver diverses céréales. Nous sommes en 1867 et Rivera possède alors 46 maisons et...341 habitants. Et c'est le 20 juillet de cette même année que Villa de Ceballos deviendra Rivera. Les premiers habitants du village étaient uruguayens, argentins, brésiliens, français, espagnols et italiens. Et la décision de transformer le nom de Ceballos en...Rivera avait été prise pour rendre hommage au militaire Bernabé Rivera. A cette époque, c'est à dire en 1863, la ville brésilienne d'en face, Livramento, est décrite comme une ville commerçante dynamique, avant d'être mentionnée, deux ans plus tard, comme « souffrant de la concurrence de Cebollas », ce qui aboutira à la vente bradée de certains de ses commerces. Dès lors, celle qui allait désormais porter le nom de Rivera n'allait pas tarder à devenir naturellement la capitale du département homonyme


 

Peu à peu, Rivera s'agrandit et disposera de ses propres services publics et d'une vie sociale bien à elle : l'esprit du colonel Bernabé Rivera était encore dans tous les esprits, lui qui fut le neveu de Fructuoso Rivera, et fils naturel du père de Fructuoso. Soldat dès l'âge de 24 ans, notre homme tiendra son rang avec panache, malgré le fait qu'il sera capturé par les Brésiliens en 1818, puis envoyé en détention sur une île, et ensuite à Rio de Janeiro. Suivant toujours son oncle, une fois libéré, il acquerra le grade de capitaine et s'illustrera lors de la bataille de Sarandi. Il sera désigné en 1828, après la signature d'une convention préliminaire pour la paix, comme chef du 3ème Régiment de cavalerie, avec le grade de colonel. Et sa réputation de croitre lors de la première présidence de Fructuoso Rivera, son oncle, au point de figurer parmi les favoris à la succession de celui-ci. Bernabé Rivera participera également au massacre de Salsipuedes (massacre des indiens Charruas) en 1831. Début 1832, un soulèvement des indiens Guarani de Bella Union (aujourd'hui Santa Rosa del Cuareim) se produisit et Bernabé le réprima sans vergogne.

La création de Rivera ne sera pas facilitée par la présence sur place d'Indigènes et de contrebandiers. Cette contrebande affectera aussi le bétail qui sera acheminé vers le Brésil, tout proche, au cours des années 1880, provoquant des tensions avec les autorités brésiliennes mais surtout des épidémies de typhus et de dysenterie, aboutissant au final à une guerre civil en 1904.

L'école avait trouvé sa place à Rivera dès 1866, avec l'aide du maitre José V.Asplanato qui rassemblait déjà dans sa classe trente élèves garçons dès 1867. 1868 vit la création d'une école pour filles, puis une seule école fut instituée deux ans plus tard, qui rassemblait filles et garçons (ci-dessous, une photo datant de 1890), et il fut même créé cette année-là une école trilingue (première institution éducative privée à l'époque) qui enseigna aux élèves en portugais, espagnol et français. Le Collège San Luis Gonzagua naquit en 1894, en tant que collège privé catholique. Un an plus tard, une autre école, élémentaire celle-là, apparut et rassembla soixante élèves, avant que, peu de temps après n'apparaisse l'Institut français qui dispensa des cours de commerce et de comptabilité. En 1900, Rivera comptait ainsi pas moins de six écoles publiques (avec 536 élèves) et deux écoles privées (42 élèves). Comment, après cela, s'étonner de la moisson de médailles (deuxième photo) que les petites élèves âgés de 6 à 12 ans pouvaient récolter suite à leurs excellents résultats ?

 

La création du département de Rivera, en 1884, fit bouger les choses en ville, en instituant de nouvelles autorités politiques comme la création d'une chambre économique administrative destinée à exécuter les travaux publics urbains (nivellement des rues centrales et de la place de la ville par exemple). L'année 1885 vit l'installation de lampadaires et de quelques bancs en bois, et quelques années plus tard, en 1890, les réverbères était en fonte et l'on comptait seize bancs également en fonte. Les choses allaient dans le bon sens. On construisit bientôt les premiers trottoirs de la place donnant sur la rue Sarandi en 1895. Dans le même temps, une souscription publique fut lancée pour le financement de ces travaux. C'est en 1923 que les deux chanceliers brésilien et uruguayen proposèrent la construction d'une place qui serait le symbole de l'unité entre les deux nations. La Place internationale était née (ci-dessous). Un an plus tard, un premier projet voyait le jour, incluant un obélisque comme symbole d'unité, et le mois de mars 1925 vit l'approbation des travaux. Mais il faudra attendre jusqu'en 1942 pour voir le début des travaux, ur assister à l'inauguration de la Place internationale le 26 février 1943. L'obélisque, lui, s'élève à quinze mètres du sol et est entouré d'une mosaÏque tandis que la place comporte trois niveaux différents. Plus tard, en 1960, sera installé un monument rendant hommage à la mère, une donation des clubs rotariens uruguayen et brésilien. Cette œuvre fut réalisée par le sculpteur José Belloni.

 

Dehors, la pluie continue à tomber, provoquant des ruisseaux torrentielles dans certaines rues, autant d'obstacles difficiles à franchir sans se mouiller les pieds. Comme souvent en Amérique du Sud, les trottoirs sont mal entretenus et deviennent difficilement praticables par mauvais temps. Mais demain sera un autre jour... et pour l'instant, je sèche !

 

INFOS PRATIQUES :

 

 











Retour aux reportages







Qui Suis Je - Reportages - Médiathèque - Calendrier - Pays - La lettre - Contact
Site réalisé par Kevin LABECOT
Disclaimer - Version mobile