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Piriapolis
(Département de Maldonado, Uruguay)
Heure locale


Samedi 27 mai 2017

 

Les gens d'ici vous décriront surement Piriapolis comme l'attraction du moment. Le nom concerne à la fois une baie (comme sur la photo ci-dessus, prise depuis le Mont Cerro San Antonio), une ville d'à peu près 9000 habitants et une station balnéaire qui se trouve à environ 35 km de Maldonado. Lorsque j'arrive sur place, ce matin, sur le coup de 10 heures, çà dort encore et seuls quelques promeneurs arpentent la jolie promenade du front de mer, appelée ici Ramblas (deuxième photo). Cet endroit, qui sera la première station balnéaire de l'Uruguay, tire son nom de son fondateur, un certain Francisco Piria (troisième photo), d'où le nom de Piriapolis (ville de Piria).


 

Ici, on vit principalement du tourisme et nombreux sont les hôtels qui s'élèvent en ville, comme l'hôtel Colon (ci-dessous) qui offre l'apparence d'un petit hôtel à la française, mélangeant tout à la fois les styles médiéval et Renaissance. L'histoire de Piriapolis commença très singulièrement le 12 février 1874 lorsqu'une petite annonce de journal invitait les habitants de Montevideo (la capitale ne se trouve qu'à une centaine de kilomètres de Piriapolis) à devenir propriétaires très simplement, et pour pas cher, en faisant l'acquisition d'un bout de terrain constructible dans ce coin surnommé alors Las Piedras, soit disant terre de centenaires, bref, l'endroit avait tout d'une terre promise !

Celui qui était à l'origine de cette incroyable opération immobilière n'était autre que le jeune Francisco Piria, qui, à 27 ans seulement, avait décidé de faire fortune en vendant des terres précédemment achetées localement. Notre homme prétendra, vingt ans plus tard, avoir d'ailleurs été à l'origine de la naissance de 350 villages et quartiers dans cette région, pas moins, après avoir tout de même vendu 175 000 terrains à 50000 nouveaux propriétaires. Francisco Piria était né à Montevideo en 1847, de parents immigrés italiens. Même s'il fit sa scolarité en Italie, il reviendra en Uruguay à l'âge de 16 ans pour entrer dans l'armée. Puis, il fera ses débuts comme commissaire-priseur quatre ans plus tard, à Montevideo, avant de vendre pendant quelques temps des articles de confection. Doué d'un sens des affaires peu commun, ce genre d'activité ne pouvait suffire à nourrir l'ambition du jeune homme qui décidera en 1890 d'acheter 2700 hectares de terres, entre le Mont Cerro Pan de Azucar et la mer. La même année, il se rendit en Europe où il visitera Ostende, Biarritz, San Sebastian et Trouville, et en ramènera cette idée de station balnéaire qu'il voudra créer à son tour ici, en Uruguay. Notons que Piria partait de rien lorsqu'il acquit ces terres. La seule construction alors présente dans cette localité était sans doute un poste militaire contrôlant le trafic jusqu'à Maldonado et un arrêt de diligences.


 

