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La Tirana, Pozo-Almonte, Matilla et Pica
(Région de Tarapaca, Chili)
Heure locale

 

Jeudi 28 février 2019

 

Hier mercredi fut une journée de transition, que je mis à profit pour me rendre à Pica (Province de Choapa), bien plus au nord. De là, Jean-Sébastien et moi partons ce matin pour une tournée des grands ducs, qui nous mènera successivement à La Tirana, à Pozo Almonte, à Matilla et à Pica, notre point de chute pour quelques jours.

La Tirana est un village de 800 âmes situé dans un oasis au cœur de la Pampa de Tamarugal (nom faisant référence au bois tamarugo, abondant à cet endroit). L'église du village (en photo ci-dessous) est d'ailleurs en bois rempli de calamine. Elle est l'oeuvre du Père Friedrich et fut érigée au début du 20è siècle, quelques années seulement après les tremblements de terre de 1866 et 1877 qui détruisirent le précédent édifice religieux, probablement du au Père Rendon. L'originalité de Tirana est qu'il constitue le principal sanctuaire religieux du Norte Grande chilien. En effet, la Fiesta de Tirana,fête annuelle commémorant la Vierge du Carmen tous les ans pendant une semaine, dont le point d'apogée est le 16 juillet, attire plus de 250000 personnes. Le pape François reconnut officiellement cette célébration lors de sa visite apostolique ici en janvier 2018. Cette célébration tire d'ailleurs son origine d'une autre fête brésilienne, la Pachamama, en l'honneur de la Vierge de Copacabana, qui naquit de la volonté des mineurs aymaras, des Boliviens qui travaillaient jadis dans les gisements de cuivre et d'argent. Et la célèbre fête de Tirana de faire donc date, chaque 16 juillet, depuis le boum de l'exploitation du salpêtre au 19è siècle, en ayant simplement changé de date de célébration au moment de la Guerre du Pacifique, selon les pays (le 16 juillet pour les Chiliens, le 28 juillet au Pérou et le 6 août en Bolivie).


A l'époque, on comptait jusqu'à 19 chariots qui transportaient les troupes de danseurs devant se produire lors de la fête de Tirana : cette célébration de la Vierge du Carmen, sainte patronne de l'armée chilienne, vaut bien une danse, et même plusieurs. Il existe plusieurs danses dont celle des Antawaras, qui s'exécute sur la pointe des pieds et les bras levés conformément à la tradition inca qui vénérait de cette façon l'astre solaire. Les hommes dansent, revêtus de vêtements décorés, agrémentés d'un poncho coloré et coiffés d'un chapeau de feutre beige, pendant que les femmes, elles, portent jupes, chemisiers ornés de motifs, chapeaux de feutre et chaussures basses. Il y a aussi celle des Chinos (Chinois), tout droit venue du sanctuaire d'Andacollo, dans la région de Coquimbo. Cette danse est caractérisée par ses sauts et ses exercices d'équilibre et est accompagnée par une musique à base d'instruments aérophones monocordes et d'un tambour. Principalement exécutée par les hommes, on peut y trouver aussi quelques danseuses. Les Chunchos ont aussi leur danse, d'origine bolivienne, en forme de cercle et comprenant de grands pas et des sauts, pendant que les danseurs portent une lance en bois appelée chonta. Sifflets, tambours, et instruments de percussion accompagnent ce spectacle. D'autres groupes comme les Gitanos, les Diabladas (sans doute les plus impressionnants par la richesse de leurs costumes), les Indios et les Kayahuallas participent aussi à la fête en dansant.

Des pèlerins chiliens, péruviens et boliviens arrivent à La Tirana en interprétant des chants joyeux, et les célébrations se poursuivent à l'église où l'on vient s'agenouiller devant la Vierge du Carmen. Des sacrifices sont alors réalisés individuellement ou en petits groupes, comme par exemple une marche de dix kilomètres depuis le crucifix jusqu'à l'église. A minuit ce 16 juillet, un feu d'artifice est tiré au moment où la fête atteint son paroxysme avec chants, danses et musique pour célébrer l'anniversaire de la vierge. Vient le moment de la messe, qui est célébrée sur la place du village durant laquelle les fidèles entonnent le chant de l'aube.


