Revoir le globe
Top


Histoire de Colonia del Sacramento
(Musée Municipal, Colonia del Sacramento, Département de Colonia, Uruguay)
Heure locale


Vendredi 19 mai 2017

 

Il tomba des cordes hier soir mais le vent est depuis tombé sur Colonia et la météo joue l'accalmie ce matin. Je retourne au centre historique pour visiter le musée municipal Dr Bautista Rebuffo, le plus vieux musée de la ville. Celui-ci s'est installé dans une maison portugaise du XVIII è siècle qui fut modifiée durant l'occupation espagnole. D'abord connue comme la « maison des secrétaires », la demeure deviendra plus tard une résidence privée. Là, fut créé le premier musée de Colonia en 1951, dont l'originalité est de présenter des objets qui furent réalisés, transmis de génération en génération, et utilisés par les ancien occupants successifs de la demeure. Onze salles d'exposition m'attendent donc et , à travers elles, l'histoire de la cité des origines à nos jours.

 

Avant l'arrivée des Européens dans la région, nombreux étaient les Indigènes qui vivaient sur ces terres (comme ce jeune indien Charruas en photo ci-dessus). Les colons n'arrivèrent que progressivement dans la zone du Rio de La Plata, effectuant plusieurs expéditions afin de prendre contact avec ces tribus indigènes (Charruas, Guaranis, Chana Timbu). Toutefois, à partir du moment où les Européens débarquèrent sur cette côte, le sort des Indigènes était scellé et les colons ne repartiront plus jamais.

Colonia del Sacramento restera la pomme de discorde entre Espagne et Portugal, qui, tour à tour, voulurent s'approprier l'endroit : au départ, il y eut le Traité de Tordesillas, signé entre ces deux pays dès 1494, qui divisa les territoires de l'Amérique du Sud en deux à l'aide de frontières incertaines. Ce traité né s'opposait pas à la continuation de la politique d'expansion portugaise dans la zone hispano-américaine, et le Rio de La Plata, alors détenu par le Vice-roi du Pérou, formait la limite sud des terres espagnoles avec le Brésil, qui, lui était portugais. Et c'est cette frontière incertaine qui poussa le Portugal à établir une colonie placée sous l'Ordre du Saint-Sacrement dans cette partie du fleuve, entre 1680 et 1777. L'objectif était clair : bâtir une enclave commerciale dans la région, faire de cet endroit un lieu stratégique pour le commerce et l'armée, établir un port d'entrée vers les fleuves Uruguay et Parana, et permettre l'accès aux mines d'or du Potosi, puis à l'intérieur du Brésil. Voilà ce qui motivera Don Manuel de Lobo, en 1680, alors ambassadeur de Rio de Janeiro et représentant de la couronne portugaise en Amérique du Sud, à fonder cette colonie de peuplement à l'époque, accroissant ainsi la zone d'influence du Portugal sur ce continent. Dès lors, le conflit entre le Portugal et l'Espagne était inévitable.


 

Les Espagnols n'allaient pas tarder à prendre leur revanche, avec le délogement des Portugais, faisant de Colonia del Sacramento un morceau de l'empire espagnol et ce, jusqu'à la première bataille pour l'indépendance en 1811. Les 400 soldats portugais qui s'étaient alors installés sur l'ile Saint Gabriel en janvier 1680, furent bientôt délogés par José de Garro, gouverneur espagnol et capitaine du Rio de La Plata et ses troupes. Manuel de Lobo sera arrêté puis transféré à Buenos-Aires, où il mourra vingt ans plus tard. La population de Colonia sera alors principalement composée d'Espagnols, puis placée sous l'autorité de la Vice-royauté du Rio de La Plata, et la cité allait tenter de s'approprier ce XIXè siècle naissant, dont les nombreux objets exposés dans les vitrines du musée témoignent de la vie quotidienne de l'époque. Toutefois, 1683 verra la reprise de la ville par les Portugais, sous le nom de la Nova Colonia do Santisimo Sacramento, reprise confirmée en 1701 par le Traité de Lisbonne. La cité sera malgré tout reprise en mars 1705 par les Espagnols, plaçant Colonia sous occupation hispanique jusqu'en 1715, c'est à dire la négociation du Traité d'Utrecht. Puis, de nouveau sous domination portugaise, la cité deviendra alors un nid de contrebandiers anglo-portugais échangeant avec l'Espagne. Le 22 novembre 1723 verra la fondation du Fort de Montevideo. En 1750, un autre Traité, celui de Madrid, stipulait que l'Espagne conserverait Colonia del Sacramento à condition de céder au Portugal les camps de Jésuites (Missions orientales) qui se trouvaient dans le Rio Grande del Sur. Malheureusement, l'entrée de l'Espagne dans la Guerre de Sept ans, dès 1762, mettra un terme à ces négociations mais le conquistador espagnol Pedro de Cevallos prendra tout de même possession de Colonia. La situation évoluera à nouveau avec la signature, en 1763, du Traité de Paris (mettant fin à la Guerre de Sept ans), faisant à nouveau passer Colonia sous la domination du Portugal. Ultime rebondissement le 1er octobre 1777 avec le Traité de San Ildefonso qui permettra que les Espagnols conservent Colonia en échange de leur retrait d'autres zones conquises au Brésil. Cette même année, le roi d'Espagne Charles III, enverra une seconde expédition dans le Rio de La Plata. L'armada était constituée de 80 navires et de 9000 hommes dont le régiment de Saboya qui occupera Colonia à son arrivée. Enfin un peu de stabilité...


