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Paysandu
(Département de Paysandu, Uruguay)
Heure locale


Lundi 15 mai 2017

 

J'entreprends ce matin la visite de Paysandu. La ville s'étire en longueur et il me faudra beaucoup marcher depuis mon hôtel (quelques quinze pâtés de maisons à franchir) avant de rejoindre ce qu'on appellera le centre-ville, du côté de la Place de la Constitution. J'ai abordé hier l'origine du nom de la ville, je n'y reviendrai donc pas. Nous avons aussi vu que la ville sera assiégée en 1864 (ci-dessous), puis prise par le général Flores et ses troupes brésiliennes. Abattu sans jugement, le général Leandro Gomez (qui possède désormais sa statue sur la Place de la Constitution) fait encore de nos jours figure d'un héros.


 

Militaire uruguayen, cet homme avait un frère qui fut également général. Leandro Gomez avait dans sa jeunesse été d'abord commerçant avant de rejoindre les milices de Montevideo en tant que capitaine d'infanterie, en 1837, lors de la révolution de Fructuoso Rivera. En 1843, il sera désigné comme aide de camp du général Manuel Oribe pour s'occuper, entre autres, des assiégeants de Montevideo jusqu'à leur capitulation en octobre 1851. Puis, il s'éloignera quelques années du monde militaire avant d'être réincorporé en 1858 sous le grade de sergent major, puis sous celui de colonel l'année suivante, pour finalement devenir colonel des milices en 1860. La suite est connue : il y eut la confrontation fatale avec l'autre camp, celui du général Venancio Flores, à la tête de plusieurs instances militaires et président du pays pour une courte période, lequel appellera depuis l'Argentine à se mobiliser contre le président uruguayen de l'époque, Bernardo Prudencio Berro. Leandro Gomez était alors colonel de l'armée régulière et participera à la bataille de Las Canas dans le département de Salto. Quant aux forces révolutionnaires du général Flores, finalement rejetées de l'armée gouvernementale à la demande de Leandro Gomez, elles attaqueront Paysandu en octobre 1864. Vous avez dit règlement de compte ?

 

Le temps passa et Paysandu redoubla d'efforts pour devenir une ville importante. Elle peut s'enorgueillir de sa Place de la Constitution (ci-dessus) qui fut tracée par le paysagiste français Carlos Racine. Né à Dieppe (France) en 1859, notre homme connaitra un grand succès en Uruguay. Diplômé de l'Ecole nationale d'agriculture, il fait connaissance d'Antonio Lussich (armateur, arboriculteur et écrivain uruguayen) qu'il encourage à créer son fameux arborétum, un espace boisé de 192 hectares situé à Punta Ballena, dans le département de Maldonado. Puis, Carlos Racine se lance dans la création de parcs et de jardins publics à travers le pays, dont la Place principale de Paysandu.

Sur cette place se dresse aussi la Basilique de Notre-Dame du Rosaire (ci-dessous), fruit d'une longue histoire qui débutera en 1805 lorsque l'évêque de Buenos-Aires de Lue y Riega créera le vicariat de Paysandu. Et le premier prêtre d'apposer sa signature sur le livre de baptême de la paroisse de San Benito cette même année. Dans son récit de voyage, le Père Damasco A.Larranaga évoque également en 1815 la petite église paroissiale (ci-dessous) ayant vu le jour dans une grange. En 1827, le général Fructuoso Rivera reconquiert les missions orientales et récupère une cloche fondue par les Indiens en 1689. Il en fera don à l'église de Paysandu. Puis, une première église sera construite en dur à partir d'août 1860, lieu de culte qui sera détruit par les bombardements des troupes du général Flores en 1864, lors du siège de Paysandu. L'ensemble devra par la suite être rasé afin de laisser la place à ce qu'on surnommera la nouvelle église, la basilique actuelle, encore plus belle et encore plus grande. En pénétrant à l'intérieur de l'église, je suis surpris par le nombre important de peintures décorant murs et plafonds, mais en même temps attristé par le manque de mise en valeur de l'endroit. En effet, l'intérieur est sombre et prive les visiteurs de l'attrait de ces peintures. Seul le choeur (deuxième photo) ressort de l'ensemble. L'orgue est quant à lui placé au-dessus de l'entrée principale de l'édifice et demeure dans la pénombre. C'est dommage car cet orgue organique, du à Walcker, est composé de 1750 tubes et mériterait d'être mis plus en avant.