Nous reprenons la route en direction de la réserve nationale Pampa del Tamarugal qui s'étend sur quelques 100 000 hectares et trois secteurs. Celui de La Tirana-Pintados-Bellavista se trouve sur la commune de Pozo Almonte et attire les visiteurs curieux, tou comme nous, d'apercevoir les géoglyphes de Pintados, ces figures d'apparence humaine stylisée revêtues de ponchos avec sur la tête une couronne de plumes, de lézards et de condors. Sur place, on dénombre soixante panneaux et un total de 450 figures représentant des lignes creusées dans le sol qui forment d'immenses motifs géométriques visibles du ciel.

Jean-Sébastien et moi repartons ainsi de La Tirana pour nous rendre vers Pozo-Almonte, mais tournons à gauche lorsque nous arrivons à l'embranchement de la Ruta 5, direction Antofagasta. Nous roulons ensuite une trentaine de kilomètres jusqu'à apercevoir un panneau indiquant « Geoglifos Pintados », tournons sur notre droite puis continuons tout droit sur deux km et arrivons bientôt au point d'entrée de la Réserve nationale Pampa del Tamarugal, dont fait partie ce secteur d'observation des géoglyphes. Je rédigerai ultérieurement un article complet sur ces figures étonnantes mais pour l'heure, il nous faut passer à la caisse pour pouvoir accéder au sentier d'observation de ces étranges formes géométriques. Le tarif à acquitter est en effet le double de celui accordé aux Chiliens (voir infos pratiques) mais cette pratique est courante dans d'autres pays, dont l'Inde. La CONAF est l'organisme chilien qui gère les 41 parcs nationaux, les 46 réserves nationales et les 17 monuments naturels que comprend le pays.

Nous sommes invités à nous rendre à deux kilomètres de là jusqu'au parking à côté duquel se trouve le centre d'interprétation des géoglyphes, qui propose aussi de nombreuses informations sur la faune, la flore, et bien sûr les formes géométriques. Un sentier d'un kilomètre (difficile d'accès pour les personnes handicapées) a sommairement été aménagé par la CONAF avec trois arrêts comportant chacun un panneau d'information ne donnant que des informations générales sur les géoglyphes observables face à nous. Ce parcours sent l'amateurisme et...l'inachevé. J'aurais préféré que la CONAF affiche le nom et la description (avec photo à l'appui) de chaque géoglyphe pour me permettre d'en apprendre plus.

Un peu dépité, et en attendant d'effectuer les recherches nécessaires à la prochaine rédaction d'un vrai article sur les géoglyphes, je reprends la route pour me rendre à Matilla, un petit village situé en contrebas de Pica, à 1160 mètres d'altitude, un village parmi tant d'autres dont le principal intérêt reste l'église San Antonio (en photo ci-dessous) qui fut érigée pour la toute première fois entre 1718 et 1721. L'ouvrage sera mis à bas par un séisme en 1768, détruisant la nef et n'épargnant que le campanile. Une seconde église fut bâtie qui dura plus d'un siècle, laquelle sera aussi détruite par les tremblements de terre en 1877, puis reconstruite en 1887, avant d'être restaurée en 1981, et d'être à nouveau détruite par le puissant séisme du 13 juin 2005. L'église actuelle fut inaugurée en juin 2007, rebâtie avec une façade en bois de style néoclassique. L'intérieur offre de jolies statues de saints ainsi qu'une reconstitution grandeur nature de la cène, le dernier repas du Christ. L'édifice peut être visité en se procurant la clef auprès d'un commerçant voisin (voir infos pratiques). L'autre curiosité de ce village est le musée du pressoir local (lequel date du 18è siècle), qui consiste en une seule salle en plein air (deuxième photo). Ce pressoir sera construit pour fabriquer du vin. Ses installations sont très bien conservées et offrent d'observer la presse monumentale, les récipients à grains et les réservoirs de fermentation. Connu également sous le nom de « Médina & Frères », il servit à presser, puis à laisser fermenter le jus de raisin du 18è au 20è siècle, pour produire en fin de chaine le vin local. La production et donc l'activité de ce pressoir fluctuera en fonction des hauts et des bas économiques de la région (exploitation minière coloniale de San Luis de Potosi en Bolivie, découverte d'argent à Huantajaya et du salpêtre du côté de Tarapaca et d'Antofagasta). Plus qu'un pressoir, cette activité vinicole ancestrale laisse encore le souvenir de traditions locales profondément ancrées dans l'esprit collectif. Quant au pressoir, il fut déclaré monument national le 5 octobre 1977.