Le projet de création d'une nouvelle ville dans un endroit aussi paumé était un sacré défi. Mais l'idée de vendre de la terre par lots, et pas cher, à des Uruguayens modestes à qui l'idée de devenir propriétaire ne déplaisait pas, n'était pas mauvaise. Piria saura se mettre à la portée des petites gens, en vendant moins cher chaque terrain, mais à un nombre plus important de clients. Pour cela, il utilisera la publicité sous la forme de brochures explicatives distribuées gratuitement au plus grand nombre, puis fera venir à ses frais les futurs acheteurs par train à vapeur (ci-dessous) à proximité même des terrains à vendre, tout en organisant une fête sur place, avec pique-nique offert. Et d'attirer ainsi une foule immense, souvent davantage intéressée par l'idée de passer une bonne journée en bord de mer et tous frais payés que par l'achat de terrains. Ensuite, son argument fort était de prêcher du haut d'une estrade, devant l'assistance, pour vanter la propriété individuelle et ses avantages, puis, plus tard, de tenir ses promesses, contrairement à d'autres spéculateurs qui vendaient des terrains en promettant la création d'installations et d'équipements qu'on ne voyait jamais sortir de terre. Piria plantera ainsi des milliers d'arbres entre les collines Pan de Azucar, Toro et San Antonio, histoire de valoriser ce relief désertique, ce qui lui vaudra en 1910 de recevoir la médaille d'or et son premier contrat public d'un montant de 10000 pesos de l'époque pour la construction d'une première école publique, en 1913. Et comme pour montrer l'exemple, Francisco Piria commencera par construire sa propre résidence, le Château de Piria (ci-dessous) qu'il habitera à partir de 1897. L'endroit est superbement situé au milieu de la nature, et à environ cinq kilomètres de la ville de Piriapolis. Même si l'édifice (qui fut la propriété d'un particulier en 1975, puis sera cédé au département en 1980 pour en faire depuis un musée) connait actuellement des travaux de rénovation, il est possible de visiter librement l'intérieur, avec ses galeries de photos au rez-de-chaussée, puis les quelques pièces meublées encore accessibles au premier étage. Les jardins offrent quant à eux d'admirer le « palmera drago », palmier connu comme « l'arbre des alchimistes ». La construction, œuvre de l'ingénieur Aquiles Monzani, est de style Renaissance, et abrite des pièces autrefois tapissées avec des papier-peints importés de l'étranger, puis aménagées avec des meubles de style Louis XV. Autour du château seront plantés 250 hectares de vignes et 200 oliviers importés d'Italie. Il fera bâtir une cave (devenue aujourd'hui une propriété privée) au pied du mont Cerro Pan de Azucar où il fabriquera jusqu'à 360 000 litres de vin par an, vin qu'il fera vieillir dans des tonneaux tout droit venus de France. Ce seront ainsi 1 200 000 pieds de vignes, de 137 variétés différentes, qui seront plantés sur la propriété, permettant non seulement la production de vin, mais aussi de la « congnaquina », un breuvage possédant, parait-il, des vertus thérapeutiques garanties, et mis au point par Francisco Piria qui fut aussi alchimiste. Notre chef d'entreprise saura également exploiter toutes les ressources contenues sur ses terres, en ouvrant par exemple une carrière de granit, de porphyre et de marbre, dès 1916, matériaux qui seront ensuite utilisés pour la construction des édifices locaux.

 

Les hôtels allaient bientôt faire leur apparition dans cette nouvelle station balnéaire : le tout premier logement sera un bâtiment préfabriqué qui sera utilisé comme bureau d'accueil lors d'une exposition à Montevideo. Piria en fera l'acquisition, le fera remonter sur place, puis s'en servira pour créer le tout premier hôtel de la ville en 1900. Huit ans plus tard, ouvrira le Gran Hotel Piriapolis, devenu depuis un centre de vacances pour jeunes d'une capacité de 300 places.

Deux ans plus tard, Francisco Piria s'attèlera à la construction du port (ci-dessous)qui deviendra vite le point de chute des bateaux à vapeur en provenance de Buenos-Aires (Argentine). Puis, le train fera son apparition à son tour avec une voie ferrée de quinze kilomètres, qui permettait aux convois venant de Montevideo de déverser leur flux de voyageurs à Piriapolis (le premier convoi entra à Piriapolis en 1915), en passant par les Ramblas, marquant un arrêt à l'Argentino Hotel, puis continuant sa route jusqu'à Punta Fria (au pied du Cerro San Antonio). A noter que depuis 1910, le chemin de fer desservait déjà Pan de Azucar. Vint ensuite la création de cette promenade de sept kilomètres sur le front de mer (deuxième photo), puis une usine de production d'électricité, et d'autres espaces publics comme la fontaine de Vénus (conçue dès 1911 au pied du Mont Cerro del Toro), la Cascade, la fontaine del Toro (inaugurée en 1911, à environ 100 mètres au-dessus du niveau de la mer), le Pavillon des Roses, et la petite chapelle de San Antonio au sommet du mont Cerro San Antonio (troisième photo). Cette chapelle, ainsi que la statue du saint à l'intérieur, furent inaugurés en 1919 et sont l'oeuvre du Français Pedro Guichot, lequel exécuta les dessins d'un autre Français, Adolfo Beautiers. Le mont San Antonio, lui, qui sera un temps surnommé Cerro del Inglès (une entreprise anglaise « The Pan de Azucar Bay » officia ici jusqu'en 1715, d'où le nom de Cerro Inglès donné au mont), constitue toujours aujourd'hui le meilleur point de vue pour observer la ville de Piriapolis. Les moins courageux emprunteront le petit téléphérique qui monte jusqu'au sommet de ce mont, une autre manière d'admirer le paysage.