 

L'histoire de Colonia del Sacramento n'allait pas s'achever pour autant : les secondes invasions anglaises dans le Rio de La Plata, le 5 mars 1807, allaient encourager les idées indépendantistes qui prenaient déjà forme en Uruguay. José Artigas, lui, commandait d'une main ferme la ville, jusqu'au moment où il ralliera la révolution de Mai, en 1811, à Buenos-Aires (Argentine). A cette époque, les peuples d'autres colonies espagnoles d'Amérique du Sud commençaient aussi des guerres d'indépendance et Artigas voulut mener cet idéal dans la bande Orientale, c'est à dire les territoires espagnols détenus à l'Est du fleuve Uruguay. Et de rentrer en Uruguay, son pays natal, en avril 1811, avec près de 180 soldats, puis de prononcer la proclamation de Mercedes le 11 avril de cette même année. Notre homme deviendra le chef de la révolution le 18 mai lorsqu'il défiera les forces espagnoles à la Bataille de Las Piedras, avant de débuter le siège de Montevideo et d'être officiellement nommé Premier chef des Orientaux.

Deux ans plus tard, en 1813, Colonia allait faire partie de la Province orientale, appelée également bande orientale d'Uruguay, une zone entièrement occupée par l'empire brésilien de 1817 à 1825, jusqu'au jour où les 33 Orientaux débarquèrent et reprirent le contrôle de ces terres.

 

La maison patricienne de Colonia (là où je me trouve maintenant, c'est à dire au musée municipal) savait recevoir ses hôtes. Depuis les premiers jours de l'ancienne cité jusqu’aux heures agitées de la république uruguayenne, les propriétaires successifs de la demeure faisaient tout afin d'accueillir leurs invités dans l’opulence, comme en témoigne la salle où je m'arrête quelques instants (ci-dessus en photo). Des vitrines rassemblent de nombreux objets ayant appartenu aux propriétaires de l'endroit. Dommage qu'ils ne soient pas suffisamment documentés. Le salon, lui, est luxueux et offre les éléments de confort de l'époque, dans un univers architectural d'inspiration coloniale. Un véritable concentré de bien-être européen à l'autre bout du monde !

Une autre salle du musée aborde le destin touristique de Colonia del Sacramento en ce début de XX ème siècle : la cité va entrer dans la modernité en entreprenant ses premiers investissements afin de faciliter l'accueil des visiteurs du monde entier. Un petit coup d'oeil est au passage adressé à Nicolas Mihanovich (fils) qui construisit le complexe touristique Real de San Carlos, en 1908. Une immense place de corrida (Plaza de Toros) symbolise encore l'endroit actuellement, mais le projet de notre homme comportait aussi la construction d'un hôtel, d'un casino, d'une usine électrique, d'un centre de balnéothérapie et d'un ponton devant permettre l'arrivée au port de navires de 300 mètres de long. La ville ne prenait pas beaucoup de risques dans la mesure où elle constituait déjà la destination favorite de touristes argentins « argentés » qui avaient juste à traverser le Rio de La Plata pour passer du bon temps . La première corrida eut lieu à la Plaza de Toros le 9 janvier 1909 avec des taureaux acheminés depuis l'Espagne. Le succès sera immédiat. Quant à l'embarcadère, qui se trouvait à 5 kilomètres de Colonia, il accueillera le premier navire à vapeur transportant les touristes depuis l'Argentine. De là, les 750 mètres séparant les visiteurs de la place des taureaux étaient effectués à bord d'un petit train. L'usine de production électrique, elle, conçue par Benjamin Manton, fournira l'électricité alentours, illuminant la cité de Colonia de ses 700 ampoules.

 

Une salle du musée est consacrée à la Chapelle avec la Vierge Marie, celle que dévots et toréadors venaient prier. Deux petites vitrines, bien mal mises en valeur, contiennent des parures sacerdotales et des objets liturgiques. Les éléments de l'autel étaient jadis abrités dans la Chapelle de la place, de 1910 à 1945. Non loin de là, j'aperçois une salle consacrée à la faune, à la flore et aux fossiles. Tous les animaux ainsi que les résultats des recherches paléontologiques proviennent de Colonia del Sacramento ou du département dont la ville est la capitale. Une dernière salle, exposant de jolis papillons, est dédiée à la zoologie.

 

INFOS PRATIQUES :

  • Musée municipal Dr Bautista Rebuffo, Plaza Mayor 25 de Mayo, à Colonia del Sacramento. Ouvert tous les jours de la semaine, de 11h15 à 16h45. Entrée : 50 pesos uruguayens (le même billet donne aussi accès le même jour à trois autres musées de la ville). Prise de photos autorisée sans flash. Durée de la visite : 40 minutes. Site internet : http://www.museoscolonia.com.uy/museos/museo-municipal







Retour aux reportages







Qui Suis Je - Reportages - Médiathèque - Calendrier - Pays - La lettre - Contact
Site réalisé par Kevin LABECOT
Disclaimer - Version mobile