 

Un peu plus bas de la place de la constitution se trouve le théâtre Florencio Sanchez (ci-dessous) qui fut inauguré en 1876. Je n'en admirerai malheureusement que la façade, le bâtiment n'étant pas accessible. Classé depuis monument historique national, ce joyau architectural vit pourtant autrefois défiler bien des artistes de notoriété internationale. A noter que c'est dans ce théâtre que fut interprété pour la première fois la partition complète de l'hymne national uruguayen (https://youtu.be/CJ2FWYCJWGo), le 12 octobre 1915. Quant à Florencio Sanchez, qui prête depuis 1921 son nom au célèbre théâtre, il fut dramaturge et journaliste uruguayen, et sa production artistique connut un immense succès sur les deux rives du Rio de La Plata. Lecteur infatigable, il rejoindra, comme sa famille, les rangs d'Aparicio Saravia en 1897, lors de la guerre civile en Uruguay, et parviendra tout ce temps à garder contact avec de brillants intellectuels locaux, dont Eduardo Acevedo Diaz (écrivain, journaliste et homme politique uruguayen, membre du Parti National). C'est à partir de cette époque qu'il montrera un certain désabusement vis à vis des postures politiques traditionnelles, au point de bientôt devenir anarchiste. On doit une vingtaine d'oeuvres à cet écrivain de talent qui possède plusieurs salles de spectacles baptisées en son honneur, dont le théâtre de Paysandu.

Le théâtre, lui, sera inauguré en 1876, puis complètement refait au début du XX ème siècle (avec nouvelle inauguration en 1907). 1940 verra l'endroit transformé en ciné-théâtre, avant d’être classé comme monument historique national en 1975. Là se produisirent jadis les têtes d'affiche de l'opéra italien (Lea Candini et Salvatore Sidivo), de grands acteurs (Antonio, Blanca Podesta...) et de grands noms de la musique (Carlos Gardel, Gerardo Grasso, Ariel Ramirez...)

 

Je m'arrêterai également devant la superbe façade de l'ancien commissariat de police (ci-dessous) située dans la rue Leandro Gomez, à deux pas du bureau de poste. L'ouvrage fut bâti en 1860 par Francisco Poncini, à la demande du Colonel Basilio Pinilla alors responsable politique de Paysandu. Et constituera l'une des forteresses du système de défense de la ville en 1864-65 (alors sous les ordres du Capitaine Pedro Rivero, qui mourra lors des combats). En levant les yeux, on peut admirer en haut du portail des allégories sur la Justice et la Force, toutes deux taillées dans le marbre par le sculpteur italien José Livi. De même, de chaque côté de l'écusson national, on peut relever l'existence d'allégories sur la Surveillance et la Loi.


 

Je prends la route du port de Paysandu, qui, d'après ce que m'a raconté ce matin un responsable sur place, exporte toujours du riz et diverses autres céréales. Des porte-conteneurs viennent aussi débarquer leurs cargaisons venues de la capitale, Montevideo. Ce port fut l'un des premiers à avoir vu le jour en Uruguay. Déclaré port national depuis 1829, il conserve encore aujourd'hui le bâtiment (premier du genre) qui y fut érigé en 1865 et servit de siège du port. Il est de nos jours toujours occupé par la Préfecture du port et les Douanes (ci-dessous). Au cours de ma visite, j'apprendrai que l'endroit connait (rarement) des crues exceptionnelles. Une jauge fixée dans l'entrée de l'édifice des Douanes permet de mesurer le niveau de la montée des eaux, la plus importante crue ayant pour l'instant eu lieu en 1959. Heureusement, on a depuis bâti des barrages sur le fleuve Uruguay, qui limitent considérablement les inondations mais ne les empêchent pas totalement. Mon hôtel est par exemple en zone inondable. Comme quoi, il est bon d'avoir appris à nager au cours de sa jeunesse.


 

A deux kilomètres de là, et d'après l'office du tourisme local, se trouve le Musée de la Tradition. Juste à côté, se dresse également l'amphithéâtre du fleuve (ci-dessous). Si le musée de la tradition a toujours son nom sur la vitrine, un vieux monsieur m'affirma que le musée était fermé depuis les dernières inondations. D'un autre côté, les musées de Paysandu sont « traditionnellement » fermés le lundi. A vérifier.

Je trouverai, grâce à ce même homme, le moyen de me faire ouvrir l'accès à l'amphithéâtre pour prendre ma photo. L'ouvrage, qui domine le fleuve Uruguay, fut inauguré en mars 1997 et offre une parfaite acoustique pour les 20000 spectateurs présents. Cette originalité en fait un lieu unique en Amérique latine.

 

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