 

A une encablure de Matilla, se trouve Pica et son église San Andrès (ci-dessous), troisième du genre à se dresser à cet endroit car les deux précédentes, détruites par des tremblements de terre, dataient respectivement de 1600 et 1768. Sa façade est imposante avec ses deux clochers et son fronton, tandis que l'intérieur abrite, là aussi, une « dernière Cène », taillée dans le bois par le sculpteur José Maria Arias.

Pica n'est pas uniquement un point de départ pour sillonner les alentours. Historiquement, le village joua de longue date un rôle important dans la vie pré-hispanique locale. L'homme y aurait vécu il y a 6000 ans avant notre ère, bien avant que les Espagnols ne s'y installent à leur tour et nous laissent en héritage plusieurs réalisations : églises, pressoirs à vin et canaux d'irrigation. Pour alimenter en eau Pica, les Espagnols se servirent en effet d'une technique déjà éprouvée à Potosi (Bolivie) en construisant près de 12 kilomètres de galeries souterraines qui captaient les eaux filtrantes. Ces aménagements permettront au village de devenir un oasis en plein désert à 1325 mètres d'altitude. D'où la présence de nombreux fruits (oranges, goyaves, mangues, pamplemousses...) et de nombreuses boutiques spécialisées dans les jus de fruits frais. A consommer sans modération !

 

INFOS PRATIQUES :

  • Eglise de La Tirana, ouverte tous les jours de 9h00 à 20h00.
  • Le musée de la vie religieuse du Norte Grande, situé à l'intérieur de l'église de La Tirana, est (théoriquement) ouvert du mercredi au dimanche de 10h00 à 14h00 et de 15h00 à 18h15, et le mardi de 15h15 à 18h15. Entrée : 1000 pesos (500 pesos pour les enfants). Je dis « théoriquement » car nous avons aujourd'hui trouvé porte close. D'abord annoncée pour 10h30, le musée était fermé à notre retour et nous rebroussâmes chemin au bout d'un quart d'heure, non sans nous émouvoir sur place des horaires « élastiques » de l'employé en charge de ce lieu pourtant passionnant. Conseil : Ne vous déplacez pas à La Tirana spécialement pour cette attraction !

  • Apportez votre petit-déjeuner avec vous si vous vous rendez à La Tirana car vous ne trouverez ni boulangerie, ni café. L'endroit n'offre strictement aucun point de restauration et il vous faudra rejoindre Pozo-Almonte pour vous restaurer (à 10 km environ de là).

  • Géoglyphes de Pintados : Emprunter la Ruta 5, puis la A700 sur deux kilomètres jusqu'à franchir une ancienne voie ferrée et atteindre le point d'entrée de la Réserve nationale Pampa du Tamarugal. Ouvert du mardi au dimanche de 9h30 à 17h00. Entrée pour les étrangers : 4000 pesos (2000 pesos pour les Chiliens). Une brochure explicative (en espagnol et en anglais) vous est remise sur place. Nombreux panneaux d'explications sur les géoglyphes au centre d'interprétation et exposition thématique. Toilettes (accessibles aux personnes handicapées). Le sentier des géoglyphes, lui, n'est pas praticable (ou très difficilement) en fauteuil roulant. Les informations données à chaque station sont imprécises.

  • Eglise San Antonio, à Matilla. Messe le mardi à 18h30 et le dimanche à midi. Retirer la clef auprès de la Jugueria Hilda (à côté de l'église).

  • Musée du pressoir de Matilla : la clef est disponible auprès du kiosque touristique situé sur la place de l'église (parking).

  • A Pica, il m'est arrivé à plusieurs reprises d'emprunter une rue en sens inverse sans même m'en apercevoir : et les automobilistes de m'avertir par appel de phares. N'ayant pas vu de sens interdit (il n'y en a pas ici!) et ayant constaté que la chaussée était suffisamment large pour se croiser, je pensais naïvement pouvoir circuler. Or, au Chili, il faut regarder le sens de la flèche qui se trouve sous le nom de chaque rue afin de vous engager dans une rue sans risquer de faire un impair !

 

 

 







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