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Du Musée au Cimetière
(Paysandu, Département de Paysandu, Uruguay)
Heure locale


Dimanche 14 mai 2017

 

Les jours passent et se ressemblent mais les routes changent et s'améliorent. Je quitte Salto de bonne heure pour prendre la direction de Paysandu, principale ville du département du même nom. Et je remarque que la Ruta 3 qui relie les deux villes est en parfait état. Il était temps car je commençais à désespérer. J 'aurai aussi une bonne surprise en atteignant Paysandu puisque mon GPS TomTom détectera l'adresse de mon hôtel, me permettant d'arriver sur place dans les meilleures conditions.

Je m'attendais à voir plus de vaches dans les champs uruguayens mais en vain. La campagne vallonnée que je traverse (ci-dessous) est entrecoupée de prairies et de zones boisées. 120 kilomètres seulement me séparent de Paysandu, un nom signifiant « l'ile au milieu du fleuve » en langue guarani. En effet, face à la ville actuelle émergeait autrefois une ile en plein milieu de fleuve, d'où cette appellation. Et Paysandu d'être aujourd'hui devenue l'une des villes les plus importantes d'Uruguay, établissant sa frontière avec les deux villes argentines voisines de Colon et de Concepcion del Uruguay. Un pont international situé à quelques kilomètres de Paysandu permet d'ailleurs de franchir le cours d'eau Uruguay.


 

Aujourd'hui dimanche, c'est le jour du seigneur et en Uruguay, on tient à ses racines chrétiennes et beaucoup de magasins sont fermés. De plus, on fête ici la Fête des Mères et chaque maman de repartir du restaurant local avec une plante fleurie sous le bras. Délicate attention !

En faisant mes premiers pas en ville, je découvre que l'office du tourisme est ouvert et me renseigne sur les horaires des musées. Par chance, le musée historique et le vieux cimetière sont ouverts jusqu'à 14h00, leur jour de congé étant le lundi. Je pars donc dans un premier temps à la découverte du musée d'histoire et je serai d'ailleurs le seul client de ma guide une heure durant. L'exposition permanente traite de la ville dans la modernité, de 1860 à 1910. On y parle des progrès de l'urbanisation, du développement de l'architecture et des avancées technologiques depuis le gouvernement de Basilio Pinilla (1858). On y traite également du rôle de la femme dans cette société alors machiste, dans les années 1900, de l'éducation et des enfants. La séparation des sexes est aussi abordée. Enfin, l'exposition s'intéresse à la culture sociétale née du fleuve Uruguay, tout proche.

Une chose est sûre, Paysandu puise ses origines dans les débuts de la colonisation espagnole et tient effectivement son nom d'origine dans l'existence d'une ile au milieu du fleuve, l'actuelle isla Caridad. Une autre explication avance le nom du fondateur de la ville, un certain Pay Sandu qui aurait été frère jésuite, né à Buenos Aires, puis aurait fondé à cet endroit même une mission constituée de douze familles aborigènes. Nous sommes alors en 1772. A ce jour, la première hypothèse semble plus crédible.


 

Paysandu fut assiégée par les Portugais et les Brésiliens et ce, à trois reprises. On se souvient encore avec quelle hargne ses habitants se battirent en 1864, sous la direction du général Leandro Gomez, pour contrer le général Venancio Flores, affilié « Colorado », et ses alliés brésiliens. Les forces révolutionnaires de ce dernier attaquèrent Paysandu cette année-là et les canons brésiliens bombardèrent la ville, forçant à l'évacuation des femmes, des enfants et des anciens. Malgré des hauts et des bas, Paysandu résistera deux mois durant, refusant les propositions de reddition faite par le général Flores, dont les troupes rassemblaient alors jusqu'à 15000 hommes avec les renforts brésiliens. Un dernier assaut de l'ennemi en ce 2 janvier 1865 aura raison de la ville assiégée défendue par seulement quelques 700 soldats et officiers. Quant au général Leandro Gomez, et malgré les promesses qui lui avaient été faites une fois prisonnier, il fut fusillé en pleine rue avec d'autres officiers de son camp. Il n'en fallait pas davantage pour que notre homme ne devienne le héros de Paysandu,puis rejoigne plus tard les grands hommes de l'histoire uruguayenne aux yeux du parti National (centre droit) qui défend les valeurs traditionnelles du pays. A l'issue du combat, le général Flores prendra la tête du pays avant de déclarer aussitôt la guerre au Paraguay voisin.