 

Le projet de Francisco Piria prenait peu à peu forme à force d'ambition, de volonté et de travail, mais nécessitait encore davantage de publicité. Et notre homme d'investir 15000 pesos or, somme considérable pour l'époque, afin d'encourager les gens à visiter la nouvelles station balnéaire. Puis, il fera paraître, en 1918, une brochure à l'attention des Argentins, en vantant sa ville comme enchanteresse, avec ses plages de sable fin (je le confirme!), ses montagnes et ses forêts denses, tout cela à portée de main, sans parler « de ses eaux minérales encore non exploitées par manque de temps » . Pour sûr, cet homme-là savait attirer le chaland...au point de convaincre des bienfaits médicaux de la station, celles et ceux qui souffraient de stress, d'insomnie ou de surmenage (déjà la maladie du siècle). Il ne faut pourtant pas croire que tout alla de soi pour Piria qui vit souvent ses soutiens lui faire défaut. Et , faute d'avoir achevé en temps et en heure la construction du port et du chemin de fer, de se voir menacé d'être lâcher par le gouvernement d'alors. Piria répliquera en 1926 dans un article de son propre journal en s'interrogeant sur le fait que l'Etat importait ses propres matériaux de construction pour bâtir le bureau des Postes alors qu'il disposait sur place des carrières du Cerro Pan de Azucar. Ces points de divergence n'entameront pas les bonnes relations entre Piria et l'Etat : ainsi, le président de la république Baltasar Brum posera t-il la première pierre de ce qui allait devenir le plus grand hôtel d'Amérique du Sud, l'Argentino Hotel (ci-dessous). Nous sommes alors à Piriapolis, en 1920. Ce gigantesque bâtiment allait être inauguré dix ans plus tard. L'édifice, dont la façade mesure pas moins de 120 mètres de large (pour 70 mètres de profondeur) possède six étages et pouvait à l'époque loger plus de mille personnes en même temps. La cuisine d'origine, qui comprenait une rôtisserie et un atelier pour confectionner des glaces, s'étendait sur...2000 m2. Quant aux fours de la boulangerie de cet hôtel, ils pouvaient approvisionner la totalité des habitants de Montevideo. De plus, deux chambres frigorifiques assuraient la conservation de deux millions d'oeufs à la fois, et les cuisines de l'établissement étaient équipées de 40 feux et de 40 fours. Le générateur électrique, lui, avait été installé au rez-de-chaussée de l'immeuble, avec les équipements de balnéothérapie, le gymnase, les salons de billard, le salon de coiffure etc...le fil de lin avait été importé d'Italie, la vaisselle d'Allemagne, la cristallerie de Tchécoslovaquie et les meubles d'Autriche.

Francisco Piriapolis nous quittera le 10 décembre 1933, à l'âge de 86 ans et au terme d'une vie bien remplie.

 

INFOS PRATIQUES :

  • Castillo de Piria, à 5 kilomètres de Piriapolis (emprunter l'Avenida du Général Artigas qui part de las Ramblas de Argentinos, en ville, puis continuer tout droit et guetter le seul panneau d'affichage »Castillo de Piria » existant sur votre gauche, écrit en blanc sur fond bleu). Le château est ouvert tous les jours de 9h00 à 17h45. Entrée libre. Site internet : http://www.destinopiriapolis.com/informacion/castillo-de-piria
  • Office de tourisme, Rambla de los Argentinos à Piriapolis. Ouvert tous les jours de 10h00 à 16H00.La salle du fond de l'office de tourisme expose plusieurs photos anciennes extraites de l'ouvrage du Professeur Pablo Reborido, « Piriapolis, una historia en 100 fotos » (en vente localement dans les librairies). Vous pouvez voir certaines de ces photos sur l'album de cette visite en cliquant sur l’icône « autres photos », en haut à droite de cet article. Site internet : http://www.destinopiriapolis.com/

  • Argentino Hotel, Rambla de los Argentinos, à Piriapolis. Tél : (598) 4432 2791. Site internet :http://www.argentinohotel.com/

  • Hotel Colon, Avenida Francisco Piria, à Piriapolis. Tél : (598) 4432 2508. Site internet : http://www.hotelcolonpiriapolis.com

  • Carlos Rodriguez est un guide touristique spécialisé en ésotérisme. Bilingue (espagnol et anglais), il travaille sur Montevideo , Maldonado et Piriapolis. Tél portable : 099 152 953. Site internet : http://www.rayonexlatinoamerica.com et http://www.rayonex.de









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