Le département jouit de conditions climatiques favorables à l'agriculture et la région vécut longtemps de l'artisanat et de l'élevage. Le musée expose quelques objets et outils agricoles ayant jadis servi aux habitants locaux. On rappelle aussi la forte influence jésuite dans le devenir de la ville et du département. Il y eut d'abord la fondation de la province jésuite du Paraguay en 1604, et si l'évangélisation des populations indigènes sera un succès, elle représentera aussi un danger face à cet exode massif d'hommes et de femmes et au manque de nourriture. Je survole ainsi les panneaux affichés qui passent d'un thème à un autre, tant il y a à raconter sur Paysandu car l'histoire de cette ville est connue pour être très riche.

 

Une superbe peinture (ci-dessus), Villa de Purificacion, dont l'auteur est le peintre Ulda Rubiolo, m'interpelle. Après des recherches, je découvre qu'il s'agit d'un camp autrefois situé à une centaine de kilomètres au nord de Paysandu. L'endroit aurait servi de centre d'opération au général José Artigas pour monter son mouvement politique. C'est là que notre homme avait établi son QG avec ses troupes. Et d'attribuer le terme de purification à son plus proche secrétaire, José Benito Monterroso, lequel voulut alors faire référence aux camps de purification créés par l'Espagne en 1812, comme relais auprès des habitants pro-bonapartistes. Une autre version avance qu'il s'agirait du jour de fête lié à la purification de la Vierge Marie, fête ayant eu lieu le 2 février 1815 . C'est en mai 1815 que le général Artigas s'installa à son QG après avoir passé quelques temps à Paysandu. Une description fort intéressante du personnage José Artigas est disponible à côté de cette peinture. Et manifestement, ce général aura beaucoup marqué les gens qu'il aura cotoyés.

Et si l'on traçait le portrait de Paysandu en quelques mots ? « Un village d'Indiens installé sur la côte uruguayenne, à une distance respectable de Mercedes, comptant 25 habitants, surtout des Indiens convertis au christianisme. A quelques exceptions près, leurs maisons sont en paille. L'église est de taille normale, sans retable, ni même une niche où loger une figurine de la Sainte Vierge » (extrait du journal de bord de Damaso Antonio Larranaga lors de son périple de Montevideo à Paysandu)

 

Dans une salle voisine se trouve une jolie maquette interactive de la ville de Paysandu. Un film en 3D (des lunettes adaptées sont prêtées sur place) d'une dizaine de minutes vient apporter un complément d'information sur l'histoire de la ville. Et de passer maintenant dans l'autre aile de ce grand bâtiment qui abrite le musée historique depuis 1989. L'édifice (ci-dessous) fut inauguré le 1er novembre 1890 en tant qu'école maternelle de Paysandu, premier collège du pays alors fondé par la mission de Las Hermanas del Huerto (Mission des Soeurs du Verger). Plus tard, ce lieu abritera expositions et activités artistiques, avant d'accueillir des ateliers municipaux et des cours de chant. Puis, la bâtisse servira un temps de lycée technique. Le département prendra ensuite le relais en restaurant l'ensemble en 1984, jusqu'à ce qu'on déclare le lieu comme monument historique en 1989.

Le vaste espace offert par cette deuxième aile du musée autorise le prolongement de l'exposition permanente au rez-de-chaussée (deuxième photo) tout en accueillant une exposition temporaire à l'étage. Meubles et objets garnissent l'ensemble et quelques panneaux d'information parlent de ce que José Pedro Barran décrivit comme la société barbare. Une société pratiquant la violence physique et s'en servant pour justifier la domination de l'Etat sur ses sujets, et des chefs de familles, maitres ou chefs d'entreprises sur leurs subordonnés (enfants et serviteurs). Lors de la seconde partie du XIX ème siècle, la société de Paysandu, longtemps nourrie de cette violence barbare, ne tardera pas à percevoir les prémices du changement, et les débuts de la modernité. Et la femme de Paysandu, bientôt rattrapée par la société bourgeoise, de tenir le rôle que lui avait attribué l'homme dominateur, en se faisant belle et coquette, en parlant à voix basse, bref en affirmant sa féminité.


 

Il ne me faut pas trainer si je veux avoir le temps de visiter le vieux cimetière de la ville. Celui qu'on appelle également Monument pour la perpétuité se trouve dans la rue Montecaseros, où une porte monumentale matérialise l'entrée du cimetière. Là sont conservés les restes de nombreuses victimes du combat de Paysandu cité plus haut. Loin d'être un musée, ce lieu, jadis construit en 1835, et déclaré monument historique national en 2004, rassemble toutefois des tombes monumentales en face desquelles j'ai bien du mal à m'y retrouver. Dans la chapelle située au fond du cimetière se tient Juan Moreira, un jeune guide très féru d'histoire, bref, le partenaire idéal pour cette visite, même s'il ne parle qu'espagnol et s'il parle vite. A ma demande, Juan me montrera les monuments les plus remarquables du lieu, à commencer par la sépulture de la famille Galan-Rocha (ci-dessous). Toutes ces réalisations impressionnantes sont représentatives de l'art funéraire du XIX ème siècle, avec sculptures, panthéons et mausolées, où domine le marbre de Carrare, le granit rose et gris et bien sûr, le bronze. La plupart des œuvres furent réalisées par des sculpteurs italiens comme Giovanni del Vecchio, Juan Azzarini et José Livi. Un des monuments les plus réussis est celui réalisé en hommage aux victimes de la bataille de Quebracho en 1886 (deuxième photo)


 

La majorité des dépouilles reposant sous ces sépultures appartinrent en leur temps aux cercles les plus influents de la société de Paysandu, au XIX ème siècle. On trouve aussi des militaires, des hommes politiques et des commerçants avec leurs familles. Parmi les monuments les plus remarquables se dresse celui de Manuel Stirling et de son épouse Nicolasa Argois (ci-dessous), celui de Luis Galan y Rocha (qui est à l'origine de la construction de ce cimetière), du Docteur Manuel Adolfo Oleaecha et du médecin et philanthrope Vicente Mongrell. On trouve aussi sur place des œuvres en marbre des artistes et sculpteurs Eugenio Perezutti, Morelli et Francisco Palermo.

Quant à la chapelle, elle est de style néo-classique avec des éléments néo-gothiques, et fut bâtie en 1858 sous la direction du maitre d'oeuvre Francisco Poncini. Elle sera consacrée en 1861 puis restaurée en 1908.

L'entrée du cimetière est formée d'un portique de style gréco-romain agrémenté de quatre colonnes corinthiennes. Au sommet, un ange semble souhaiter la bienvenue aux visiteurs avec ses ailes déployées. Une fois entré dans le cimetière, on remarque que l'endroit est bien arboré avec cyprès, jacarandas, frênes, pins, chênes et palmiers. Les figures allégoriques sont nombreuses, qui dominent les sépultures : anges, représentations de la mort, scènes de douleur, passage dans le temps, fée...sans parler des symboles maçonniques et catholiques. Comme je vous le disais plus haut, la présence de notre guide Juan Moreira s'avère à mon avis indispensable pour s'y retrouver, d'autant plus que le cimetière n'offre aucune information. Mine de rien, ce sont près de 80 sépultures, monuments ou niches funéraires qui meublent ce lieu de résidence éternelle. Un lieu de promenade idéal pour les adeptes de tranquillité et de belles choses!


 

INFOS PRATIQUES :

  • Musée historique de Paysandu, Zorrilla de San Martin 874, à Paysandu. Tél:(598) 472 26220. Ouvert du mardi au vendredi de 9h00 à 17h00 et les samedi et dimanche de 9h00 à 14h00. Entrée gratuite. Prise de photos autorisée.
  • Vieux cimetière, rue Montecaseros (entre Artigas et Avenida Soriano) à Paysandu. Tél:(598) 472 26220 177. Guide bénévole Juan Moreira (en espagnol uniquement)

  • Office de tourisme, Plaza de Constitucion, à Paysandu, ouvert du lundi au vendredi de 8h00 à 19h00 et les samedi et dimanche de 9h00 à 19h00.










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